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■ L'hiver
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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2009-04-14 | | Inscrit à la bibliotèque par Guy Rancourt
À Yves-Gérard Le Dantec
Le vent emporte au loin sa fille qui pleure, Le vent va la cacher loin dans son pays, Le vent que la terre et le ciel ont trahi Fuit sans terre ni ciel, fuit vers sa demeure. Il fuit parmi les collines effrayées. Par les blés tourmentés, les seigles… Il fuit… En vain la petite église agenouillée Sur les chaumes se voue à prier pour lui. Il fuit les prés, l’étang, la lande, il s’enfonce Dans la grande mélancolie au long soir Où nul n’est entré derrière les bois noirs, Où se perd l’écho sans donner de réponse. Il fuit où ne sait plus personne. C’est là , Quelque part dans une angoisse qu’il traverse, C’est là que tout bas, plaintivement, il berce Sa fille qui va mourir du mal qu’elle a. C’est là que d’une haleine pas entendue, Il caresse, il chante avec un cri fermé, Il endort à mi-voix sa fille perdue Dont le chagrin jamais ne sera calmé. ……………………………………………. Mais voici des chasseurs entre les feuillages. Pour chercher le nid du vent ils sont partis. Ils sont montés haut sur le plateau sauvage Où meurt le sentier qui n’a plus de petits. Ils veulent aller prendre en la solitude Le secret du pays âpre, mais le vent Farouche, le vent, de toutes ses mains rudes, Leur barre l’espace autour de son enfant. Il oppose à leur marche ses mains hurlantes, Il retourne leur route, il dresse contre eux Un mur désespéré d’ailes violentes, Part, au loin s’appelle et revient plus nombreux. Il pousse les bois sur eux, il fonce, crie, Leur jette aux yeux les ifs, les buissons de houx, Il refoule avec les branches en furie Leurs aventureux visages à grands coups. Et leur chemin aveugle perd pied, chavire… Le vent fuit… Il emporte à travers le temps Sa fille dans son manteau qui se déchire, Sa Douleur chérie où le soir pleure tant. Il fuit, épars, il fuit… Nul ne le retrouve, Nul n’arrive jamais au nid qu’il défend, Où loin de la terre et loin du ciel il couve Sous un soupir la longue mort de son enfant. Ô vent pâle, grand vent de mon pays triste, Veux-tu pas en pleurant m’aller perdre aussi Comme un petit oiseau sans nom qui n’existe Que très peu dans un silence loin d’ici ? Veux-tu pas m’aller cacher ? Je suis en fuite. Je chantais dans un bois noir, mais le sentier Des chasseurs s’est mis soudain à ma poursuite. Ils prétendent me voir le cœur tout entier. Ils veulent s’emparer du nid de mon âme. Mais nul ne le trouvera – peut-être un seul – Ils entendront la pie en l’air qui réclame Beaucoup de place autour de tous les tilleuls. Ils s’égaieront par là de chansons et d’autres, Mais nul n’atteindra le lointain battement De celle qui n’a pas de frère, la nôtre, Celle douce entre les douces tristement. Celle qui tremble trop pour être entendue, Si tendre qu’un seul, qui ce soir remuerait Le feuillage où palpitante elle s’est tue, D’un regard, d’un seul à peine, la tuerait. ……………………………………………. C’est ma petite fille qu’on m’a brisée, Que le sanglot du vent me rapporte ici, Celle qui n’est ce soir jamais apaisée Et qu’en vain je calme en mon cœur obscurci. Ah ! ne laisse plus personne approcher d’elle, Vent sauvage ! Attends qu’elle ait un peu dormi. Plus personne… Entoure-la de sombres ailes… Plus personne, ô vent, surtout pas un ami. Ne laisse plus personne rompre ce somme Où se plaint tant d’ombre, où tant de rêve a peur… Ah ! plus un ami surtout ! Rien n’est lourd comme Le pas trop léger d’un ami sur le cœur. Chasse tous les chemins hors de sa détresse, Et le ciel, et les nuages, mais son ami, Lui si doux … écarte-le d’une caresse Qui loin, loin, repousse… et retient à demi. Prends-le dans ton souffle et l’implore, et l’entraîne Par les pays grands pour qu’il ne passe plus, Plus jamais sur le seuil où j’endors la peine De ma fille en pleurs qui n’a pas de salut. Où, pauvre nourrice vaine, je murmure Sur mon enfant que rien ne peut plus guérir Un air à voix lasse, entrecoupée, obscure, Pour aider le temps long qu’elle passe à mourir. 1925 (Marie Noël, Chants et Psaumes d’automne, 1947) |
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