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■ Voir son épouse pleurer
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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2009-04-13 | | Inscrit à la bibliotèque par Guy Rancourt
La rivière qui n’est jamais finie,
Qui coule et ne reviendra jamais, L’eau sans retour ni pardon m’a punie Mais je ne sais pas ce que j’ai fait. J’avais dans les mains, j’avais un cœur d’homme - Je ne savais pas ce que je l’avais – Léger sur mes doigts comme une souffle, comme Un brin tiède et fol duvet. Comment si tard en mes mains sauvages, Si prompt, si doux, avait-il volé ? Et ces mains au vent, ces mains que ravage L’automne, au vent l’ont laissé aller… La rivière qui fuit dès qu’elle arrive, Pleine sans fin d’amour offensé, Sans fin repousse et chasse la rive Où ma grand’faute aura commencé. Tout le long de l’eau je cherche ma faute Pour pleurer dessus et la laver, Mais tout le long de l’eau l’herbe est si haute Que je ne peux pas la retrouver. Ce cœur en mes mains volant, ce cri tendre, Où l’ai-je .égaré ? Je l’aimais tant Que je n’osais pas tout à fait le prendre Ni le toucher qu’à peine en chantant. Que j’avais peur de me dire un mensonge, De le croire à moi, de l’éveiller En le serrant trop, comme un cœur de songe Qui n’est pas sûr et va s’effeuiller. Je ne le tenais par un fil qu’à peine… Un fil… Le vent l’a peut-être usé ? Peut-être en tremblant de joie incertaine Est-ce en tremblant que je l’ai brisé ? Que je l’ai perdu ce cœur mien, pareille À celle, ô Dieu ! qui fait un faux pas Et laisse tomber un soir sa merveille Son fils unique en l’eau qui s’en va, En l’eau qui fuit, fuit, sans vouloir entendre, L’eau que nul cri ne peut rappeler, Et l’eau qui court, court, pour ne jamais rendre Le flot où s’est l’amour en allé… Je cours le long de l’eau toute l’année Pour la rattraper… Le temps se tait. Le ciel ne dit rien… Je suis retournée Jusque dans l’homme où ce cœur était. Mais je n’ai rien vu qu’un homme rapide Qui s’éloignait en pressant le pas, Un homme, un absent, où mon nom est vide Et dont la voix ne me connaît pas. La rivière qui n’est jamais finie, Qui passe et ne reviendra jamais, L’eau qui fuit pour toujours, l’eau m’a punie… Ah ! pour toujours, hier, qu’ai-je fait ? (Marie Noël, Chants et Psaumes d’automne, 1947)
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