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■ Voir son épouse pleurer
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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2009-02-28 | | Inscrit à la bibliotèque par Guy Rancourt
Mon Lou mon Coeur mon Adorée
Je donnerais dix ans et plus Pour ta chevelure dorée Pour tes regards irrésolus Pour la chère toison ambrée Plus précieuse que n’était Celle-là dont savait la route Sur la grand-route du Cathai Qu’Alexandre parcourut toute Circé que son Jason fouettait Il la fouettait avec des branches De laurier-sauce ou d’olivier La bougresse branlait des hanches N’ayant plus rien à envier En faveur de ses fesses blanches Ce qu'à la Reine fit Jason Pour ses tours de sorcellerie Pour sa magie et son poison Je te le ferai ma chérie Quand serons seuls à la maison Je t'en ferai bien plus encore L'amour la schlague et cotera Un cul sera noir comme un Maure Quand ma maîtresse arrivera Arrive ô mon Lou que j'adore Dans la chambre de volupté Où je t'irai trouver à Nîmes Tandis que nous prendrons le thé Pendant le peu d'heures intimes Que m'embellira ta beauté Nous ferons cent mille bêtises Malgré la guerre et tous ses maux Nous aurons de belles surprises Les arbres en fleur les Rameaux Pâques les premières cerises Nous lirons dans le même lit Au livre de ton corps lui-même - C'est un livre qu'au lit on lit - Nous lirons le charmant poème Des grâces de ton corps joli Nous passerons de doux dimanches Plus doux que n'est le chocolat Jouant tous deux au jeu des hanches Le soir j'en serai raplapla Tu seras pâle aux lèvres blanches Un mois après tu partiras La nuit descendra sur la terre En vain je te tendrais les bras Magicienne du mystère Ma Circé tu disparaîtras Où t'en iras-tu ma jolie À Paris dans la Suisse ou bien Au bord de ma mélancolie Que jamais jamais on n'oublie Alors sonneront sonneront Les trompettes d'artillerie Nous partirons et ron et ron Petit patapon ma chérie Vers ce que l'on appelle le Front J'y ferai qui sait des prouesses Comme font les autres poilus En l'honneur de tes belles fesses De tes doux yeux irrésolus Et de tes divines caresses Mais en attendant je t'attends J'attends tes yeux ton cou ta croupe Que je n'attende pas longtemps De tes beautés la belle troupe M'amie aux beaux seins palpitants Et viens-t'en donc puisque je t'aime Je le chante sur tous les tons Ciel nuageux la nuit est blême La lune chemine à tâtons Une abeille sur de la crème. 4 février 1915 (Guillaume Apollinaire, Poèmes à Lou)
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