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par [Kahlil_Gibran ]

2009-01-27  |     |  Inscrit à la bibliotèque par Guy Rancourt



Lorsque la nuit fut noire,
Que le sommeil eût raison de ce qui est,
Je quittai mon lit
Et me dirigeai vers la mer,
Car elle ne dort jamais,
Elle console les esprits qui veillent.
J’atteignis la plage tandis que la brume descendait de la montagne et voilait la plaine.
Au bout d’un moment, je remarquai trois fantômes assis sur un rocher.
Attiré par une force mystérieuse, je me dirigeai vers eux.
À quelques pas, je m’arrêtai, l’âme et l’esprit en émoi.
Un fantôme se leva, et, d’une voix profonde, déclara :
- La vie sans amour est un arbre sans fleurs,
L’amour sans beauté est une fleur sans parfum,
La vie, l’amour et la beauté sont une trinité divine, formant une unité indivisible et constante.

Il se rassit, et le deuxième fantôme prit la parole d’une voix limpide :
- La vie sans révolte est comme les saisons sans printemps,
La révolte sans justice est comme le printemps sans fleur,
La vie, la révolte et la justice sont une trinité divine, formant une unité indivisible et constante.

Il reprit sa place, puis le troisième fantôme déclama d’une voix tonnante :
- La vie sans liberté est un corps sans âme,
La liberté sans esprit est une âme embrouillée,
La vie, la liberté et l’esprit sont une trinité divine, formant une unité indivisible et constante.

Le silence se fit, suivi d’un frottement d’ailes,
Et puis plus rien.
Même sur le rocher, il n’y avait plus personne.

(Khalil Gibran, Orages, 1920)


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