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Le Neckar
poèmes [ ]

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par [HÖLDERLIN,_Friedrich ]

2008-08-07  |     |  Inscrit à la bibliotèque par Guy Rancourt



Dans tes vallées mon cœur s’est éveillé
À la vie, tes vagues ont joué autour de moi,
Et des collines gracieuses, ô voyageur!
Qui te connaissent, il ne m’en est point d’étrangère.

L’air du ciel à leur cime bien des fois
A dénoué mes souffrances d’esclave; et dans le val,
Comme la vie dans la coupe joyeuse,
Brillait la vague d’argent bleu.

Les sources des montagnes dévalaient vers toi,
Avec elles mon cœur, et tu nous emmenais
Vers la tranquille majesté du Rhin, vers ses
Villes en bas et ses îles heureuses.

Le monde encor me semble beau, et mon regard
Avec désir fuit vers les charmes de la terre,
Le Pactole doré, et les rivages
De Smyrne, le bois d’Ilion. Et je voudrais souvent

Aussi aborder au Sounion, demander au chemin muet
Nouvelle de tes colonnes, Olympeion!
Avant la tempête et l’âge
Dans les décombres des temples d’Athènes

Et des statues des dieux à ton tour ne t’enfouissent,
Toi depuis si longtemps debout, fierté du monde
Qui n’est plus! Et vous belles îles
D’Ionie, où l’air marin

Rafraîchit les rives brûlantes et murmure
Dans les lauriers quand le soleil chauffe la vigne,
Où un automne d’or change en chansons
Les pleurs d’un peuple pauvre,

Quand sa grenade est mûre, que dans la nuit verte
Brille l’orange, et le lentisque
Sue sa résine, quand cymbale et tambourin
Sonnent pour les dédales de la danse.

Vers vous, îles! m’emportera peut-être un jour
Le dieu qui m’est propice, mais fidèle jusque là-bas,
La pensée m’accompagnera de mon Neckar
Avec ses prés charmants et les saules des rives.

(Friedrich Hölderlin, « Der Neckar », in Anthologie bilingue de la poésie allemande, Paris, Gallimard, (Bibliothèque de la Pléiade), 1993)


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