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■ L'hiver
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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2008-04-23 | | Inscrit à la bibliotèque par Guy Rancourt I Mbaye (1) toi aussi Mbaye, si je t’ai choisie Mbaye, c’est pour ta beauté vraie Pour ta peau de bronze huilé, pour ta peau de sombre acajou. Je parle de l’accord, et que rien n’y soit défaut Rien pour sûr excès. Je t’ai élue pour ton visage d’orient aux deux étoiles de diamant Pour ton visage tatoué de deux traits droits, aux commissures là des yeux amandes Paré de nattes haut plaquées, guirlande de lumière noire autour de ton visage Et la queue de tresses flotte mobile, flottant au vent frais de la nuque. Je chante la beauté et je module la mesure Mesure la courbe tes courbes : la proue prouesse de la poitrine, la fuite Souple gracieuse des reins. Si je te chante, c’est pour l’épreuve et difficile. C’est difficile d’être souriante au bout du stade Ma gazelle penchée des sables, si belle dans l’angoisse et belle dans ton attente. II Tu es partie doucement, en troisième position. Tu as remonté aux quatre cents mètres, te décollant de Koumba- amul-Ndèye t’abritant dans la foulée de Ndèye Diassik, la mauvaise au long cours, toute de blanc vêtue comme la Mort, toute de muscles de tendons tendue Dans sa solitude orgueilleuse. Et son club a craché au loin. Tu déploies les couleurs du Continent : le maillot blanc rayé de rouge vertical Et la culotte noire, qui garde le ventre la force de l’Afrique. Or Ndèye Diassik se retourne, décoche son regard oblique et lâche la bride à sa fougue. Sa première victime est foudroyée, qui roule soudain comme boule un lièvre Assommé net. Après les huit cents mètres, à la sortie du virage Est, le soleil dorant l’auréole de ses nattes Yacine monte à l’épaule de Ndèye. Sans un regard un seul à gauche, elle redresse le buste NDEISSANE ! Royale ma Linguère, souriante comme Néfertiti. Linguère, je dis noblesse n’est pas dans le ventre : elle naît de l’accord Noblesse dans la patience et noblesse dans le courage, dans le cœur dans le foie dans la foi Noblesse, dans ton buste qui se dresse angle droit, et tes jambes sont des bielles bien huilées Le svastika dans son élan, qu’aime le Dieu bleu noir. III Yacine monte à l’épaule de sa rivale. D’un brusque coup de reins, Ndèye accélère la cadence. Elle a coupé l’espoir à une fille au maillot bleu Qui s’écroule sur la pelouse. On l’emporte comme une morte. Mais Yacine donne à son souffle, à sa foulée la longueur juste La rythmant l’arythmant comme le tétramère, qu’informent les tam-tams de vie Buvant l’oxygène vert, comme une boisson tonique Quand c’est déjà la cloche de l’angoisse, la clameur de l’espoir. Yacine est remontée à la hauteur de Ndèye, si noire dans son maillot blanc D’un nouvel œil gris-gris d’un nouveau coup, Diassik coupe les jarrets de Koumba Qui les bras ballants s’affale baveuse. Or Linguère avait pressenti. Elle forlance la meute en avant de ses forces dernières Impérieuse. Et le stade est debout, clamant acclamant le nom de sa reine Et les pelouses sont fleuries de pagnes parfumés, de coiffures joyeuses Et la voila déroulant sur la frise ses longues jambes harmonieuses Et la voici à vingt-et-un mètres de la raie claire, et lancée sur la crête de la strophe. Et tu tombes Linguère, et tu tombes parfaite, dans mes deux bras de père. (1) Yacine Mbaye, Championne 1974 des 1500 mètres. (Ethiopiques. Revue socialiste de culture négro-africaine, n°1, 1975. Aussi in Ethiopiques - Spécial centenaire. Contributions de Léopold Sédar Senghor à la revue 1er semestre 2006)
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