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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2008-02-18 | | Inscrit à la bibliotèque par Guy Rancourt
Quand je contemple à part moi la beauté
Qui cèle en soi si grande cruauté, Je ne puis lors bonnement non me plaindre, Et par soupirs accumulés éteindre Ce peu de vie, et presque tirer hors L’âme gisant en ce malheureux corps, Comme par ceux qui du centre procèdent, Où mes torments tous autres maux excèdent, Donc, ô Soupirs, vous savez mes secrets, Et découvrez mes douloureux regrets, Quand vous sortez sanglantissants du cœur Jusque à la bouche éteinte par langueur : Où allez-vous, Soupirs, quand vous sortez Si vainement quand rien ne rapportez Fors un désir de toujours soupirer, Dont le poumon ne peut plus respirer? Soupirs épars, qui tant épais se hâtent Que pour sortir en la bouche ils se battent, Ne plus ne moins, qu’en étroite fornaise L’on voit la flamme issir mal à son aise. Soupirs soudains et vistes et légers, Soupirs qui sont déloyaux messagers. Ha! qu’ai-je dit? déloyaux, mais fidèles, S’entretenant par distinctes cordelles, À celle fin que point ne m’abandonnent : Et que toujours soulagement me donnent. Soupirs menus qui êtes ma maignie, Et me tenez loyale compaignie Les longues nuits, au lit de mes douleurs Qui est coupable, et recéleur de pleurs, Lesquels je mêle avec très-piteux plaints, Lors qu’à vous seuls tristement je me plains. Soupirs secrets servant de procureur Quand, pour juger ignorance ou erreur, Ils vont pour moi vers celle comparaître Où je ne puis – au moins à présence – être. Que dira l’on de vous, soupirs épais, Qui ne povez dehors sortir en paix, Levant aux cieux votre longue traînée? Alors qu’on voit fumer la cheminée, L’on peut juger par signes évidents Qu’il y a feu qui couvre là -dedans; Et quand souvent je sangloutte, et soupire, Que dans mon corps le feu croît et empire. Soupirs qui sont le souef et doux vent, Qui vont la flamme en mon cœur émouvant. Ô toi, Soupir, seul soulas de ma vie, Qui sors du sein de ma doucette amie, Dis-moi que fait ce mien cœur trop osé : Je crois qu’il s’est en tel lieu composé Qu’amour piteux si haut bien lui procure Qu’il n’aura plus de moi souci ne cure. (Maurice Scève, 1536)
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