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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2008-02-17 | | Inscrit à la bibliotèque par Guy Rancourt I. Le Chemin du cèdre J’ai rencontré le cèdre Nous nous sommes tous deux reconnus. Il m’a dit : « C’est toi, toi que je sais, dont les bras sont enduits de ma résine blanche et dont les cheveux brillent de mes fines aiguilles et dont les poches craquent de mes pommes de cèdre… » Je n’ai rien dit. Mais son odeur à lui, d’encens, d’ambre et de cèdre, est bien ce que je sais comme il sait tout le reste. II. Le Chemin du chêne J’ai rencontré le chêne, le vieux chêne aux abeilles, Il a toujours le cœur ouvert, mais moins d’abeilles, moins de miel semble-t-il au fond de son cœur noir. Des essaims l’ont quitté peut-être – ou j’ai passé trop tard ce soir. Le chêne secouait sa vieille tête comme un homme bien seul… III. Le Chemin de l’ormeau J’ai rencontré l’ormeau. Pas un ormeau célèbre, mais un ormeau sans ex-voto, tournant le dos à la route des hommes. Sa colonne de bois, rugueuse, nue, énorme, quelqu’un l’a-t-il jamais serrée entre ses bras? Nous l’avions mesurée avec un fil de soie la colonne de bois qui ne s’arrête pas de grossir en silence. Mais grossir – qui jamais voit grossir un ormeau? Tant de jours et de nuits, tant de soleil et d’eau, de paix, d’oubli, de chance…tant et tant! Entre les émondeurs, les chenilles, l’autan, J’ai rencontré la Patience. IV. Le Chemin des genévriers J’ai retrouvé mes petits genévriers, tordus, piquants roussis, cramponnés aux rochers comme des acrobates. Ah! le bleu d’outremer de leurs petites baies le long des couchants écarlates! Ils se hérissent, ronds ou si déchiquetés que tout le ciel traverse leurs petits corps fantasques. Le gazon ras joue au tapis de Perse mais le vent s’y jette en bourrasque. Ici, les lièvres et les chèvres Échappent aux hommes d’en bas Ici bleuissent les genièvres pour l’oiseau que l’on ne voit pas. Petit grain bleu, sauvage, amer, semé parmi les toisons rousses d’arbres nains que l’hiver rebrousse comme les oursins dans la mer. V. Le Chemin du roseau Puis j’ai rencontré le roseau, le roseau vert qui dit : « Je plie et ne romps pas ». Les pieds dans l’eau, il se courbait si bas que ses rubans encombraient le ruisseau. Il avait oublié son âme de pipeau. Son front vert saluait, saluait sans relâche, son dos se balançait comme un dos de serpent et jamais le soleil ne le voyait en face. Il disait aux pipas : « je plie et ne romps pas, je plie et ne romps pas… » enfin, ce qu’il disait au chêne de Monsieur Jean de La Fontaine. Et l’âne qui broutait l’a brouté tout de même. Je n’ai pas rencontré le baobab. (Sabine Sicaud, Les poèmes de Sabine Sicaud, Paris, Stock, 1958, pp. 76-79)
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