L’homme supplémentaire



On me veut doublement vigilant ; c’est inutile. Car ce décor de blé mineur, je ne le garde, moi l’époux des vanités, que la journée : quand l’ombre gagne ma zone d’exercice, je quitte mon poste, pour investir d’autres durées. Et aux approches du matin, je recouvre les noms, les haillons, et les crânes d’animaux dont on m’affuble de temps en temps. Ensuite, en attendant le crépuscule, et comme tout agent totémique qui se respecte, je sévis. Non, je suis entièrement désarmé. Ma seule présence suffit. Mes adversaires ne se communiquent pas leurs ruses. Il s’en trouve, néanmoins, qui osent enfreindre les frontières de mon domaine. Alors, d’un simple geste de ma main, le vent aidant, je les écarte, après quoi ils s’envolent apeurés, quelques graines d’amertume dans le gosier, et le cœur à récidiver plus que jamais décidé. Reste l’écho de leur envol. La rafale arc-en-ciel dans mon être se propageant, quand je remonte, lors de mes nocturnes évasions, jusqu’à sa source, le fleuve de soif. Où les licornes se désaltèrent, qui se souviennent de mes premiers balbutiements.