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Le Monde est las
poèmes [ ]

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par [Reumond ]

2018-05-15  |     | 












R.Reumond, illustration pour Le Monde est las (2017)


Le Monde est las, tels un nid de douleurs, un diadème d’épines en guise de halo. Dans la courbe du temps, la tiare de Gaïa se nimbe d’aiguillons, et quand le crépuscule frime devant l’aube, au cœur du monde défait, au plus piquant des jours quand la nuit devient longue, chacun veut encore sa couronne, son pouvoir et ses avoirs.

Partout, on préjuge, on juge et l’on condamne, et ce « on » honteux, ressemble à s’y méprendre à chacun d’entre nous. Parmi les rumeurs et les clameurs mondaines, tout se mélange aux gestes des rappeurs et aux films de fiction, coups de canon, cris d’enfants et de mères indigentes, comme s’élève de ruines poussiéreuses une désespérance au goût d’amertume et de désillusion.

Comme se répand une lente épidémie d’insouciance, de haine ou pire d’indifférence, hérissé de hauts murs et de grilles de prisons héritées de l’enfer, le monde se replie sur lui-même. Le Grand Green est saoul de ses folles débauches, cas sur en-cas, il se consomme lui-même, cannibale furieux.

Ce que vous entendez, c’est le gémissement des constellations totalement consternées, c’est l’aiguillon aigu de nos égoïsmes et le dard de nos désirs qui s’enfoncent, sépulcral suçon, pour puiser les matières premières, l’or et l’ordure, échardes au plus profond des terres contaminées.

L’homme et le monde souffrent à l’image du Cosmos, comme la parole prophétique le dit : le monde entier gémit et souffre comme une femme qui accouche. Et là dans cet enchevêtrement épineux, chacun de nous n’est-il pas connecté, relié au Cosmos et à l’humanité tout entière comme des frères ou sœurs siamoises sont unis dans la vie ? Chacun de nous est concerné, mais le Logos, la Parole qui donne vie et crée semble avoir perdu de sa puissance. Le joug est lourd comme un deuil sans répit, serait-ce la fin d’un temps dans la vision alarmiste d’un fil à plomb truqué, ou dans l’élan brisé d’un jeu d’ailes plombées ?

Vivant et survivant selon notre propre nature animale, nous allons droit au mur ! Dans la courbure des espaces, comme traversé d’épées, le globe-épic est tressé de croix blanches et stressé de souffrances, tout autour de nous, le monde est beurré d’illusions, mais malgré tout cela, comme une téléréalité dans l’arène du monde, chacun veut encore, semble-t-il, plus de leurres et même l’argent du leurre.

Quand les bons samaritains sont à la solde des banques, n’est-il pas temps d’élargir notre tente commune et notre conscience collective comme un grand cœur de démesure ? N’est-il pas temps de plonger nos racines en eaux profondes pour retrouver l’amour et l’avenir plein d’espérance ?

Quand la pierre d’angle est devenue totalement virtuelle et numérique, il ne reste que des chiffres pour dire nos sentiments. Face aux conflits et aux problèmes les plus épineux, quand le monde gémi à notre porte, n’est-il pas temps de l’ouvrir davantage au vent de l’esprit ?

Incontestablement, on a l’aspect humain, vous et moi on ressemble à des hommes, mais ce n’est là qu’une apparence au salon de Platon, nous ne sommes que les ombres de nous-mêmes et l’ombre trouble d’une humanité à naître. L’Homme en soi n’est pas là, il reste à venir, comme un bonheur infini que l’on attendrait au seuil de la lumière.

Oui, nous nous croyons déjà hommes, mais ce n’est là qu’en espérance, cette « Humanité véritable », nous l’attendons perpétuellement avec ou sans patience, comme on espère le meilleur pour tous ceux que l’on aime passionnément.

Certes, on ressemble bien à des humains, mais nous ne sommes là qu’à l’image de ce que nous attendons, qu’à la ressemblance d’un homme pleinement Homme qui reste encore à devenir. Puisque Le Modèle vient à manquer, on se dit « homme », mais ce n’est qu’une croyance parmi d’autres croyances, une idée parmi d’autres idées, loin de l’Idée ou de l’Idéal Humain avec un grand H ; tout comme nos réalités mondaines ne sont pas le Réel, et pareillement à nos vérités qui sont bien loin de La Vérité tout entière…

Mais sous la couronne d’épines, dans le bruit pénible des conflits, notre véritable Humanité se tait encore !

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