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■ Voir son épouse pleurer
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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2015-04-29 | | Inscrit à la bibliotèque par Guy Rancourt Vous l’accuserez tous vainement : elle est morte… Vous ne trouverez pas sa tombe : elle est trop loin Ses doux cheveux n’ont pas contre l’étroite porte, Lassé, signe odorant, leur ambre et leur benjoin. Les prêtres étrangers qui l’ont ensevelie Sans connaître son nom, son destin, son pays Croyant mettre en cercueil une sœur d’Ophélie La couchèrent au pied rose des tamaris. Ils ont dit seulement que le long de sa joue La trace de ses pleurs n’était pas sèche encor, Qu’elle avait l’âge où la ceinture se dénoue, Que ses doigts se joignaient pâles, sans annuel d’or… Qu’intangible un secret souriait sur sa bouche, Qu’en ses voiles voguait un rêve vaporeux Et comme au fond des mers un soleil d’or se couche Que l’extase sombrait en ses yeux douloureux. Ils ont comme un berceau tiède creusé la berge En chantant sur la morte un cantique d’oubli, Son souvenir alors s’est éteint comme un cierge Et les jours ont couru sur le sable poli… Mais fidèle et fervent flambeau des funérailles La lune brûle encor entre les mains du soir, Et les bruns rossignols dans les brunes murailles Soupirent le secret qu’ils sont seuls à savoir. Une première fleur à la nuit le dérobe Le diffuse en parfum pour faire défaillir La vierge qui l’emporte aux franges de sa robe Où les vents prosternés le viennent recueillir. Il flotte dispersé sur la douceur des choses Multiple, insaisissable, il fait rougir parfois Le front tendre et pensif des crépuscules roses Penché sur la tristesse automnale des bois… Ô Morte ! le printemps brise tes bandelettes Son doux geste dans l’ombre entr’ouvre tes linceuls Voici que ton secret fleurit en violettes Et monte en sève au cœur attentif des tilleuls. Il gonfle les bourgeons soyeux des saules souples La source au soir charmé susurre ses versets Les blancs ramiers d’avril le poursuivent en couples Le soleil le dissout en ses ardents creusets. Il chante avec la mer au fond des coquillages Il étonne les yeux ingénus des enfants Quand après les reflux infidèles aux plages S’en reviennent les flux tristes et triomphants. C’est lui que la tempête en son vertige emporte Sur le vélin fané qu’effeuille la forêt… Vous l’accuserez tous vainement : elle est morte La vie universelle a repris son secret… (Jeanne Neis-Nabert, « Carnets d’une morte » in Silences brisés, 1908, pp. 67-69)
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