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■ Voir son épouse pleurer
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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2015-01-28 | | Inscrit à la bibliotèque par Guy Rancourt Vers le trouble horizon le vent les pousse encore – Sinistres voyageurs où vous enfuyez-vous Poursuivis et roulés par des fonds qu’on ignore, Jetés de vague en vague en bonds larges et fous. Où courez-vous errants sous les grands cieux morbides, Brûlés par les éclairs, meurtris par les écueils, Glacés, saignants et nus, ô naufragés livides, Cadavres vagabonds qui cherchez vos cercueils ? Le flot coule et demeure dans vos bouches muettes ; Vos yeux, fixes d’horreur, sont ouverts sous les eaux, Sur vos bras décharnés, sur vos mains violettes, Les algues en passant roulent de longs anneaux. Vous fuyez, flagellés par les battements d’ailes Des aigles de la mer, ivres de leur festin, La rage du désir allume leurs prunelles, Tandis que chaque flux dérobe leur butin. – Venez-vous des lointains profonds où l’œil s’égare ? Avez-vous sombré là , seuls dans l’immensité, Et n’avez-vous pas eu la lumière d’un phare Sur l’abîme outr’ouvert de votre éternité ? Ou bien devant le port avez-vous fait naufrage ; Les flots qui vous berçaient ont-ils sonné vos glas ? Vous avez pu mourir en face du rivage Et devant les aimés qui vous tendaient les bras ! …………………………………………………. Était-ce un soir d’hiver à l’heure où vos promises Songeaient les fronts penchés, au baiser du retour, Et voyant par de là des mers aux brumes grises, Suivaient votre navire avec des yeux d’amour ! Était-ce dans la nuit beuglante ou bien l’aurore Qui le saura jamais ? – Vos cris se sont perdus. Mais leurs échos plaintifs nous reviennent encore Dans les vents désolés sur la grève épandus. Et nous avons aussi dans nos cœurs insondables Où vont tant de bonheurs, où sombrent tant d’espoirs Des souvenirs flottants, meurtris, inéluctables, Des épaves d’amour dans la brume des soirs. La Mer, n’a pas, Seigneur, les plus tristes naufrages L’Univers est rempli des épaves du sort… -Qu’un ange lumineux, veillant sur les orages Les recueille en pleurant pour les conduire au port. Audierne, mars 1903 (Jeanne Neis Nabert, alias Sijenna, Humble moisson, 1903, pp. 85-87)
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