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■ Voir son épouse pleurer
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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2014-03-31 | | Inscrit à la bibliotèque par Guy Rancourt Il était dans la forêt une fleur immense qui risquait de faire mourir d’amour tous les arbres Tous les arbres l’aimaient Les chênes vers minuit devenaient reptiles et rampaient juqu’à sa sa tige Les frênes et les peupliers se courbaient vers sa corolle Les fougères jaunissaient dans sa terre. Et telle elle était radieuse plus que l’amour nocturne de la mer et de la lune Plus pâle que les grands volcans éteints de cet astre Plus triste et nostalgique que le sable qui se dessèche et se mouille au gré des flots Je parle de la fleur de la forêt et non des tours Je parle de la fleur de la forêt et non de mon amour Et si telle trop pâle et nostalgique et adorable aimée des arbres et des fougères elle retient mon souffle sur les lèvres c’est que nous sommes de même essence Je l’ai rencontrée un jour Je parle de la fleur et non des arbres Dans la forêt frémissante où je passais Salut papillon qui mourut dans sa corolle Et toi fougère pourrissante mon cœur Et vous mes yeux fougères presque charbon presque flamme presque flot Je parle en vain de la fleur mais de moi Les fougères ont jauni sur le sol devenu pareil à la lune Semblable le temps précis à l’agonie perdue entre un bleuet et une rose et encore une perle Le ciel n’est pas si clos Un homme surgit qui dit son nom devant lequel s’ouvrent les portes un chrysanthème à la boutonnière C’est de la fleur immobile que je parle et non des ports de l’aventure et de la solitude Les arbres un à un moururent autour de la fleur Qui se nourrissait de leur mort pourrissante Et c’est pourquoi la plaine devint semblable à la pulpe des fruits Pourquoi les villes surgirent Une rivière à mes pieds se love et reste à ma merci ficelle de la salutation des images Un cœur quelque part s’arrête de battre et la fleur se dresse C’est la fleur dont l’odeur triomphe du temps La fleur qui d’elle-même a révélé son existence aux plaines dénudées pareilles à la lune à la mer et à l’aride atmosphère des cœurs douloureux Une pince de homard bien rouge reste à côté de la marmite Le soleil projette l’ombre de la bougie et de la flamme La fleur se dresse avec orgueil dans un ciel de fable Vos ongles mes amies sont pareils à ses pétales et roses comme eux La forêt murmurante en bas se déploie Un cœeur qui comme une source tarie Il n’est plus temps il n’est plus temps d’aimer vous qui passez sur la route La fleur de la forêt dont je conte l’histoire est un chrysanthème Les arbres sont morts les champs ont verdi les villes sont apparues Les grands chevaux migrateurs piaffent dans leurs écuries lointaines Bientôt les grands chevaux migrateurs partent Les villes regardent passer leur troupeau dans les rues dont le pavé résonne au choc de leurs sabots et parfois étincelle Les champs sont bouleversés par cette cavalcade Eux la queue traînant dans la poussière et les naseaux fumants passent devant la fleur Longtemps se prolongent leurs ombres Mais que sont-ils devenus les chevaux migrateurs dont la robe tachetée était un gage de détresse Parfois on trouve un fossile étrange en creusant la terre C’est un de leurs fers La fleur qui les vit fleurit encore sans tache ni faiblesse Les feuilles poussent au long de sa tige Les fougères s’enflamment et se penchent aux fenêtres des maisons Mais les arbres que sont-ils devenus La fleur pourquoi fleurit-elle Volcans ! ô volcans ! Le ciel s’écroule Je pense à très loin au plus profond de moi Les temps abolis sont pareils aux ongles brisés sur les portes closes Quand dans les campagnes un paysan va mourir entouré des fruits mûrs de l’arrière-saison du bruit du givre qui se craquelle sur les vitres de l’ennui flétri fané comme les bluets du gazon Surgissent les chevaux migrateurs Quand un voyageur s’égare dans les feux follets plus crevassés que le front des vieillards et qu’il se couche dans le terrain mouvant Surgissent les chevaux migrateurs Quand une fille se couche nue au pied d’un bouleau et attend Surgissent les chevaux migrateurs Ils apparaissent dans un galop de flacons brisés et d’armoires grinçantes Ils disparaissent dans un creux Nulle selle n’a flétri leur échine et leur croupe luisante reflète le ciel Ils passent éclaboussant les murs fraîchement recrépis Et le givre craquant les fruits mûrs les fleurs effeuillées croupissante le terrain mou des marécages qui se modèlent lentement Voient passer les chevaux migrateurs Les chevaux migrateurs Les chevaux migrateurs Les chevaux migrateurs Les chevaux migrateurs (Robert Desnos, Les ténèbres (1927) in Corps et biens, 1930) |
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