Il n’y a rien par là…sauf moi…un couple ambigu…deux jeunes qui rient beaucoup, un vieillard et le bruit des roues
dehors. Une vérité.

Seulement en montant on ouvre la porte de la vérité : on est des chiffres dans des cages aux vitres bien fermées. Des chiffres comme les moyens de transport en commun, avec un but précis, dicté, imposé, prescrit mais qui en arrivant partout n’arrivent nulle part…

Jeu d’art : on sait le chemin, on sait le sens, on sait la fin. On ne sait pas, par contre, quand on dépasse le jeu trop las…

Les saints le savent.

« Vingt cents, Vincent ! Vin saint : in vino veritas ! A la nôtre ! »

…vie de « 25 »…

On a tout dans ce tram : fatigue, amour, remords, déceptions, peut – être maladies, un peu de bruit, mensonges, histoires, tourments, colère, baisers, une fin à tout, des trahisons, secrets, silences, victoires, maris, enfants, étoffes « ivoire », un âge trop lourd, des ombres du passé, espoirs, renoncements, des rêves cassés, un vers qui frappe à notre conscience, souvenirs d’une fugue, tristesses, des phrases « en toute urgence », angoisses, tourments, une peur qui nous ramasse, nous, les miettes d’un autre jour de notre vie qui passe…

Tout est ici, Dieu merci !

…les roues me font aller trop loin
en secouant en profondeurs
les eaux de l’âme…

Parmi des bâtiments soit jaunes, soit rouges, soit gris
une vérité ronronne sous la vie
qu’on a.

Soirée toute bleue perdue sous des flocons qui nous blanchissent les cages…

« Allô ! T’es là ? Que veux – tu que j’achète pour le dîner ce soir ? Des pommes de terre, des œufs, des poires… ? Saumon ? Encore ? Ecoute, j’voudrais bien roquefort, champagne, viande blanche, mais tu sais bien que … »

La voix s’en va.

Seule sur le quai j’attends changer la cage.