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■ Magnolia
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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2011-10-01 | | Inscrit à la bibliotèque par Guy Rancourt I Nous sommes loin d’ici sur les chemins de neige nous sommes loin de la veille sans lendemain nous sommes seuls et le silence prépare un feu parfait à l’ombre même de nos désirs nous appartenons à tous les futurs puisque ta réalité est possible puisque tu es réelle au cœur des neiges éternelles je laisse mon dernier regard à l’orée de ta beauté II Pour ta réalité offerte mille légendes dorées pour ta beauté secrète une ceinture d’astres légers III Hier tu n’étais pas aujourd’hui tu flambes ardente au courant des saisons tu ruisselles aux flancs des falaises et te courbes dans le noir ailleurs pour te posséder on détruit ton visage on t’invente une histoire IV Les midis sont pâles dans ce pays d’où je viens et la lune rouille sur les remparts il y a des jours où tout est vain sauf ton image sauf la blancheur de ton corps sur ces terres amères le calme pèse nos paroles aux heures creuses et la force nous vient d’un autre âge pour croire aux adages qui hantent nos hivers V La pointe du jour c’est ton sein gauche appuyé sur le soir et le soir tu entres pour passer la nuit nue sous les abat-jour de parchemin sur lesquels on écrit une phrase éblouie adorable femme des neiges VI C’est un printemps de sang nouveau que ton visage de nuage ovale à ma fenêtre c’est la merveille à ma porte que ton corps d’étoile polaire sur mes rivages à la lisière de ta flamme se consument les lourds fagots d’hier la main haute sur les orages le ciel sur tes épaules se repose mais dis-moi à quelle source vas-tu boire ? VII Quand un navire échoue sur une île fière sa figure de proue devient une déesse familière on met aux récifs des couronnes de fleurs on fête la tempête on affole la rose des vents l’épave prend un air de triomphe pour sombrer dans de telles eaux VIII Tu es venue au temps de l’abandon alors que les lauriers gisaient dans l’étang tu es venue au temps de la défaite alors que le froid dans l’âtre était roi l’air était fané quand tu es venue avec ton sourire d’algue fraîche la bouche pleine d’une sève inépuisable la vie facile jouait déjà dans ton halo car l’ombre ne voyage pas avec toi IX Paisible et lente tu t’avances dans les heures chaudes du sommeil et sur ton lit de fougères le matin tu te combles d’énigmes de rébus pour dérouter les plus sombres avenirs tu te livres au présent toute nue sans savoir si demain la mémoire te suivra dans les méandres de ton errance sans feu ni lieu dit-on de toi mais en tous lieux on ne parle que de toi et tu embrases chaque espoir de voyance X Tu vois la parole est rare et précieuse maintenant que nous sommes seuls parmi ces soleils il n’y a plus d’opaque il n’y a plus d’ornière et les fléaux passent bien au-dessous de notre ciel XI Je laisse mes rênes à leur destin je te tiens pour toute lumière et mes mains te serrent pour garder l’empreinte de ta présence je froisse ta chair pour en tirer les éclats je m’aveugle à ta foudre je m’abîme en toi XII Les mouvements de ton corps sont les marées qui m’emportent loin loin d’ici vers des mers sans adieu vers des mers sans merci en amont des rivières qui portent mes désirs d’amour à ton port tu t’inscris lumineuse de tous feux ravissante et ravie ma caravelle suit la courbe de ta vie. 1958 (Roland Giguère, « Adorable femme des neiges » in L’âge de la parole, 1965)
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