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Fragments de “Mèr”
poèmes [ ]
À Sandor Ferenczi, auteur de Thalassa. Psychanalyse des origines de la vie sexuelle.

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
par [Reumond ]

2011-03-11  |     | 




Fragments de “Mèr”, publiés sous le titre “EMBRUN”, en 1979, par Michel Galland,
chez « Instant P. »



Ne sachant mettre la mère en bouteille,
J’ai jeté une bouteille à la mer, comme ça
Avec désinvolture
Le flacon était large, le bouchon ténébreux…,

À la basse marée, j’ai posté mes questions sous forme de poème
Sans timbre
Dans l’attente d’un retour
Tout chargé de varech et de sel.


Il existe des dysenteries de Mèr, de douloureuses diarrhées qui vous embrument quand les vents sont défi.

Il existe des mots qui sentent la poussière et le sel...
À la crête de l'âme, au fond de nos entrailles, toujours les mêmes flux sanguinolents, les mêmes menstrues intérieures...

L'Homme reste le même et se cherche dans "la Vague" du temps et au cœur de l'espace envoûtant, mythologique et moite de l'Océan.

J'ai bien vécu mille ans aux abords de la Mèr
À chercher, à souffrir, à attendre....
Le sexe rendu fou par l'écume et le sang
Le gland tout fiévreux des fièvres du Grand-Large.

J'ai bien vécu mille ans aux abords de la Mèr.
Laissez-moi me noyer à l'extrême des eaux.

La vague retombe lourde du haut de mes fantasmes
Avec ce bruit de pouls avec ce cri de pieuvre
Qui marmonne : JE SUIS
Et qui saigne comme un ciel
Par une nuit étoilée.

L'océan de mon corps se dessèche dans la nuit
Le bateau de mon corps sombre dans la solitude...


Oh Mèr !
Belle et Bonne
À me noyer dans ton corps sage
Où étais-tu ? Où es-tu
Quand cette Mèr démontée
Secoue sous mes fenêtres nues
Ses grands draps d'écume & toutes ses serviettes hygiéniques
Je vois tout rouge de ses MENSTRUES.

Du balcon de mon regard assoiffé de visions (pleines d'embruns divers)
La Mèr tire mes yeux et mes testicules,
Au-dessous de ses aisselles moites
Suce mes globes bouillants
Au-dedans de son sein chaud… Flux

Reflux
Recrachant mes visions flasques
Au creux de ses mains perlées.

Prépuce et gaine de Sel Voile et dévoile l'Aube Flux reflux

RIDEAU

Des bourrelets de lèvres imberbes,
Dans l'embrasure des cons de la matière
Semblent me parler de succions innommables
Suspendues au vide
Et à portée de lumière-émail.
A portée de lumière émaillée
Elle est là,
A me frictionner les muqueuses de l'âme
A m'ouvrir béant
Ses méats d'années-lumière
Ses lucioles-sexe ses remous fous...

Je devine sous les persiennes roses L'ABSOLU poil au cul
Dans son écrin d'ETERNITE

Chaque geste chaque vague
Se met nue se vêt belle INTUITION lourde en
SEL
Par l'embrun, l’encre et le sang
Se déhanche hanches moites, encres noires
Qui fourmillent de sens
Dans sa fourrure blonde.

Jusqu'aux poussières de ne plus être
Jusqu'au croupion de la mort
Toute vie est maquillage maquillé
L'existence est mensonge et pari
La Haute-Mèr n'est pas dupe
La houle roule ses vérités toutes nues
Sur le cadavre de nos rêves

Mille poitrines respirent en moi
L'ABSENCE à flot d'ABSENCE
L'inquiétude à flot d'INQUIETUDE
Le brasillement des muqueuses
Avant le calme plat.
Varech algues & embruns

Odeurs
Des marées d'un sang montant
Comme montent les marées
Les marieuses les marées hautes hantent le ciel
Avec le fond des océans.

La Mèr palpite
Au creux de mon ventre. J'ai très soif de vraies noyades !

Et vous ?
Savez-vous la fusion des yeux
Et des grands bras de Mèr ?
Savez-vous les caresses du large
Quand les sexes s'entrouvrent
Ou se tendent, c’est toujours pareil
La même EXPANSION de l’Univers
Pour dire et redire la vie
En plein cœur de l'espoir ?

Savez-vous l'azur au-dessus du néant roi ?
Et le cul de rien du tout au-delà de l'Azur ?
Et comme toujours
Du balcon de mes sens
La Mèr viande crue
Pourrit et faisande mes paupières
Et quand l'espoir s'enflasque
Quand il s'envase mou
Qu'il fait bon communier
Avec la crève blonde à aimer
La chiasse de partir
La grande vomissure d'outre-moi
La reine dysenterie
Qu'il fait bon de mourir
Humide encore de vie
Quand on fait la Mort
Quand on fait l'Amour
Avec un soleil-perroquet
Sur le sable très chaud.

Qu'il fait bon bander d'aventures
Quand la vie est un gage
Et que nous sommes joueurs
Tout roués de prétextes.

Pour ELLE,
Déesse innommable
J'offre au vent
Mes bourses pleines d'écumes
Et mes cartouches d’encres et d’idées noires

J'offre au Large
Mon gland métaphysique
Aux lisières de l'explosion
Car chaque vague est une fille d'eau
Un peu plus pleine chaque jour
Des enfants de l'INFINI.

J'offre mes sens-poissons
À l'entrejambe espace-temps
J'offre mes nerfs en perdition

E-CAR-TE-LES

Bandés à nausée
Bandés à grotesque
Bandés à brûlure
À l'entrecuisse céleste
De l'INCONNUE
Entre Ciel et Terre,
Je suis nu,
Entre l’Infini et l’Éternité, je suis nul !


Flux, reflux,
Raz de marée
A la pulpe de mon sexe
Raz de marée
Jusqu'au désordre des chairs
Et moi je suis pêcheur
Pêcheurs d'épaves et de pavés de mâts. Je suis mousse aux mâts de l'existence où claquent les pavillons
Du temps et de l'azur.
Rongé de remords
Assiégé de vagues dénudées comme dévoilées
Je pense donc je suis l'embarcation
Du Rêve fait chair, du verbe fait poème
Pour le meilleur des maux


Une barque flasque
Aux rameurs invisibles.
Et mon navigue navigue
De con en con à vergue douloureuse.
Et mon corps te cherche Dieu
Au large des mots creux
Et mes mains ... nagent
Errantes comme vaisseaux fantômes.
Malheur aux mousses qui la cherchent
La Mèr aux yeux-baleines
Et aux mille vagins.

Sur ses côtes mamelues
Le corsaire est sec aux vents
La langue stigmatisée
Par le verbe fiévreux.
Le sexe rubéfié par le sel-serpent
Et le ventre percé
De trois mâts lumineux.

Dieu est-il vraiment mort ou
suis-je mort à Dieu ?
La mer ne répond rien !

Aurais-je tué Dieu par mes absences répétées
Nulle vague ne semble vouloir répondre à
mes questions existentielles – reflux
Corps, âme, esprit, origines et rêves
Je suis un dans les mains de l’Océan.


C’est pourquoi cet index gauche
Humide d’écriture
S’écrit et participe du tout
Cette bouche qui parle est la même que celle qui boit
La tasse d’encre.
Que celle qui accueille le bouche-à-bouche
Que celle qui embrasse, suce, mange, respire, sourit
Aux anges, plaisante et prie
Dans le grand recueillement des marées basses.



Matelots de la Mèr
Qui cherchez des "MOTS D'OR"
Des langages de "SEL"
Aux rivages humains
Vous êtes condamnés
Aux quêtes sans retour.

Je dérive à la folie
Quand hurlent les tempêtes de Mèr
Et je m'accroche aux mots
Comme à des cordages creux.

L'écume rouge des jours
Accélère la mort
Et les vents noduleux
Accablent ma voilure.

L'Esprit planait sur les eaux
L'esprit des ondes est là
Déesse des mondes sous-marins
Mi-femme mi-poisson,
Mi denté mi-palmé.
Mi-mère, mi-mer…


J'aime la Mèr
Empire des ondes originelles
Et des Rafales à culs crispés
Dans l'embrun
Et les cris de mouettes
De ma tête de mousse.


Méchant à torturer les mots
Avec mon inquiétude en gestation
À ouvrir les ventres pour voir le mystère du dedans
Aux nuages du désespoir.


Cruel à cribler vos regards
De parfums de gangrènes acides
Et d'évents de langage stérile
Écrits vains et suer l’insupportable.


J'aime la vie
J’aime l'Amour
J'aime la Mèr

Tumeur aux yeux bleus
Aux cheveux de varech
Aux seins de galets
Aux cuisses ensablées
Aux mille vagins houleux...


Que la Mèr faisande mes instincts de noyé
Et qu'elle roule son flux aux balcons de mes yeux
Que la Mèr enflammée à coups d'embruns salés
Me chamarre l'anus et décharge ses mythes.


En des sphères moites et bleues
Elle flux et reflux
Psychique et somatique embrun et algues roses
Mystérieuse à outrance
Humide à satiété.
Elle est Mère par le nom et
Comme l'eau par la matière
Sacrement de la vie
Matière et Parole en un.


Boisson enivrante, sperme écumeux …
Courant intérieur, comme rivière de sangs et d’encres
Vie qui coule frisson
Dans le lit des espaces
Gulf Stream de mes instincts
Fleuve de mes pulsions...
J'aime la vie autant que...
Moi-même
Je connais de la vie
Ce que je connais de moi-même, pas plus,
Pas moins !

J’aime la VIE j'aime la Mèr Majuscule & cicatrice
Ouverte au papier nu

J’aime AIMER à pine éblouie, à boudin violacé, à zob transmuté, à zizi sanctifié, à vit médaillé, à cierge béni, à robinet béant…,

Outil planté
Aux quatre coins du GRAND LARGE
Sous la retombée féerique
Des EMBRUNS-Arc-en-ciel.

J’offre dans un dernier soupir, aux vents, mes os-cris,
Blancs comme des roustons-galets,
Et je donne gratuitement mes dents de pierre
Au Petit Poucet de la fatalité…,

Car j'en crève de vivre !

Raz de marée
Le foutre cataractant
Saccade aux étoiles

(…)


1979 - Fragments de “Mèr”, publiés sous le titre “EMBRUN”, par Michel Galland, chez « Instant P. »

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