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■ Voir son épouse pleurer
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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2011-02-05 | | Inscrit à la bibliotèque par Guy Rancourt
Savoir ce qui dans vos yeux berce
Une baie de ciel un oiseau La mer, une caresse dévolue Le soleil ici revenu Beauté de l'espace ou otage De l'avenir tentaculaire Toute parole s'y confond Avec le silence des Eaux Beauté des temps pour un mirage Le temps qui demeure est d'attente Le temps qui vole est un cyclone Où c'est la route éparpillée L'après-midi s'est voilé De lianes d'emphase et fureur Glacée, de volcans amenés Par la main à côté des sables Le soir à son tour germera Dans le pays de la douleur Une main qui fuse le Soir À son tour doucement tombera Beauté d'attente Beauté des vagues L'attente est presque un beaupré Enlacé d'ailes et de vents Comme un fouillis sur la berge Chaque mot vient sans qu'on fasse À peine bouger l'horizon Le paysage est un tamis soudain De mots poussés sous la lune Savoir ce qui sur vos cheveux Hagard étrenne ses attelages Et le sel vient-il de la mer Ou de cette voix qui circule Abandonnés les tournoiements D'aventure sur les tambours L'assaut du sang dans les plaines Son écume sur les Hauts Abandonné le puits de souffrance La souffrance au large du ciel emporte Dans la foule des fromagers Sa meute de mots et sa proie Abandonnée tarie la mesure Démesure des coutelas Cette musique est au coeur Comme un hameau de lassitude Beauté plus rare que dans l'île Ton grand chemin des hébétudes Va-t-il enfouir son regard Dans la terre, humide douce Les hommes sortent de la terre Avec leurs visages trop forts Et l'appétit de leurs regards Sur la voilure des clairières Les femmes marchent devant eux L'île toute est bientôt femme Apitoyée sur elle-même mais crispant Son désespoir dans son coeur nu Et parmi les chants de midi Ravinés de sueurs triomphales Sur un cheval vient à passer La morte demain la Pitié L'île entière est une pitié Qui sur soi-même se suicide Dans cet amas d'argiles ruées Ô la terre avance ses vierges Apitoyée cette île et pitoyable Elle vit de mots dérivés Comme un halo de naufragés À la rencontre des rochers Elle a besoin de mots qui durent Et font le ciel et l'horizon Plus brouillés que les yeux de femmes Plus nets que regards d'homme seul Ce sont les mots de la Mesure Et le tambour à peine tu Au tréfonds désormais remue Son attente d'autres rivages L'après-midi le Soir les masures Le poing calé dans le bois dur La main qui fleurit la douleur La main qui leva l'horizon Sur vos chemins quelle chanson A pu défendre la clarté Sur vos yeux que l'amour brûla Quelle terre s'est déposée Outre mer est la chasteté Des incendiaires dans les livres Mais le feu dans le réel et le jour C'est ce courage des vivants Ils font l'oiseau ils font l'écume Et la maison des laves parfois Ils font la richesse des douves Et la récolte du passé Ils obéissent à leurs mains Fabriquant des échos sans nombre Et le ciel et sa pureté fuient Cette pureté de rocailles Ils font les terres qui les font Les avenirs qui les épargnent Ô les filaos les grandissent Sur les crêtes du souvenir Mulets serpents et mangoustes Font ces hommes violents et doux Et la lumière les aveugle La nuit au bord des routes coloniales Toute parole est une terre Il est de fouiller son sous-sol Où un espace meuble est gardé Brûlant, pour ce que l'arbre dit C'est là que dorment les tam-tams Dormant ils rêvent de flambeaux Leur rêve bruit en marée Dans le sous-sol des mots mesurés Leur rêve berce dans vos yeux Des paniques des maelströms Plus agités que la brousse profonde Lorsque passe le clair disant Beauté sanguine des golfes Ô c'est une plaie une plaie Où danse le ciel, grave et lent De voir des hommes nus et tels Et l'île toute enfin repose Dans le chaud des maturités Mûr est le silence sur la ville Mûre l'étoile dans la faim Ce qui berce dans vos yeux son chant Est la parure des troupeaux L'herbe à taureaux pour les misaines Le dur reflet des sels au sud Rien ne distrait d'ordre les vies Les hommes marchent les enfants rient Voici la terre bâtée, consentante De courants d'eau, de voilures Quelle pensée raide parcourt Les fibres les sèves les muscles De la douleur a-t-on fait un mot Un mot nouveau qui multiplie Celui qui parmi les neiges enfante Un paysage une ville des soifs Celui qui range ses tambours ses étoffes Dans la sablure des paroles Guettant le saut des Eaux immenses Le grand éclat des vagues Midi Plus ardent que la morsure des givres Plus retenu que votre impatience d'épine Celui que prolonge l'attente Et toutes les mains dans sa tête Et toutes splendeurs dans sa nuit Pour que la terre s'émerveille Il accepte le bruit des mots Plus égal que l'effroi des sources Plus uni que la chair des plaines Déchirée ensemencée Sa clarté est dans l'océan Dans la patience que traîne Vers où nul oeil ne se distend La flore d'îles du Levant Ce qui berce en vos yeux son chant Pour atteindre le matin ô connue Inconnue c'est la chaleur fauve Du Chaos où l'oeil enfin touche Île ces requins vos fumures Le charroi de votre sang l'homme Et sa colline la femme et les cases L'avenue dans ces miroirs les Mains Est-ce oiseau, une racine qui gicle Est-ce moisson, l'amitié grandie de la terre La même couleur éclabousse, caresse La souffrance est de ne pas voir Beauté de ce peuple d'aimants Dans la limaille végétale et vous Je vous cerne comme la mer Avec ses fumures d'épaves Beauté des routes multicolores Dans la savane que rumine L'autan plein de mots à éclore Je vous mène à votre seuil Écoutant ruisseler mes tambours Attendant l'éclat brusque des lames L'éveil sur l'eau des danseurs Et des chiens qui entre les jambes regardent Dans ce bruit de fraternité La pierre et son lichen ma parole Juste mais vive demain pour vous Telle fureur dans la douceur marine, Je me fais mer où l'enfant va rêver. (Édouard Glissant, Un champ d’îles, seconde section, 1953) |
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