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La femme adultère
poèmes [ ]

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par [Federico_Garcia-Lorca ]

2011-02-05  |     |  Inscrit à la bibliotèque par Guy Rancourt




À Lydia Cabrera et à sa petite Négresse

Je la pris près de la rivière,
Car je la croyais sans mari
Tandis qu'elle était adultère.
Ce fut la Saint-Jacques, la nuit,
Par rendez-vous et compromis,
Quand s'éteignirent les lumières
Et s'allumèrent les cricris.
Au coin des dernières enceintes,
Je touchai ses seins endormis;
Sa poitrine pour moi s'ouvrit
Comme des branches de jacinthes.
Et dans mes oreilles l'empois
De ses jupes amidonnées
Crissait comme soie arrachée
Par douze couteaux à la fois.
Les cimes d'arbres sans lumière
Grandissaient au bord du chemin
Et tout un horizon de chiens
Aboyait loin de la rivière.

Quand nous avons franchi les ronces
Les épines et les ajoncs,
Sous elle son chignon s'enfonce
Et fait un trou dans le limon.
Quand ma cravate fût ôtée,
Elle retira son jupon,
Puis (quand j'ôtai mon ceinturon)
Quatre corsages d'affilée.
Ni le nard ni les escargots
N'eurent jamais la peau si fine,
Ni sous la lune les cristaux
N'ont de lueurs plus cristallines.
Ses cuisses s'enfuyaient sous moi
Comme des truites effrayées
L'une moitié toute embrasée,
L'autre moitié pleine de froid.
Cette nuit me vit galoper
De ma plus belle chevauchée,
Sur une pouliche nacrée,
Sans bride et sans étriers.
Je suis homme et ne peux redire
Les choses qu'elle me disait :
Le clair entendement m'inspire
De me montrer fort circonspect,
Sale de baisers et de sable,
Du bord de l'eau je la sortis;
Les iris balançaient leur sabre
Contre les brises de la nuit.
Pour agir en pleine droiture
Comme fait un loyal gitan,
Je lui fis don en la quittant,
D'un beau grand panier à couture,
Mais sans vouloir en être épris :
Parce qu'elle était adultère
Et se prétendait sans mari
Quand nous allions vers la rivière.

Traduction de Jean Prévost

(Federico Garcia Lorca, Romancero Gitano)

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