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■ Voir son épouse pleurer
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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2011-01-14 | |
A Victor Segalen (1878-1919), grand voyageur devant l’horizon, poète à bâbord et médecin à tribord, ethnographe et archéologue.
Avant-propos Bible, Torah, Coran …. Pourquoi les écrits dits « Sacrés » font-ils toujours couler autant d’encre que de sang ? D’où l’expression « sang d’encre » quand les plumes s'inquiètent sur l’origine et la fin des mots. De quelle langue maternelle, de quelle grammaire parlons-nous Quand on parle d'écrire, et Quand on crie dans le désert ? Mère ou mer qu'importe le vent ! Qu'emporte les mots si la sève est tirée à Bâbord et tribord l'homme se lève tôt Pour écrire aux saillies de la roche; C'est "la Mèr" toujours qui l'emporte ! C’est bien connu des claviers et des lobes fragiles, Un homme azerty en mérite bien deux ! à qwerty ou ailleurs, la ligne est tirée ! Coucher sur la ligne marginale, Tirer à soi, le trait, comme le drap Le rêve m’empêche-t-il de dormir Ou bien est-ce que "Je" rêve d’avoir mal sommeillé ? Qui rêve ? Qui rêve d’une écriture médiale, de mots sur la brèche De brèches sur la ligne, abruptes comme le Fil d’un regard. Une narration où tous les mots seraient des défis au temps Aux grands lits défaits des phrases Paradoxales. Je rêve, d’une écriture où tous les mots Seraient des délits, textes taxés de maux, remplis de fautes De mauvais goût ou dé-goût aux égouts du langage ; Avec des grands trous, de grandes portes Des écarts de pensées à précipices ouverts, Je rêve d’une écriture de dépits, De grands manuscrits pleins comme enceinte d’illusions désillusionnées Et des désenchantements de papier comme subterfuge aux cauchemars. Entre vide et vide, l’écriture arrachée au sable, terre brûlée d'ocres et de sang. Je rêve, d’une écriture où tous les mots Seraient de grands débits aux grands bazars des bavards Invertébrés. Je rêve, d’une écriture où tous les mots Seraient dénis au creux de l’oubli Sans réveil possible sans possible réveil ! 0ù les mots en tutu feraient des pointes aiguës À la fine pointe de l’âme et des grands écarts de langage. Je me souviens d’une écriture rupestre, Au noir de fumée au plus noir de tes yeux, À la sève des plantes sur ta peau de velours, À la couleur des chairs mouillées de chlorophylle, C’était au fil du temps, de l’espace lacustre Comme un tracé sinueux de pigments minéraux, À la bave d’aurochs, à la barbe de l’ours. Écrire, depuis la nuit des temps, des tempes grisonnantes Comme les miennes qui sentent encore le musc, C’est l’empreinte des jours ! Entre la caresse et le brouillard, Nos deux corps réservés pour l’ailleurs ; Chemin d’os agile taillé coupant, traçant l’argile Où j’écris ton nom en lettres capiteuses : Nuages d’être. Écrire nous rend vulnérables, mais pas invisibles ! Fort, mais pas invisible ! Cible nous-mêmes, parfois, peut-être, pour quelques prédateurs, avides de nous croquer au fusain de la faim. Comme le cri et l’appel témoignent de notre animalité Profonde et sans trop de mémoire, Mais présente d’une présence croc, Dans cet ordre d’idée qui est celui de notre incarnation, L’écrit trace, la trace s’écrie, authentifiant notre humanité En route, Par le sceau de l’erreur et ses gestes de tendres pauvretés. (...) Écrire ne nous rend pas plus humain, Mais certifie « un chemin d’humaniture », Tout comme la peinture stigmate la toile D’un voile matériel, celui d’une voie empruntée Par la sueur et le sang, Au rythme lent ou effréné des couleurs et des respirations. Écrire ne nous rend pas plus malins, ni plus mauvais … mais écrire ou aller ne se suffit pas ! Il nous faut encore savoir, où, comment, pourquoi écrire ! Mur, papier, bois, écailles, toile, marbre, peau… Écrire ou aller ne se suffit pas ! Il nous faut encore savoir à qui ! L’écrit, l’empreinte et le chemin empruntés se mêlent, S’enchevêtrent drus aux regards qui regardent devant toujours, parfois trop derrière, en de nostalgiques signatures, chemin faisant, chemins traçants d’une immense pro-messe... Mais toute écriture comme toute route Disent les angoisses et les rêves De voyages multiples aux méandres des rencontres. Je rêve d’une écriture sensible aux trois sens, Croissance en ce corps qui s’écriture comme rature se fait Chairs d’encres, chères encres ! D’une écriture qui a « le don des langues » et s’expose Nue, crue, vive, nette…, comme l’être à dessein, Lettres et dessins…, célestes calligraphies. Écrits qui sexe posent masculins et féminins, à voir, à lire et à manger par tous les pores de l’être, qui dansent denses comme les sépias d’antan, écumes Les plus pures, entre lettres sculptées de la chair même des mots. Je rêve, d’une écriture qui légitime la main jusqu’au doigt Du créateur, Pour affermir le rêve plus profondément que l’os en la terre, Je rêve des plus admirables métaphores que la terre puisse porter Des plus extraordinaires métamorphoses, Où, mirages et miracles des graphes et des glyphes, Mirent, raclent, ragent, griffent …, la vie En la substance même du verbe vivre, pour Délicieusement vivre de sa propre vie ! Les mots accompagnent nos amours, nos regards, Nos combats et nos migrations…, entre autres, Et ce sont les traçants, les pèlerins eux-mêmes Marcheurs sachant clopiner sur le chemin d’eux-mêmes, Qui s’écrivent mot à mot, et se disent : Des Vivants. Ce que nous marchons c’est nous-mêmes, Ce que nous écrivons, c’est la ride qui cache le rideau Mais derrière le voile, il y a des Lieux Saints. Ce que nous sommes de génération en génération, C’est la trace même de ce chemin de passage, De ce chemin qui toujours nous appelle à marcher, Nous happe, nous stresse, d’encres et d’ancrages, Et nous emporte avec lui aussi loin que possible Et plus loin encore ! L’écriture est chemin qui incite à chercher, À marcher de courbes en ligne brisées, brisantes. La calligraphie aiguillonne nos regards, nos désirs et nos rêves Jusqu’en des terres inconnues ; L’écriture comme la route sont « les symboles » Les drapeaux mêmes de nos désirs, envies et rêves, De Vérité, de liberté et de découvertes. Écrire, c’est essayer de décrire et de traduire avec des images immortelles De par nos mots de famille, par l’émotion même, celle de la route pavée d’aventure : Imaginaire, symbolique ou réelle. Comme les trois Mages venaient de très loin, les trois marges se déploient ! Imaginaire, symbolique ou réelle, l’écriture se fait chemin pour que le chemin se fasse écriture ! Labyrinthes intérieurs, mandala de l’âme, chemins de pèlerinage …, entre l’oratoire ou le laboratoire, ils disent cette quête de l’homme. De Paris à Berlin, en passant comme plume au papier, Par La Mecque et Lourdes, de Katmandou à Pékin, Chemins d’humaniture et de pauvreté sûrement ? Mais chemin de sainteté toujours ! (...) En ces lieux laborieux de la trace et du signe, tout se croise tour à tour, En tous, pour tout … Pour transformer la tache en chef d’œuvre, la rature en bonne nouvelle, le pavé en témoin …, Pâté de sable, bavures d’enfants, toiles de maître, Tous se rencontrent, l’artiste sans domicile fixe et le poète sans papier, L’agnostique et l’athée, l’esthète et le spiritualiste, Le religieux ou même le mystique…, Tous concourent à leur manière et de leurs propres mains au grand Chemin, De la vie. C’est de ce pas là que l’homme va, de ce pas là ? Qu’il se laisse fasciner par la route elle-même et que le chemin devient De lui-même le haut « lieu » de toutes les contemplations. Levez-vous et marchez, Inutile d’affranchir, le temps s’en chargera ! (…) Extrait de « Quelques manuscrits de la mère morte » (Entre vide et vide, l’écriture arrachée au sable) - Inédit. |
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