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Roses et ronces
poèmes [ ]

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par [Roland_Giguère ]

2010-09-29  |     |  Inscrit à la bibliotèque par Guy Rancourt




À Denise

Rosace rosace les roses
roule mon cœur au flanc de la falaise
la plus dure paroi de la vie s’écroule
et du haut des minarets jaillissent
les cris blancs et aigus des sinistrés

du plus rouge au plus noir feu d’artifice
se ferment les plus beaux yeux du monde

rosace les roses les roses et les ronces
et mille et mille épines
dans la main où la perle se pose

une couronne d’épines où l’oiseau se repose
les ailes repliées sur le souvenir d’un nid bien fait

la douceur envolée n’a laissé derrière elle
qu’un long ruban de velours déchiré

rosace rosace les roses
les jours où le feu rampait sous la cendre
pour venir s’éteindre au pied du lit
offrant sa dernière étoile pour une lueur d’amour
le temps de s’étreindre
et la dernière chaleur déjà s’évanouissait
sous nos yeux inutiles

la nuit se raidissait dure jusqu’à l’aube

rosace les roses les roses et les ronces
le cœur bat comme une porte
que plus rien ne retient dans ses gonds
et passent librement tous les malheurs
connus et inconnus
ceux que l’on attendait plus
ceux que l’on avait oubliés reviennent
en paquets de petites aiguilles volantes
un court instant de bonheur égaré
des miettes de pain des oiseaux morts de faim
une fine neige comme un gant pour voiler la main
et le vent le vent fou le vent sans fin balaie
balaie tout sauf une mare de boue
qui toujours est là et nous dévisage

c’est la ruine la ruine à notre image

nous n’avons plus de ressemblance
qu’avec ces galets battus ces racines tordues
fracassées par une armée de vagues qui se ruent
la crête blanche et l’écume aux lèvres

rosace les ronces !

rosace les roses les roses et les ronces
les rouges et les noires les roses les roses
les roseaux les rameaux les ronces
les rameaux les roseaux les roses
sous les manteaux sous les marteaux sous les barreaux
l’eau bleue l’eau morte l’aurore et le sang des garrots

rosace les roses les roses et les ronces
et cent mille épines !

roule mon cœur dans la poussière de minerai
l’étain le cuivre l’acier l’amiante le mica
petits yeux de mica de l’amante d’acier trempé jusqu’à l’os
petits yeux de mica cristallisés dans une eau salée
de lame de fond et de larmes de feu
pour un simple regard humain trop humain

rosace les roses les roses et les ronces
il y avait sur cette terre tant de choses fragiles
tant de choses qu’il ne faillait pas briser
pour y croire et pour y boire
fontaine aussi pure aussi claire que l’eau
fontaine maintenant si noire que l’eau est absente

rosace les ronces
ce printemps de glace dans les artères
ce printemps n’en est pas un
et quelle couleur aura donc le court visage de l’été ?

(Roland Giguère, Les armes blanches, 1954)

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