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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2010-02-23 | | Inscrit à la bibliotèque par Guy Rancourt
Du sang… Je le sais trop. J’en ai l’horreur,
Le remords comme vous qui chérissez les bêtes. Mais ce vertige de soleil ! cette couleur De Goyas qui bougent et chantent – ce que jette L’éclat des éventails, des fleurs, Des lèvres et des yeux sur les plazas en fête À Séville, à Madrid, partout où l’on entend Des grelots et des castagnettes… Ce décor éclatant Où des mules aux pompons rouges se profilent… Ah ! tout cela, toute la fièvre d’une ville, Parce qu’un beau toréador aux sourcils noirs Va passer comme un roi de légende – pourrais-je, Ayant vu tout cela, dites, ne plus le voir ? Ne plus revoir les gradins qu’on assiège, L’arène fauve où la quadrille décrira Cette courbe qui s’infléchit vers les tribunes, Le geste, en rapide salut, d’une main brune Vers l’œillet qui s’effeuille aux doigts des senoras; L’or et l’argent brodés; le chatoiement des soies; Dans l’air, cette dansante joie Où la clef du toril tombe subitement Comme un défi poignant le cœur… sans doute, Faudrait-il échapper à l’ensorcellement Du mot magique : « A los toros », que chaque route, Chaque balcon, demain, se renverra, Bayonne, sous ton ciel aux couleurs espagnoles… Mais, oublier ? Voyez flotter les banderoles ! Plus haut que les frontons d’Aguilera Monte cette rumeur, là -bas… Pardonnez-moi, Taureaux noirs aux beaux yeux sauvages qui s’affolent, Pauvres doux vieux chevaux ruant d’effroi, Pardonnez-moi… Devant l’art souple qui se joue De la mort et la brave – et le cadre où se noue Le drame préparé dans les ganaderias Là -bas, au pied vert des montagnes – Je ne sais plus pourquoi, je ne sais pas Comment l’amour de ces choses me gagne ! Pardonnez-moi de ne plus voir que la beauté Du poème barbare, et d’oublier l’épée Sous la cape écarlate… Il faudrait moins d’été, Moins de soleil peut-être et de roses coupées, Moins d’éventails ouverts et de gens qui se hâtent, Pour dire – le pensant - : Je ne veux plus vous voir, Ô corridas de muerte, Corridas aux couleurs des romantiques soirs Dont la muleta saigne entre des rochers noirs Sur les arènes de la mer luisante et verte… Biarritz (Veille de course). Sabine Sicaud. (Sabine Sicaud in Abeilles et pensées, deuxième année no 2, 1928, pp. 8-9)
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