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■ L'hiver
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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2010-02-16 | |
ODE (EN MÈTRE ANTIQUE)
Je ne pensais apprendre à mourir un jour ; Toujours jeune, enveloppé dans mon manteau, Je levais mes yeux, tout rêveur, à l’étoile De la solitude. Lorsque, d’un coup, tu parus sur mon chemin, Toi, la souffrance, douloureusement agréable… Je vidai donc tout le calice de la mort Trop impitoyable. Je brûle vif, piteusement, martyr comme Nessus Ou comme Hercule empoisonné par l’habit ; Ce feu ne puis l’éteindre, même en appelant Aux flots de la mer. Mon propre rêve me dévore et moult je soupire, Sur mon propre bûcher, je fonds bien dans les flammes… Puis-je un jour, dans la lumière ressusciter Comme l’Oiseau Phoenix ? Que les yeux troublants s’évanouissent dans la voie, La triste indifférence, reviens sur mon sein ; Afin que je puisse quitter ce monde en paix, Rends-moi à moi-même ! MORTUA EST En flambeau qui veille sur les tombeaux détrempés, En vrai son poussé par les cloches aux heures sacrées, En véritable rêve qui mouille son aile dans l’amer, De la sorte as-tu franchi les terrestres frontières. Tu arrives lorsque le ciel est un champ bien clair, Embelli par fleuves de lait et fleurs de lumière, Lorsque les noires nuées ressemblent à de sombres palais, Par la reine qu’est la Lune, tour à tour visités. Je te vois comme une ombre éclatante, argentée, Cheminant vers les cieux, tes ailes larges déployées, Gravissant, âme bien pâle, l’échafaudage des voiles A travers pluies de rayons et mainte neige d’étoiles. Un rayon t’élève, une chanson te montre la voie, Tes bras marmoréens sur ta poitrine mis en croix, Quand les quenouilles font entendre leur ronron si clair L’argent fait briller l’eau, et en or est tout l’air. Je vois ton âme candide les espaces traverser Et considère le limon qui reste… blanc et frais, Couché dans le cercueil, dans son long vêtement, Je l’observe, ton sourire, qui est encore vivant – Demande à son âme blessée par le doute qui râle : Pourquoi es-tu mort, ange doué d’un visage bien pâle ? Ne fus-tu jeune dans le temps, ne fus-tu gracieuse ? Es-tu partie pour éteindre une étoile radieuse ? Même s’il y a des châteaux, n’importe, c’est en vain, Peu me chaut des voûtes d’or, bâties d’astres opalins, Riches de rivières de feu et de ponts en argent De rivages en myrrhe, de fleurs nous offrant leur chant ; Tu ne devrais y passer, ma sacro-sainte reine, De tes cheveux-rayons, de ton œillade sereine, De ton vêtement azurin, richement mordoré Ni de ton pâle front ceint d’une couronne de lauriers. La mort est un chaos, étoiles formant une mer, Alors que la vie – une mare de rêves volontaires ; La mort est un siècle de soleils enjolivé, Et la vie – un conte de fée, désert et mauvais. – Ou peut-être… ô ! Ma tête est déserte, désolée, Les mauvaises pensées mettent une fin aux bonnes pensées… Quand les soleils s’éteignent et les astres tombent en vain, Je suis enclin à croire que tout est un grand rien. Il se peut bien qu’un jour, la voûte d’en haut se crève, Le rien nous tombe dessus et sa longue nuit, sans trêve, Que je voie le ciel noir qui ses lumières grabèle Comme des proies éphémères de la mort éternelle… Et alors, s’il en est ainsi… à tout jamais Ton chaud souffle ne la fera pas ressusciter, Et ta douce voix reste pour toujours muette, inhabile… Alors, cet ange ne fut rien d’autre que de l’argile. Et pourtant, toi, argile jolie et par trop morte Contre ton cercueil, j’appuie ma harpe et m’en déporte Et je ne pleure plus ta mort, encore félicite Un rayon évadé du chaos – mondain site. Et puis, qui saurait faire son choix et faire son tri Entre être ou ne pas être… pourtant, sait n’importe qui Que ce qui n’est pas, n’éprouve aucune douleur, La souffrance règne partout, il reste peu de bonheur. Être ? Une triste folie, fruit du néant, qui s’estompe ; L’oreille vous ment, et l’œil vous donne le change, vous trompe ; Ce qu’un siècle enseigne, d’autres contredisent avec dédain. Plutôt qu’un rêve sans queue ni tête, mieux vaut rien. Je remarque des rêves réalisés d’autres rêves chassant, Jusqu’au point de tomber dans les tombeaux béants ; J’ignore comment vais-je affaiblir mes pensées : Rire comme les fous ? Les maudire ? Les déplorer ? A quoi bon, si tout ce qui est, n’est que folie ? Ta mort, mon ange, fallut-il qu’il en fût ainsi ? Ce monde rime-t-il à rien ? Toi, apte au sourire As-tu vécu exprès afin de mourir ? Si sens il y a, c’est athée et odieux, Sur ton pâle front, il n’est nullement marqué Dieu. JE N’AI PLUS QU’UN SEUL DOR Je n’ai plus qu’un seul dor : Au silence du Ponant, Je veux trouver la mort Sur la rive d’un océan ; Dormir en olympien Auprès des bois bien hauts, Et à même les vastes eaux Avoir un ciel serein. Ne veux pas de drapeaux, Ni d’un cercueil nanti, Mais tressez-moi un lit Avec de jeunes rameaux. Et personne après moi Ne pleure à mon chevet, Juste en automne, donne voix Au feuillage trop fané. Quand bruyamment et sans fin Les sources s’écoulent et crissent, Que la lune vienne et glisse Sur les cimes des sapins. Que les campanes perdurent En dépit du vent frais, Que le tilleul sacré Sur moi hoche sa verdure. Par amour m’enneigeront Toutes sortes de souvenirs. Astres du jour, en or Depuis l’ombre des sapins, Puisqu’ils sont mes copains, Me souriront encore. Gémira de passions Le dur chant de la mer, Mais je serai sous terre Dans mon abandon. VOILÀ CE QUE JE TE SOUHAITE, MA DOUCE ROUMANIE Qu’est-ce que je te souhaite donc, ma douce Roumanie, Pays glorieux, qui inspires langueur, désirs ? D’avoir les bras nerveux armés contre l’ennemi, Illustre comme ton passé, puisse être ton avenir ! Que bouille le vin dans les coupes, s’écume dans les verres, S’il plaît à tes braves gars de faire ainsi la fête ; Car le rocher résiste, même si le flot se perd, Ma douce Roumanie, c’est ce que je te souhaite. Puisse nourrir rêves de vengeance noirs comme le charbon Que ton épée fumante suinte le sang ennemi, Et qu’au-dessus de l’Hydre, enrage comme l’Aquilon Ton rêve de gloire flotte tout fier, triomphalement. Que tes drapeaux tricolores disent sur toute la terre Ce qu’est le brave peuple roumain, d’une voix bien nette, Quand s’allume, pour une sainte cause, sa chaste colère Ma douce Roumanie, c’est ce que je te souhaite. Autant l’ange de l’amour, autant l’ange de la paix Sur l’autel des vestales secrètement sourient, Mars en pleine gloire, ils réussissent à aveugler, Qui parcourt le monde, de sa lampe l’éclaircit, Que sur ton sein vierge, il descende encore du ciel Y goutte le bonheur du paradis en fête, Toi, donne-lui l’accolade, bâtis-lui des autels, Ma douce Roumanie, c’est ce que je te souhaite. Qu’est-ce que je te souhaite donc, ma douce Roumanie, Toute jeune belle mariée, déjà mère dévouée ! Puissent tes fils vivre en frères, seulement en harmonie Comme les astres de la nuit, comme l’aube des journées, Vivre éternellement dans la gloire et le bonheur, Des armes redoutables, une âme roumaine parfaite, Faire des rêves de fortitude, d’orgueil et d’honneur Ma douce Roumanie, c’est ce que je te souhaite ! QUE T’AGITES-TU… (Que t’ondoies-tu…) - Que t’agites-tu, ma forêt, Il ne pleut, ne fait du vent, Tes branches vers le sol ployant ? - Comment ne pas m’agiter ? Mon temps va bientôt passer ! Le jour décroît, la nuit rallonge Mon feuillage est bien rare, qui plonge. Le vent souffle, qui mes feuilles effrite - Et fait prendre aux chanteurs la fuite. Le vent enrage d’un tout autre coin – L’hiver est là , l’été – bien loin. Et pourquoi ne pas ployer, Si les oiseaux m’ont quitté ! Au-dessus de mes ramées, Hirondelles passent en volées, En emportant toutes mes pensées - Jusqu’à ma chance s’est envolée. Et s’en vont leur tour venant, L’horizon obscurcissant, S’en vont en instants cruels Tout en secouant leurs ailes, Et m’abandonnent anéantie, Toute fanée et engourdie, Seule avec mon dor à moi - Qui m’accompagne aux abois ! TOUT ENFANT, LES HAUTS BOIS JE PARCOURAIS Tout enfant, les hauts bois je parcourais Et, près de la source, me couchais souvent, Et mon bras droit sous ma tête je mettais Afin d’entendre l’eau couler doucement : Un doux frémissement les branches parcourait Et un arôme venait, fort inébriant. Des nuits entières trouvais-je ainsi hutteau, Doucement assisté par la voix des flots. La lune se lève, me tape dans les yeux, en plein, Un paradis j’observe, d’un coup d’œil jeté, Dans les champs, un voile de brouillard argentin, Eclats au ciel, fulgence sur eaux étalée ; Un buccin chante secrètement, tout serein, Son chant se fait entendre de plus en plus près… Foulant les feuilles sèches, au ras de l’herbe légère Je pensais entendre venir, par groupes, les cerfs. A côté de moi, un vieux tilleul se crève L’instant d’après, il en sort une jeune princesse ; Se noyaient dans les larmes, les yeux pleins de rêves, Le front couronné d’une écharpe bien épaisse, Les yeux bien grands, les lèvres à peine se soulèvent ; Comme en sommeil, marche avec délicatesse, Marchant sur la pointe des escarpins d’or, Me rejoint et me regarde avec dor. Et oh, elle était tellement merveilleuse, Comme juste en rêve, une fois, il t’est donné Un ange aimable, qui exhibe sa face radieuse, Venu du ciel, accepte d’être regardé ; Et sa chevelure blonde et moelleuse, toute soyeuse Ses joues blanches, ses épaules aux yeux offrait. A travers ses vêtements fins et déliés, Tout son corps candide peut être admiré. Ô, MAMAN… O, mère, ma douce mère, d’un intemporel au-delà Tu m’appelles, le frémissement des feuilles emprunte ta voix ; Au-dessus de la noire crypte du tombeau suréminent, Les acacias se secouent, écartent automne et vent, Entrechoquent tout doux leurs ramures en imitant ta voix, Ils le feront sans cesse, mais toujours tu dormiras. Quand serai mort, bien-aimée, ne pleure à mon chevet ; Du tilleul doux et sacré, une branche va-t-en casser, A mon chevet, soigneusement, va-t-en donc l’enfouir, Qu’au-dessus d’elle puissent les larmes de tes yeux jaillir ; Un beau jour, je saurai qu’elle me protège du soleil… Son ombre croîtra toujours, toujours serai-je en sommeil. Et si, par hasard, ensemble fermera-t-on la paupière, Que l’on ne nous porte mie entre les tristes murs d’un cimetière, Que l’on creuse notre tombe sur le rivage de quelque ruisseau, Et qu’on nous porte en terre dans le même unique tombeau ; A tout jamais, toi tu seras bien près de mon cœur… Cette eau pleurera toujours, nous dormirons à toute heure. Ô, DEMEURE « O, demeure, demeure avec moi, Je t’aime tellement, tu sais ! Toutes tes langueurs et nostalgies, Moi seul puis les écouter. Dans l’obscurité de ton ombre, Je te compare à un prince, Qui considère les profondeurs De ses yeux noirs qu’il pince. Grâce au mugissement des vagues, Au frisson de l’herbe légère, Je te fais entendre secrètement La course de la bande de cerfs ; Tu es en proie à l’envoûtement, Murmures d’une voix détendue, Dans ce ruisseau scintillant Tu laisses glisser ton pied nu. Regardant sous le clair de lune La passion qui embrase les lacs, Tes ans m’apparaissent comme instants, L’instant mue en siècle élégiaque ». C’est ainsi que le bois parla, Au-dessus de moi, voûtes remuant ; Tout frémissant à son appel, Sortis-je du bois en souriant. Même si je voulais revenir, Ne peux plus l’appréhender… Où es-tu passée, mon enfance, Qu’est devenue ta forêt ? Poèmes traduits en français par Constantin FROSIN |
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