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Poezii Românesti - Romanian Poetry

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Limousine, Ô race ferroviaire
poèmes [ ]

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par [felipe ]

2005-01-04  |     | 











Le soir, les lampes retirent de la nuit les buées des sérénades et autres foutreries. Les miroirs de l’opium commencent très tôt à trier dans les langues insulaires les mots revenus avec les épices, les fièvres, des infusions de cardamome, « Chá » affluent des « tchaos » traversant les chaos et la porcelaine des jardins obtus décidés à ne dire que les fragments qui se tiennent in side, dans le coup de fouet de l’esprit.


des Combos, des Macaos, des tringles, des machines à sous, des aiguilles perforant chas et chatons des girofliers, piquant d’étoiles les châles lagunaires enfouis dans les granges avec les pennes bleus vibrant d’oiseaux, depuis longs temps fanés ainsi que l’on assemble graines et gouttes ergotant dans les bulles du porphyre et l’ambroisie tinctoriale puisque le cœur aussi a ses vaisseaux qui mangent les haillons des couleurs leurs arborescences: Fleuves, curcuma, lompes et désinences, la robe furieusement floue du corps de jeanne-Isabel, fruit et fleur femelle, leurs cannelles brisées. Reines folles, une encore, fragmentées, traversant les incendies de tous les Portugals, traînant, tirant Hue et Dia, hélant la charrette du temps bondissant débordant des ridelles, jusqu’à moi, avec la dépouille souveraine de l’époux, marrie et navrée, plus sèche que jambon de Serrano.



(Autrefois, passaient en moins sombres équipages, rémouleurs de ciseaux de femmes à barbes, affûteurs de couteaux pour le connétable en son château de Clisson, compagnon fidèle de Jehanne qui fut brûlée, tant qu’on ne peut plus relier de sa chaste épissure le monde d’en haut et icelui. Cauchon, évêque grand amateur de barbecue convoquait grande liesse de manants tels qu’en tableaux de Bruegel. Quoique ne parlant pas même langue, le dessein se peut comprendre en franglois ou bas Breton et d’autres langages de barbaque et de verres levés, d’ale et de vin-vinaigre, bwa-bandé, Bara-Gwin, avec force saucisses, rôts et belles cuisses de chevreuil rondement maniées par la main, sur la broche. Maux de tête, lendemain.)






Ainsi ses oriflammes couchés par la défaite dans le morne jargon d’entreprise, funiculaires à Lisboa, rye market, bond street, l’or, l’or toujours fou avec ses caravelles Hi-Ho, liquide ou en barres redorant les lueurs aphrodisiaques et le flou des blasons. Voilà que se vainc le myope nyctalope (ou sa sœur jumelle, sa mère peut-être, encore gironde, bien que d’ailleurs, au delà du fleuve Loire, Sambre, Meuse, cheveux de paille et yeux bleus frelatés) l’errance par la magie coudrière des baguettes de fées et l’électricité avec son clic moderne sur le bouton, pour faire la lumière dans les taudis les plus noirs et qui le resteront. 35 Watts, c’est le progrès de la vitesse pour voir tomber les mouches sur le maigre fricot, les rogatons, la couche défaite ou beuglent des marmots, les pioupious de la prochaine guerre, de la chair à canon irradiant mes neurones d’autres sources, eaux ardentes, aguardientes épurées dans les cyclamens et le baralipton jusqu’à quelle ellipse et quelle fusion ? Le banquet d’insomnies fuse, Platoon revenu lui aussi de ce temps baratté de mottes et de croisades. Dieu ferraillant avec lui-même more and maure, se tuant à dire l’unique dans la multiplicité et que tout est pareil, alors que rien ne se ressemble.


Je vais changer d’ère, l’absence d’espace me confit, me confie contraintes et confitures de déconfitures, grand désarroi, harcel bien que peu ne me meut ce qui m’émeut, regardant passer les grandes blouses déchirées des trains gris, écrivant Io, avant que le lait ne soit tourné dans le jargon des TGV, les stances de la vitesse, le staccato des roues, ses vaches, mes limousines, penchées sur le réel passant, le temps de remugler, remembrances et remembrements de prairies remâchées, tombant avec les muges les aigrettes des pisse en lits, le vermifuge des chagrins dans le nourrain et le calcre des plaines, la diligence des sabots et mon cheval sabordé dans ses ailes décline les synclinales imbéciles, va se garer sur le passage piétonnier, Pégase lymphatique enrayé dans ses ailes. Ce n’est pas le regard qu’il faut poser mais la main courtilière, ses vastes panoplies et tout prendre d’ahan, haïku, épopée, lusiadas, bouteille virgilienne à la mer, le poème livré avec ses grues, sans notice, mais sextants, astro bales et labes et autres crochets de vermeil emboîté pour embarquer sur le charroi des galaxies, remonter le fond du fond, du profond des boues, des choses vagues qui vivaient lentement, dans leur propre mystère, toujours hors saison.


Couac que je collerai bien un bout de printemps inoubliable, ses tigres, ses gri-gri et même des bla-bla pour faire passer tout ça. Que sont quelques chromosomes de plus dans la masse moléculaire du vent pour faire se couler l’ivresse et l’ivraie ? Ce qui peut s’écouler dans les couloirs écroulés sous les portes écrouées, jusqu’aux grandes parades des ruelles étroites re devinant de vrais morceaux de mers fraîches, tranches sucrées salées des melons d’eau, avec des angles rameurs, des nuances de partir. Puisque trois pierres cémentent, fol, il faut être fou pour l’ignorer, Eole, la voile, le voyage. Mais encore fallait-il compter jusqu’à Troie et que la rive s’invite à murmurer à l’oreille des sirènes, le chant et qu’elles ne s’effondrent, du rêve d’absolu, gigogne comme il se doit.
C’est comme des maisons avec le temps de tout dedans, sans dédit, sans déni et des femmes irréelles, immuables qui ne font pousser des cris dans l’absence du feu et des choses comme ça, pour faire aller. Vous mettrez tous les verbes de la déliquescence, les ramages, les plumages et les appropriés, ces bans, ces dols, autres vins cuits, vainement dans le code napoléonien, cette sorte d’architecture à la langue chargée déjà de Cythères rectilignes, même si un magdalénien y trouverait encor son petit dans la foule prognathe de la 25 ème rue…



Dira ma mère «oh ! oh ! Cesse de faire, ton « Rimbe » Rhombe, ton navire enterré dans le fond du jardin pousse encore ses voiles et le grand mât à troué mes feuilles de salades tandis que gémissent des fleurs bizarres, de troublants époèmes, des gongs safranés d’E-poèmes, de l’herbe à fumer les voyages qui ne rapportent rien. Prends toi par la main et va, vendre vers là bas, des ressorts, des ficelles, graines de boutons de culottes, poix, hochets pioupiesques et ithyphalliques et autres clinquantes verroteries, ainsi que tabacs prisés par l’autochtone, sans négliger balles de Kalachnikov bien drues, aux indigènes de toutes les couleurs, qui aiment fracturer dans l’argile du bol bleu des étoiles les œufs, l’omelette sanglante des constellations. Tandis que le sang coule lui vraiment. S’est glissée la fève de la mort, ses mélopées dum-dum, chemisée de bon acier imputrescible, remontant entre les forêts épaisses des amulettes qui éloignaient le souci de ne pouvoir durer autant au moins que la fête de tuer en soi son ennemi, gringo. Puis des chants, dans les langues khuzdûl, valarin, quenya, sindarin et la magie des formules pour saluer l’usage de passer:

« Elen síla lúmenn' omentielvo »



Ludion s’est éteint, le remplace luciole, que la lumière soit sur nos fanes et nos radis. Mais surtout, elle fut peau épaisse tavelée, animale ainsi que chagrin parcheminé dans le foulon, tes chaussures un peu raides de varan. Eusse préféré bonne houlque et de moins verts tanins, à défaut d’antilope, « un crocodile vivant, un pas et demi de longueur, du genre Nil reptilien, quatre pattes longues chacune d’un empan, la queue large et la gueule fendue comme celle d’un serpent. Il remue seulement la mâchoire supérieure qui est garnie de dents très aiguës; il n’a point de langue et sa peau est couverte d’écailles plus dure que des os. Il n’est point venimeux et toute sa force réside dans sa queue ». (Silence des cymbales, des actinies au pharynx bavant de fabuleuses lactescences, des phalles, des tentacules au fond des mers copulatives) Ainsi que le narrait Domenico Trevisan dans son « Voyage du magnifique et très illustre chevalier et procurateur de Saint-Marc. Ambassadeur de l’illustrissime gouvernement vénitien auprès du sérénissime seigneur, le grand soudan du Caire » qui bien peu me chaut.


Ma limousine étendue sur le champ, dans le soleil dormant. Elle a deux trous rouges au coté droit. Des traces de trocarts soulageant son ventre ballonné d’absorptions de vertes et grasses prairies, flatulences baudruchiennes, telle contemporaine poésie, s’effilochant en rouelles et brimborions, vastes fumées, lampions pour éclairer le monde défunt, ses cohortes, ses ciboires, ses lampe médusas. On nous a fait tant bouffer nous des âneries au kilomètre et brames de mots, qu’à la fin ne sait plus où s’en va la chanson…



Cependant, J’ouvris un bal, la Mer Rouge s’étant retirée, suintaient d’un lac d’écorce et de fractures entre les continents, des vagues de sel figées, ainsi qu’oiseau femelle, *Liracrédi fuyant délicieusement Gomorrhe, se retourna, lissant ses plumes effarouchées par le vol et vit sa vaine condition, colifichets, foutrepamoîsons, rimels, Kohl, faux cils, onguents, toutes les armures ancillaires pour cintrer le temps. Rien ne l’étonna, mais se vit soudain si vieille en son miroir, chut dans l’échouage d’un lac nommé Assal, duquel longilignes Abyssiniens, gens d’Afar et d’Issa, de beauté insolente, prompts à la révolte, mais au regard chaussé de Ray-ban, puisaient brûlantes récoltes, sauniers des temps passés, engrangées dans les pépites du vent, et d’autres contrées morcelées qui furent des royaumes.

*Peut s’écrire lyre à crédit…

Le roi Jean ici soumit des provinces très anciennes qu’on raconte de mémoire, comme on se passe les charbons des mots d’avant que la force centripète et centrifuge de l’administration ne viennent avec ses fonctionnaires glabres mesurer la distance entre Adis et Djibouti, démontrer sur le papier millimétré que la Micheline remplacerait désormais le chameau, ma Limousine du désert.


Feismes voille et pour aucun vent contraire, coustoyasmes fairies et foraies cristallisées par les sables, traversâmes sur cet animal moult chargé, brinquebalant, khat khat, porteur de faits et de faix, d’armes poussiéreuses: Chassepot, Mauser, Gatling, des produits de consommation courante, vierges fraîchement cueillies, telles opiums et thés verts, accus, brandes, chandelles, courroies, vessies, Oro encore et encore Gold, Ouro, épices, soies, draperies, braderies, chintz et chantoung à cent balles, dix euros de Tati, graines de cucurbitacées et de céphalopodes, sorbets, ventilateurs, ainsi que maladie du sommeil, fièvres zanzibarites, loukoums, Piri-Piri, préservatifs pour faire des ballons et de l’eau, autant que : « dedans le Cayre sont cent mille hommes qui portent à leur cou, en peaulx de chievres, l’eaue à vendre et cinquante mille chameaux pour la porter ès maisons et ès rues que l’on arrouse soir et matin pour refraichir la ville. »


« Toutes choses presque se vendent à la livre comme chair, poisson, huille, myel et fruicts dont est habondance ». Dispositions toutes plus compliquées qu’humaine connaissance y puisse pourvoir incessamment et sous peu, sans fourvoir, en ces temps caniculaires. Mais… par Dionysos, où sont alcools captieux, vins de paille rhums et Portos. Ah que l’on mette en perce foudres et tonneaux, fûts, tonnes et tonnelets, pièces et demi-pièces, feuillettes, quartauts, pots, muids, futailles, bordelaises et barriques. Ainsi que dives bouteilles: magnum, double magnum, jéroboam, impériale, réhoboam, mathusalem, salmanazar, balthazar, nabuchodonosor, dames-jeannes et fiasques à long col et large panse clissée. « Ung vin si tresdelicieulx, odorant, singulier et sentant sa manne, que n’eusse cuidé en auculne partie du monde se trouver qui surmontoit sans comparaison, pigments et ypocras. Vin, nebith qui me fist oublier toutes mes miseres passées. »


J’engrange des saisons maladroites aussi floues qu’yeux de brèmes, j’en ferai un brouet de pourpiers et de salamandres, blasons de noirs et jaunes continents, dont je me souviens, par procuration et voisinage de proches et lointains voyageurs, lectures fécondes, Frère Jehan Thenaud, dudict lieu d’Angoulesme, jusques au Cayre et Tintin au Congo. Le roi Jean oblitérait de naïves conversions, tchac, tchac, comme le poinçonneur des lilas. Avant il fallait des trous et des billets pour partir. Maintenant se calculent le chromosomes de la vitesse, dans la nuit des temps et tu arrives avant même l’idée de concevoir l’envie de partir.



Et toujours des sous « Grande robe de contrebande, mesmement d’argent blanc, car audict navire en avoit pour plus de cent milles ducats. » and so on : « Le palais du soudan et ses jardins est chose en beaulté et magnificence digne d’admiration. En icelluy sont ordinairement et pour sa garde, levans, boyvans, meangeans, dix mille mammeluz et autant de chevaulx, la valeur de dix seraphs d’or. »



Comme piastres et dollars, ruisselets, rivières, fleuves jusqu’à l’océan du crédit innombrable, toutes vannes ouvertes du commerce jaillissant, ses musiques, ses arts florissants des forêts décombrées, toutes entières croquevillées, en tas serrées avec leurs plasmas, vertes plumes, pistils et anthères enterrées dans les glottes carminées d’oiseaux ensevelis, enfouies sous les strates et les marées, les sédiments de pyrales et de bormes végétales, du fuel, du pétrole, les laitances du sperme noir de la terre, des pleurésies, des grumes d’eaulx fossiles asphyxiés, remontant des profondeurs le souffle, jusqu’à la mer des nuits hydrocéphales où se tient amarrée la licorne déchirant les rideaux et les voiles jusqu’à la clarté.



Somm’ si fins nous qu’on regarde passer les guerres au lieu de les vouloir arrêter. Le cœur du drone à déroulé ses charpies de fils, ses gerbes de puces et de connexions dans un crafouillotis multicolore. Je dis là à la faveur de combustions nucléaires, entreposées dans les soutes de vaisseaux immobiles formant faisceaux et réseaux, marmites de lentes cuisons sur les fleuves, Rhône et Loire, Saône, Cher et Garonne et moindre vibricelle, vibrisse d’eau passant, colchiques dans mes près, lentement s’empoisonnent. Mais, si remonte le temps, se battaient déjà pour carne d’aurochs, braseros et langues de mammouths, bout du champ trempé d’orties et de lucres de vipères enroulées, fouet sur la peau des tribus dans les granges espalières, du fond des mines le cœur rehissé des lampes, pour tirer l’or des grands supplices et couvrir les églises, les calices et les Dieux endormis, des vastes chapes scintillantes de la mort. Voilà que la lumière a de drôles de couleurs.


Ma pauvre lim’ on en a vu du temps passer, non que je m’apitoie, mais frissonne un peu à tout ça regarder. Surtout que j’étais là, moi aussi dans ce temps un peu ladre, allant plus vite que pour moi se puisse comprendre tout ce qui s’y tramait, de vertiges et de nuits, de désirs et d’insouciance.


Long travelling de son regard brûlant d’intelligence, plus que blonde, puis par delà monts et forêts s’élèvent bancs de grains, saisons de violines et de capitules verseront leurs noires fumées de Danaïdes, dans les pots au noir du vieil Horn dissolvant ses démences sur les côtes édentées du Tropique. J’allais en remontant les rives torrentielles de l’Oyapock, celles du Maroni, entre les flaques d’huile, par les carbets, les villages des Bush-Negros Bonis, qui furent soutirés des côtes de l’Affrique, puis chassés par les mites blanches de la mort et leurs chiens dans l’émeraude effrayante des mangroves. Comme si tout le temps ici se fut perdu dans la déliquescence et les fièvres, puis enterré dans la boue avec les poissons-pierres engloutis, les chercheurs de pépites et de sable aurifère, le bruit des moteurs, le gas-oil, le mercure et l’essence.

Croise au détour d’une lampe de feuillage, chasseur M’hong transvasé, gravure d’Angkor-vat et de la Cordillère annamitique des petits soldats infatigables de Minh, porteurs de canons et d’immensité, sur leurs semelles de pneus usés, Tongs bricolées, boat-people de la canopée avec tous les rites séculaires, vieilles femmes à langue de Betel dans la jungle identique de l’administration, son arbalète à singes tapissant les hauteurs de cris d’enfants sourds, de la démesure de l’Asie des moussons, ses pluies lentes et longues, aux pluies épaisses et denses d’Amazone. C’est le temps d’une tasse de thé, des grands navires de la mémoire, mesmes gestes, se mouvant lentement sur le feu de brindilles, le briquet d’amadou, sous le toit crépitant de la feuille d’un arbre inconnu strié de veines rouges, des tubulures des lierres étranglés enserrant les spires de l’anaconda.




Le vertige de plonger dans les pulcres et les oultres, les phalanges d’amont jusqu’à la Désirade et les grands bois bleuis rainés de lamproies et de gnoses, les laines serrées des Sargasses, ses plaines et ses morts, planches qu’on radoube pour ne jamais couler et calfate aussi les jonques du soleil qui penchent vers la nuit. Je passe maintenant la ligne de partage d’étoiles perclurées qui semèrent des lueurs tant qu’on n’en pouvait plus. Puis il fallut bien aller, (Certain temps il faudra que je dise ce que j’ai cru entrevoir. Rien ou pas grand chose, mais je le fais savoir. Je suis en panne de merveilles.)


Plus loin, vers les gerçures des eaux prophétiques du Chilam Balam, les divisions du temps et du soleil, ses roues de cycles humains. Mois Uo des hiéroglyphes, Sip de la chasse et des gibiers, la langue percée dans les transes du feu, Tzotz et Tzec pour le miel, Xul des bannières de plumes du serpent, Yax kin, l’indigo fut versé sur les piliers des maisons, les instruments, les outils. Puis Mol, se faisaient les Dieux en l’honneur des quatre points cardinaux, l’artisan oignait les statues avec son propre sang. Mois Chen, Yax, Zac, Mac, Muam, Pax, Cumhun, jusqu’à l’arrivée des cinq jours sans nom, au terme du mois Uayeb. Ainsi passait le temps, ses ondées de lumière, sur le sol infertile des solstices et des genèses.


Dans les champs de maïs, de sisal de calcaire et de reptiles, sans eau, sans arbres, péninsule solitaire, presque île inachevée, Yucatan tendu comme un fouet entre la terre et la voûte céleste, le temps circule, celui des chiffres et de la vénération de ses propres cycles, avant que le christianisme, venu dans les fontes et le bruit des chevaux de Francisco de Montejo, les étrangers de la terre, n’accomplisse la prophétie :

« Avec tristesse je vous avertis, ô père
voyez, vos visiteurs sont déjà sur le chemin, ô Itzas !
ce sont les maîtres de la terre qui arrivent. »

(Itzas : « hommes sacrés »)


Peuple juif des Toltèques, cristeros et separados, les séparés, cherchant la terre ancienne, le Peten, le pays des Mayas, du savoir et de la magie engloutie dans l’axe de la pyramide où Kin, jour et soleil veille sur la mesure du temps dans le ciel de l’écrit. Parce qu’il n’y a pas d’origine ni de néant, il faut lire les cartes qui mènent à l’éternité. Tout ce qui fut prédit, guerres, trahisons, vengeances, conquêtes, errances, arriva. le monde qui s’était défait se défit encore pour renaître. Brûlèrent, en 1520 sur la place de Mani sur ordre de l’évêque Diego de Landa, les livres sacrés des prêtres du soleil, mais le feu ne fait que disperser la mémoire.
Qu’est ce qu’on fait nous là, my Lima ? Dans les apothèmes et les hydrographies, à tenter d’ensemencer le monde de vagissements et de bavardages ? Mais ils firent comme nous, errer. Puis « dominus vobiscum » furent les dernières paroles de leur chant, lorsqu’il n’y eut plus de ciel et que tout fut mélangé, les saints et le crotale, le cœur du jaguar rouge et les pierres précieuses. Les tables de la Loi se fondirent dans la plaine et le vent sortit de la grande pierre de grâce, étendit son linceul sur la province de Yucalpeten. J’écarte le livre où le géomètre fut broyé par l’archer. Nous nous sommes égarés sur la route obscure des mondes obliques.



Achète sombreros en fibres de cactus made in Kuala lumpur et nous redescendîmes, puisque pour remonter il faut redescendre, vers les repaires du condor. Au loin, le sabot de la vigogne foule les ossements éparpillés de l’orage. Elle crachera sa chique de neiges et d’étincelles, drôle d’animal, ma belle, la Limousine de l’Altiplano qui semble regarder par-dessus l’épaule de ce monde avec un tel détachement qu’on la croirait adepte des pratiques Zen. Bien qu’elle soit animal de bât, de traits et de labours de patates noires scarifiées par le gel, mangée, tondue, tannée, fœtus momifié, enterré dans la glaise pour que plane l’aile fertile au-dessus de la maison, tandis que coulent les liesses de la cachaca sur les hommes déjà rendus fous par la coca et le travail innombrable, dans les grottes des mines d’argent à Potosi avec pour seule lueur, la mèche fumeuse de l’huile d’une lampe.


A Bogota, il pleut d’un seul côté de la rue. Où commencent les adieux ? Il y a tellement de lieux, le quai de la gare de Vienne, l’écluse de Geestemünde, l’airport. Le monde passe devant les fenêtres des compartiments et se mélangent les continents dans les centrifugeuses de la mémoire, comme des cristaux de glace dans la fluidité de l’eau, la route blanche des Indes :


« La faible aurore de la cosmogonie est semblable à toute évolution qui ne mûrit que progressivement pour réaliser des grands objectifs: elle ne s’est répandue que lentement, partant du disque terrestre homérique pour passer par la terre des Hyperboréens; il a fallu des millénaires pour que la soif de savoir vainque les effrois du pôle nord dont les arabes déjà pensaient que la Sibérie était remplie. »


« Aucun souffle de vérité ne s’éveilla dans ce monde dominé par l’esprit de caste pour chasser les images de la chaleur qui brûle, du gel qui tue, des mers qui tombent dans l’abîme et dont les marins ne reviennent jamais, des Dieux du vent et de la mer qui menacent de malheur et des fourmis gardiennes de l’or… »

Christoph Ransmayr
(Les effrois de la glace et des ténèbres)

Tout voyageur cherche une déchirure. Pécheur de clarté dans les étoiles mortes, marcheur de la Grande Ourse, navigateur des pléiades et des fractures des planètes tombées dans le vide qui n’existe pas et reconstruit la splendeur de ce vide, des arborescences d’un vide encore plus vaste d’une mare bordée de sections de paramécies fusionnant le multiple dans l’unicité. Non pas un lieu où aller, sinon dans les mouvances d’en soi, à travers l’effraction du temps, ce passage. Métamorphose mégalithes, cromlechs, dolmens, menhirs, toutes roches dressées ou tables effondrées, en pluies d’oiseaux et profusions de varechs.



Îsles sous la glace furent traversées, à travers les tremblantes gelées des océans du pôle, soupe du permafrost ébréché par les vents hurlants vers L’Inde blanche les fastes multicolores des arches incendiées, la colère des lumières de l’aurore boréale, des séracs s’éboulant comme poudreuse corne d’éléphant de mer, défense de morse broyée par le gel, la lenteur d’un bain de nuit polaire et les feux de Bengale des voyageurs errants, solitaires pétrifiés depuis des siècles dans les vertiges du silence.



L’or devenu pyrite sulfureuse, les palais des neiges illusion, suaires damasquinés de mirages des ressauts, moraines scintillantes de Madras et congères de cônes d’encens. Froid démesuré à fendre le mercure, moins cinquante degrés Celsius en absence de lieu, à proximité de la terre, perdue, dans l’épaisseur des ténèbres, les paupières couvertes de glace du Spitsberg, vaisseau d’engelures, de scorbut, de mélancolie, d’arthrose et de hauteurs chancelantes. En d’autres temps ici paissaient nombre troupeaux, avant croches sanguines d’ours et isatis blanc ou bleu de ce désert. Dessine moi un U-Boot pour glisser dans le ronronnement des moteurs diesel sous le Capharnaüm du plafond étoilé de la mer de Barents.



Naviguèrent, s’échouèrent se fondirent dans le grand cimetière mouvant, drakkars yachts-squelettes de baleines, frégates, schooners pour même brûlure et même fièvre ainsi qu’à Nahuatl à l’arrivée des européens : « Le ravissement se lisait sur leurs visages de craie. Ils soupesaient l’or dans leurs mains, ils en avaient la fringale » Cascade qui se mue au sortir de la pâte de verre de la chair, compradores achètent tout et dans toutes les langues de la terre babélienne, le coprah et le jasmin et des fleurs d’oubli fuligineuses de fibrilles lascives, déesses aux bras multiples pour pincer les cordes des sitars et semer les notes bleues et rondes de la vivante guimbarde d’un lucane, l’étamine bruissante de forêts du fouet de sa langue.



Le froid calcul d’une route d’épices vers l’Inde absurde qui passerait ses effluves par Nord extrême du ring, septentrion du Rand, écrasée entre les murs mouvants des icebergs et les éclisses des éclipses. Mais voilà que parvient, avec la gloire du prolétariat, dans les hymnes stakhanovistes de ses turbines nucléaires, le brise-glace géant Boris Godounov (Gloire à la métallurgie des cent mille travailleurs, hourra l’Oural et le bronze des hélices, l’airain de Staline mitonnant la fission du socialisme dans les fusions hégémoniques, les diktats, le knout, les geôles, la déportation, puis la disparition dans les blancs évanouissements des Sibéries intérieures.)


La route fut ouverte vers la Chine énigmatique, les moulins à prières du Thybet, l’or jaune safran et volatil des robes de moines, bonzes fuyant les voies obscures de la démocratie, ses semonces très claires de fusils et de baïonnettes dressées ainsi que tuiles et murailles du Mah-jong que même esprit au troisième œil très affûté ne peut émousser, puis les comptoirs-sangsues, éponges des providences et provendes de l’Asie mythique des profusions d’odeurs et de couleurs versées de la corne d’abondance.


Chandernagor, Mahé, Kârikâl, Pondichéry, Yanaon tandis que la silhouette filiforme égarée du major Lawrence, penchée sur sa motocyclette Velocette Thruxton veeline, au moteur monocylindrique, son échappement en forme de poisson comme aux premiers temps de la chrétienté et de l’innocence, file déjà vers les torchères grumeleuses de la péninsule arabique et ses guerres pétrolifères, jusqu’à aujourd’hui…


Faisons halte en ces lieux propices aux lentes ruminations animales de l’esprit où se vénèrent singes et rats, maigres vaches à bosses, indolentes, errant et tanguant entre les roulis et les spasmes des foules, les étals couverts de bourdonnements, de piments, de parfums, roses, muscs et civette, d’étoffes, lin, lisaro, sinabaffi, mousselines et de girofles, de simples effilochant leurs duvets vulnéraires de déesses :

« La vache est un animal merveilleux, c’est aussi un quadrupède et comme il est femelle, il donne du lait, mais cela que lorsqu’il a un enfant. Il est pareil à Dieu, sacré pour les hindouistes et utile à l’homme. Mais il a quatre pattes ensemble : deux sont devant et deux ensuite. Tout son corps peut être utilisé pour l’usage. Le lait encore plus. Que ne peut-il faire ? Du ghee, du beurre, de la crème, du lait caillé, du petit lait, du kova et le lait condensé, etc. il est aussi utile au cordonnier, au jardinier et à l’humanité en général. Seulement ses mouvements sont lents. C’est parce qu’il est d’une espèce amplitudineuse… »

(extrait d’un essai d’un candidat indien à un poste public)
Divinités cependant mieux nourries qu’autochtones enserrés dans les carcans immuables des castes sans ascenseurs, ni puits puisque ne peut monter, ni tomber plus bas qu’au tréfonds, quoique se puisse creuser le trou vitrifié plus loin encore ou au moins tenter de l’égaler :


« Bovin Bouddha de sa bête…
le monde inférieur se médite en lui sans défaire ses courbes,
et paît le Meidosem, l’herbe invisible des douleurs remises en place.
Il domine ? Non ; seulement il n’est pas égalé. »


(Henri Michaux : La vie dans les plis)


l’herbe des douleurs, ses foulards par le vent agités dans les partitions, les déchirures, les mouvements écharpés des foules, ce reflux d’exodes. Humaines marées fuyant vers le nord l’oiseau noir de la guerre, comme s’enfuyait éperdu, vers le sud avec ses téguments d’horloges et de manteaux, de matelas et de casseroles obsolètes, un peuple à genoux, ensanglanté et défait, faisant pousser en lui les murs des litanies de frontières, de Berlin à Bangalore, de Londonderry à Ceylan, jusqu’aux fragmentations infimes des Balkans, photophores des crânes empilés dans les rizières cambodgiennes et les montagnes abandonnées des poupées arrachées aux enfants des exterminations. Et l’on mangeât les courroies, leurs racines, le vent et les herbes gelées des rêves tirées d’anciens livres, leurs palombes, les cailles du printemps empoisonnées par l’aconit et la ciguë. Puis les limites franchies, il n’y eut plus de limites que survivre ne puisse surpasser ni rien qui ne se puisse dévorer ou avilir.


Tiraient affûts de canons, chars à bancs, véhicules désarticulés, charrois ainsi qu’aux temps des migrations forcenées, lorsque l’ennemi approche des lisières de tous les pays du monde, les derniers chevaux morts ou déchiquetés, plus figés que depuis des millénaires, le galop de ceux de Solutré, qui finiront par les rattraper de l’élan d’un sabot et de la grâce d’une courbe, sans ne jamais chuter du haut d’une falaise, la profondeur du gué, dans l’ocre de la fuite et le temps, vers quelle fondation du lieu ? Hécate tombe de la magie vers le désenchantement, comme si plus rien ne se pouvait croire, pas même l’évidence que narrait Tchouang-tseu :


«Dans l’océan du nord se trouve un poisson… Ce poisson se change en oiseau… C’est au temps des grandes marées que l’oiseau part vers l’océan du sud. »


Et déferlante des mots, transmue la parole en voyage lointain, hors de l’atteinte du temps :


« Un jour, j’aimerais écrire un livre
un livre entier sur le temps
sur comment il n’existe pas
comment le passé et le futur
ne sont qu’un seul et même présent continu… »

Evgenij Vinokurov



Invite sur le champ un temps desquamé, se défaisant des tablettes d’argile ou d’écailles, des bandelettes, des rouleaux délaissés de sa peau, des reptations sur la pierre, ce qu’elle déchire d’étincelles. Détache des comètes aux gerbes ruisselantes des novaes, des grandes roues des mouvements célestes. Non pas moulins de vents et de collines, mais norias aimantées d’eaux lustrales. Les vagues, vastes d’une mer enchaînée, ses cliquetis dans les salles d’une résidence suspendue dans les cordages des nuages, au bord d’une falaise condamnée par l’effondrement des tuffeaux, des mortiers de salives et de plumes des goélands, d’ossatures de cœlacanthes, de dents de squales fossiles envasés dans la tourbe et qui bougent encore comme le cœur mis à nu des loups dans l’estuaire poursuivant leurs rêves de flambées d’alevins.



Toujours ce temps de naufrageurs, de miroirs aux alouettes, scintillaient sur les hauteurs les prismes de la route, tandis que s’ouvraient les gouffres, s’engloutissaient les coffres démantelés par les brisants, vomissaient leurs ors, jades et pierreries. Se tapissaient les fonds des ondées lapidaires de l’ambre et de l’albâtre, le ciel de l’azurite, le cinabre, la fleur brûlante de l’Erythrite, les Météores enceintes du Zodiaque, Les gemmes et les gémonies, les papilles sanglantes de l’Hématite, l’opale et l’obsidienne, la turquoise et le saphir, l’améthyste tombée de l’olivier avec les larmes du premier jour de paix qui fut aussi le dernier…



« Et Dieu créa la lumière », mais apposa les stigmates des nuances dans le visible et fit se lever de grands vents, khamsin, Simoun, Sirocco, Bise noire, des pulsions d’orages, tempêtes, hurricanes, ouragans et les yeux glauques des cyclones pour éroder les traces du jeu de piste. Puis, s’en fut dans son vaisseau intergalactique ravauder les haillons d’autres mondes de guingois, ensablés dans la rose des vents.

Fismes pourtant esquifs et esquisses de vasques et rayons, brisements de noyaux et d’atomes, tonnerres, roulements, runes et roides pluies de chimies, puissantes géométries d’arcs incandescents, spores et spirales et autres truchements de nids d’abeilles, de bonds et de rebonds des sons, d’altières conversations avec l’au-delà artifices et telles fermentations de poudres et d’halogènes, poèmes, exérèses, résections d’alluvions, étincelles et gravides pulpes ainsi que gestations de ferments.


Toutes alchimies qui se puissent pourvoir dans les cornes des cornues, par truchements de liquides, philtres et résines, ases et cernes d’antimoine, sacrifices de flamboyants, gallinacés, pintadas, poules peintes, piloris et crucifixions de diurnes et nocturnes, gerfauts, pies grièches, roussettes, effraies, grands-ducs et mythiques porteurs d’âmes errantes et de malédictions, chats écorchés, Salem de galipotes et sorcières, anneaux de Nibelung en noirâtres et marâtres forêts, en ventres d’égipans satyres, goules, garous, krakens et dragons.



Graals et méphitiques transmutations et transsubstantiations, menhorées virginales, poudres de Perlimpinpin, sudations de crapauds et telle nuit à telle heure propitiatoire, coulera l’or, du fer, du sulfate et du soufre. Si ce n’est aujourd’hui, demain sera. Ce n’est pas tant que sommes lents à ruminer, ni transformer défaites en victoires, mais alléguer que toute rumeur ne se puisse faire sans que ne couve en elle le feu et ne plus rien croire qui ne se puisse prouver que par verbiage, qu’en dira on, venins, chuchotements de passage, missives et corbeaux derrière volets clos, rideaux tirés, en mijotant l’aigre soupe rance des rancunes et de la vengeance, leurs wagons déjà plombés par malévolance et maladreries de basses veuleries.



Ecoute verser la pluie à la dérive sur le Loch, ses litanies de phonolithes et de violoncelles, les alcools du chant sur la glotte desséchée des morts pour passer à travers les ronciers du temps graines de coloquintes et calebasses, tambours et maracas, ongles des tortues-luth, spectres et plectres et tout ce qui par mouvement d’air et d’espace fait vibrer l’âme et le corps plus encore, ce réceptacle. Ou bien seraient-ce ondoiements d’acacias et fontes des métaux, tandis que les hommes inventaient les sources de l’écriture entre le Tigre et l’Euphrate, roues et géométries, mouvements de meules et de grains. Songes aux ivoires, veaux et vaches de Nemrod et dans le tombeau royal le mufle d’Ur d’un taureau d’or.





Ou par l’hiver des rues, une ville engloutie dans le crépuscule épais des solitudes. Sera cité sur les hauteurs avec jaquemarts, campaniles, beffrois, tours, lanternes, donjons et chemins de garde, ainsi que de tous temps, se veillaient sur la croupe d’une colline les passages, bonnes et mauvaises hardes, troupeaux, tocsins pour l’infidèle quel qu’il fut, barbare par hérésie ou concupiscence, faim de chère ou de territoires, venu par terres et par mers, en mesmes vagues incessantes, fourmilières lentes qui ne cessent de dresser leurs terrils, qu’après mastication, jusqu’à l’ossature ivoirine des reliefs de ce qui fut digéré. Mémoire des grimoires, anses et abris des portulans, chastes clefs des ceintures, ainsi que réserves de grains qu’il fallait préserver jusqu’à la mort, assurée, puisque sans elles ne passeront pas l’hiver.


Saisissaient couennes et trophées, femelles et vaisselles, volailles et vaisseaux, terres de vassaux, reines et ribots, ménestrels, pour beugler sur fragiles fonds d’aubades courtoisies, scies de marins, chants d’ale et rimes à boire hissées haut. Trissaient de hautes vergues pour prendre et pour plier et faire pis que pendre. Tout ce qui se fait dans l’urgence de l’impunité et l’absolution des autorités. Ces jours de lumière et d’hiver pour les autres où tout est permis. Puis virent que la mémoire ne s’effaçait pas dans les livres, mais par gamètes et utérus, les remplirent de leurs propres éructements, saillies, germinations, vociférations, affamèrent, fusillèrent, rendirent stériles les promesses d’avenir.



Et plièrent tout, au fond, comme toujours rien ne s’est passé. Par témoignages et testimonies, allégations et dénis, absence, perte de mémoire, suppression, omission. Vent dans les branches, orgues et sermons dans l’église et le temple, sourates dans les mosquées, impassibilité du Bouddha, violes des griots, intercession des Chamans, maintes glues, colles et fixations de démences longuement instillées, à force de prophéties et de charlatanismes.



Tous les dieux de l’enfer des hommes mobilisés pour la curée des ablations, des divisions, jusqu’à la disparition. Ne se retrouveront que quelques cendres éparses, poèmes écrits sur des lambeaux de peaux de moutons et ne se pourra rassembler, l’unité du cosmos dans les fragments parcheminés par les vers, hormis en ces territoires infinis du poème, hors des limites du temps et du lieu, les contenant tous et les faisant éclater en myriades solitaires.





Maints tourbillons, tournois et tournoiements de thrènes, tant qu’allions perdre le nord. les grandes voix enrouées de l’automne aphone ne sortaient pas des marais et de bois, mais grandes épluchures et copeaux violacés de nuits, parcimonie de septembre, pluies déjà, râpes d’archets et de violoncelles sur les marches de granit, les larges feuilles du figuier et l’immobilité inquiète des grives plombées de ruissellements, d’infiltrations de mouvements, d’absence de lumière, voûtée dans les sinus de l’arc-en-ciel.


Ex-votos de ce qui fut vol, progression de l’ homo erectus, par truchement d’espace d’air et de vent, ainsi que dans les églises manuélines aux dorures flamboyantes, furent plaqués sur les murs glabres, jambes de cire, yeux, bras, cœurs, foies, rates et reins, lymphes, ventres, gonades et fécondes érections factices de plâtre, tout ce qui se puisse désigner puis réparer, en toute candeur, par intervention et mécanique divine comme tubulures, ailes et tôles froissées dans l’accident, phares éteints, passerillages, pannes d’oreillers, femmes volages, maris infidèles, ânes rétifs, vaches infertiles, épizooties et pépies, tirelires et bourses plates, veaux, vaches, cochons, couvées.



Aussi loin qu’aller, par crédulité immobile, vouloir doubler Bojador, le cap des tempêtes. Bateliers de Volga, hisseurs par chants de troubadours de cathédrales invisibles, porteurs de temples et de sacrifices, de ponts, barrages et pyramides, routes mangées par les racines et l’épuisement, la corrosion et plus souvent encore l’inutile. Vaisseaux échoués sur les échines d’Amazone, labyrinthes momifiés dans le silence des déserts pour témoigner qu’ici l’homme fut désagrégé puis enseveli afin que la vanité puisse espérer côtoyer le ciel, embarquer pour poursuivre le voyage d’au-delà.



Faut dire qu’après l’on s’étonne que la révolte gronde : « S’il le faut nous descendrons dans la rue » (Alain Geismar, 6 mai 1968) le vieux Noé sur sa nef pansue en bois de palissandre préserve sa faune, ses couples de putois et de skons et laisse choir le travailleur qui lui a longuement peaufiné son zoo, sa ménagerie, son étable ambulante, à coups de maillets et de varlopes, riflars et rabotes, gouges et ciseaux, scies, caroncules, hiles, chignoles, tenons et mortaises, avec force et leviers démultipliés, pour haler, lever, trouer, percer, tarauder, visser, joindre, clisser, saigner, calfater et mener bel ouvrage que compagnons et provins revendiqueront plus avant. Ceci devant prouver que l’arche peut-être fut possible, mais point de bible, que roman en l’escarcelle du réel.



Faut dire, faut dire qu’elle était belle et qu’on ne la revit pas, disloquée par le déluge, éventrée sur les pentes du mont Ararat, vomissant onagres et girafons, grèbes mordorés, spatules, tisserins, paradisiers, fous de Bassan, waildel, soris, lovels, cocadriles, golpilles, gores, guivres et hairons, hobes, limoges, proyers, lainiers, maslons, raines, chevaux de przewalski, vachetes limosines et autres marabiles. Tout l’alphabet vagissant, ruminant, feulant, trissant, chuintant, pépiant, du A des anamorphoses, au Z des zoologies : zèbres, zébus, ziboux et autres ornithorynques « natura non facit saltus », rats, taupes, castors tous mélangés durant ce long voyage de griffes et de plumes, bec et ongles, palmes, queues et poils retroussés et rebroussés.



Tout cela, par affinité cosmique versée dans l’urne de l’imagination et godehelpe, devint cyclope de la réalité, en l’écrit, aussi vif que vol d’orphies et profondeurs des forêts où fut sise la hutte de Baba Yaga, sommeil de belle dormant au bois, Lorelei, épaule de Siegfried et feuille dans le sang, légende arthurienne et haute elfique, épopée de Gilgamesh, chanson de Roland, vaisseaux fantômes des toiles de Hollande, cotations et spéculations en bourse des tulipes, pipe-lines et académies de musique, ska et sambas lambdas, raï et tangos, Viennes et valses des rythmes chaloupés, inusables du rêve.


Ce fut un grand moment ce passage des fournaises, la pluie, dure comme le feu, reformule l’intensité, déchire les veines des limites tandis que le monde défaisait sa trame avec le dernier bal des dynasties chancelantes à Sarajevo, que par Prinzip situerons avec une précision quasi Nostradamusienne en cet an de disgrâce le mille neuf cent quatorzième de notre ère, preuves à l’appui : conjonctions de planètes, grippe espagnole en 18, trépanation de poète apollinarien, maigres récoltes et mauvais blés moissonnés, durs hivers, saisons inversées, précédées de naissance de l’abbé Pierre en 12 par prévision des frimas de mille neuf cent cinquante quatre, muss es sein, es muss sein et dieu pour tous et avec tous, inscrit sur baudriers et ceinturons : Gött mit uns, God with us, puisse t’il reconnaître les siens.


Pourrions nous dire, il faut en rester là, Der de Der, laisser les rapières dévorées par la rouille et nos visages mangées, nos têtes dévorées par les séquences retournées dans le sommeil du dernier instant, lorsque le souffle des obus des aciéries de Monsieur Krupp nous ensevelit sous une vague de terre et que l’on rame, la bouche pleine de la glèbe empoisonnée de soufre, d’ypérite, des gaz délétères, pour remonter à la surface du réel, transpercés de balles et de baïonnettes, parce qu’il vaut mieux mourir au soleil, qu’absorbés par les glaises et les sables dans les puits d’Ardenne et de Champagne qui rendront nos corps disloqués, mais intacts dans la gangue de la jeunesse, ainsi que glaciers vomissent de crevasses oubliées, depuis longtemps refermées, ancêtres figés dans les traits et stupeur de l’adolescence.
Furent déracinés, ratissés par vastes mouvements de faulx et malingres peignes sur le moindre caillou de l’Empire, pour emplir ventre vorace de machine de guerre, pâtres et sourciers, semeurs, laboureurs, chasseurs de guêpes mellifères, faiseurs de magies blanches et noires, pêcheurs, mousses et timoniers, tisserands et lavandiers. Et tout cela verser dans le grand melting-pot de la broyeuse universelle. Toute bonne chair, devenue incolore par grande nécrose de la mémoire, en cet instant, mais démunie du droit de vote et de penser, mobilisée dans la défense de la mère patrie et nos ancêtres les gaulois et toutes fables de même acabit, gravées dans les manuel scolaires, de Tamanrasset à Douala, de Cao Bang à Fort-de-France, ressassées par maigres instituteurs-dragons de la république, escogriffes de sous- préfectures, prêtres hallucinés par devoir immarcescible de conversion, capitaines rubiconds et chamarrés fleurant bon, vins, fromages et doulce France, à la solde de dieu, la gloire, l’argent et accessoirement défense et illustration de la langue française and foot of nose à la perfide Albion, ses bières cancrelates, son whisky frelaté, ses toasts, football, queen, teatotallers, ainsi que ses culs-de-sac, ses « encore » et ses aspidistras.



Retour d’enfer, défilèrent sur les champs élyséens en grands uniformes, médailles rutilantes avec drapeaux, étendards, oriflammes, fanions et bannières, banderoles, couleurs et calicots rehaussés d’orchestres, cliques et fanfares précédant unijambistes, culs-de-jatte, manchots et bancroches, roulements grinçants de fauteuils d’échines brisées, gueules cassées, aveugles, sourds, demi-fous et aliénés, jusqu’à la prochaine guerre mondiale qui n’attendit point, puisque préparée par parchemins, paraphes, signatures, entrechats et bulles de Champagne versées dans les miroirs du temps et ses doublures entreposées derrière le tain de la galerie des glaces, à Versailles. Puis d’autres gestations de sanguinolentes échauffourées assemblées dans les replis des graisses du temps tomberont d’échafaudages disjoints par le doute le mépris et l’arrogance, s’effondrera le bel ordonnancement colonial des conquêtes, son imagerie d’Epinal dans le kaléidoscope tronqué des nouvelles d’Outremer.



En ces temps propices s’envolaient très haut dans l’hygromètre des tensions et de la fièvre les cours tumultueux du cuivre de l’or et de l’acier. Devenaient barons ventripotents et repus de la mitraille les pourvoyeurs de ciments, joints, rouages, roulements, chenilles et ruptures, de tirs nourris et de cadences des mitrailleuses, les grands minotiers de semences humaines et leurs insatiables moulins de sang et de spéculations. Firent également mirifiques fortunes, assembleurs de quatre planches pour les morts retrouvés, entiers ou morcels à recoudre, pour que se puisse voir en face esthéticienne et familièrement présentable, la mort réparée par cisels et bistouris, entes et greffes, momifications factices, gouttes à gouttes d’onguents et de perfusions d’indemnes et de maravillosos.
Sans oublier « waltzing Matilda » derviches tournoyants sur les hauteurs de Suvla bay faisant piètre déconfiture de belle jeunesse australe de Sydney et Canberra, clouée, par rafales noires et gutturales d’instructeurs teutons, sur la grève déchirée de soleil. Ferme les yeux my sweetness, faut bien nourrir son monde, ce fut grande tuade de vaches argentines, carcasses et quartiers congelés, transportés, du nouveau à l’ancien monde qui creusait sa propre tombe, par cales et gel de frigorifiques vaisseaux. Progressaient plus encore férules du taylorisme sur les bas-fonds du dix-neuvième siècle et l’Europe engluée dans les veuleries de sociétés depuis longtemps décadentes. On dirait un navire de la white star line, frêle esquif brûlant par force vapeurs ses feux, par toutes les chandelles, de Southampton à New York à travers grouillements de glaces, ice bergs and « Amazing grace » au large de Terre-neuve.



Non que fussent écrites plus tard par experts et prédicants, fautes, présomptions, causes tardives et mille raisons titanesques plus vraies que réalité, mais advint ce qui devait advenir. Préfigurant dépouilles opimes, butins, dols, dislocations, parcellisations, balkanisations, déchirements sur les puzzles des cartes d’états-majors. Pays tronqués par dichotomies, distorsions de l’espace, clusterisations, ébranchements, barbelés et ramifications, nouages, assèchements et étranglements de populations. Vinrent errer saltimbanques, baladins, tsiganes et bohémiens issus des états de nulle part, puisque le lieu n’existe plus qu’en la mémoire transmise par gestuelle et oralité, dans les fibres vibrantes des guitares et violons, lamentos pour la route et le puits, sourdines pour le feu et la maison, complaintes pour les belles en allées avec l’amour et la rivière et toutes disparitions jusqu’au doute que tout cela puisse avoir un jour existé.



Ni que puissions croire que soient venues s’immiscer les racines saxifrages du hasard, ni acescence ou corruptions spontanées de l’air, mais par dispositions de fibres aranéeuses et vibrations d’épicentres rythmées par lieds, leaders et bruits de bottes sur l’Europe. Furent portés aux nues Joseph, Adolf, Slobodan, tricoteurs de Saints-Empires, de pangermanisme, à grands coups de truelles et de moellons pour colmater les brèches desquelles s’enfuyaient comme l’eau, l’esprit et la rondeur des choses, empalés par les angles aigus obtus de visions méphitiques d’ordres depuis longtemps déchus. Puis répliques de convulsions sismiques d’Afghanistan, Algérie, Angola, Arménie, Cambodge, Chili, Irak, Pakistan, Serbie, Soudan, Tchéchènie, Viêt-Nam … Passent, longue traîne et litanie, chaînes infinies et châles de douleurs.




Voilà que le monde nous envoie des cartes postales de la mort, des courriels de ses paysages disjoints, des S.M.S. de ses membres brisés tandis qu’à peine ressoudés les os s’effritent, les sutures filent mauvais coton, saigne et suinte encore exécrable saison. Dira quand le phénix se fait cygne que tout ne fut pas détruit, même si Abdeslam s’écriait :

« Ce Mustapha Kemal était une charogne ! Il a détruit son pays, ce fils de chien ! »



D’autant que la loi imposait de ne pas voiler sa femme. Ce qui se peut considérer comme progrès quoique relatif, reviendra le temps où la femme exigera elle-même de ne pas être ainsi effacée sous tulles, gazes, foulards ni même prothèses d’écharpes ou de bandanas. Fluctuances des jours et des jeunes filles en mini jupes, voluptueuses fragrances de parfums, volutes des fumées pour la frime, la liberté et la modernité à Om, la ville sainte, devisant de philosophie et des lumières, aujourd’hui muettes, enserrées dans les treillis des carcans des bourkas, gésines et tâches ménagères. Rien n’est jamais acquit à l’homme, à la femme moins encore.



Penchée au chevet des choses quand viennent maladies, malandrins et chauffeurs pour tirer de l’escarcelle la belle sonnaille de l’or ou de la vie. N’étaient que pures et redoutables vérités que dévidait le temps au fil du rouet, glaise du potier, pas lents des transhumances et des irrigations ou se capture l’eau furtive dans les sennes des sables d’Egypte : « Le fleuve du Nil est plus long et fertil que autre fleuve du monde, car il vient des haultz mons et catadupes d’Ethiopie, et attire tant de terre et de lymon avecques soy que icelluy laissé près de la mer pour la reverberation d’icelle, faict le pays d’Egypte qui ne seroit que sable comme Lybie ou Arrabie. L’eaue de cestuy feconde toutes choses, comme arbres qui portent II fois l’an et prépare selon Bocace les sterilles à fecondite. »



Crues ainsi que débordements parfois improductifs, colères, démesures, tempêtes défont le chemin qui se fait par déviations, retours et rotations, épines, refus, ténacité. Se clouaient ainsi par édits, avis et mandements, assignations, requêtes de redditions, sentences, contumaces, affiches, colportages, annonces, communiqués, puis, notifications, menaces, injonctions, dernières sommations, ultimes ultimatums (sic). Comme si se pouvaient remettre en place les vertèbres saillantes, la colonne vertébrale tordue par l’effarante scoliose de tout ce qui fut subit et que ne posaient pas de questions le dos voûté, les doigts desquamés par l’acide, le souffle court, les paupières brûlées, les yeux dévorés par les teignes, le cuir tendu des peaux tavelées d’usure de vieillards de trente ans à peine. Affections vénielles ici depuis longtemps expugnées par baumes et onguents, vertus balsamiques des sanatoriums du temps.
« Le temps des hommes est de l’éternité pliée… »

Jean Cocteau



Tant et tellement replié, origami de milliers d’années et de poussières, dépliant rostres et spores des cartulaires, daguerréotypes et liasses des vieilles photos jaunies, échouées dans les greniers et les entrailles des boites de chaussures. Il est des lieux pourtant dans lesquels l’espace du temps est confiné et suinte goutte à goutte, tout devenant usure, stillation et lenteur des sèmes et du balsa, glyphes abandonnées dans les ronciers, les épines, les scarifications de la pierre, l’absence sonore des jarres encore humides de la mémoire de l’eau, des feux crépitants de feuilles sèches d’eucalyptus et de brindilles.



Regardant fourmiller les braseiros des collines sèches, s’effondrer calderas des fûts de chênes-liège et torches d’oliviers. Fuyaient, casse-têtes, machettes et couteaux de châtiments et représailles, les peuplades depuis toujours affamées du Darfour, tant que le pain se puisse nommer lumière, l’eau lumière et dieu lumière la pluie féconde et farine la lumière et l’homme n’avoir plus de nom, grumeau d’étoile à peine, kyste et kyrielle, boutoir, proue, Isle démâtée, ses gerbes écumantes , socs et saillies, sueurs et éreintements. Si seulement un sens se pouvait trouver comme ce champ déchiqueté par les locustes qui limite le monde emboîté en son quadrilatère hâtif de haches de silex pour perforer les outres des frontières.



Nous voilà redevenus passeurs de pluies, d’arroyos, de caps, de lisières et de gués semblables à l’immobile qui soudainement enflent. Déferlent des hauteurs les cataractes épaisses des glues de nuages éloignés renversant les quilles instables du réel. Jamais ne sommes si loin du désastre qu’il ne se puisse effleurer d’un signe à l’attentif. Ici furent des mots pour désigner l’astre et le fruit, les tresses de la distance, peser l’or, le grain des carats et l’eau du diamant, la main pour mesurer ce qui sépare de la mort, la flèche; le pied pour peindre le territoire de l’espace où respirer demeure possible sans empiéter sur le souffle et le bornage des tribus, cet arbre et son esprit, cette roche suintante d’exorcismes et de rituels, la rivière nimbée de cris tombés des jacarandas, la souche imprescriptible des limites et toutes écorces de l’obscur à peine prononcées, par ébauche de geste et regard faisant dévier la balance vers les courbes des malédictions.




S’effondre dans la césure le pont noueur de rives, passeur de sens et de vocables disant même route, mêmes verstes, lieues et empans, liesses, effrois, du clocher au minaret, jusqu’à ne plus rien entendre qui ne vaille, que terres et vaisseaux brûlés jusqu’à ce que tout ne soit plus que hurlement du silence. La grande roue aveugle et sourde du monde moud ses grappes de saturnales et toujours un homme, graisse, huile, frictionne puis meut le moyeu, les norias pour étancher la soif de sa propre destruction tournant sans nulle fin ni commencement. Hommes fourbus et bêtes résignées enchaînés au cercle immuable de la meule, au grain broyé des jours dilués dans la circonférence de la distance.



Ce monde qui chaque jour se défenestre de sa lumière et recueille, les yeux fermés, l’orpaillage du sommeil, bribes et fétus, mémoire de chiffons d’organdi et de strass, s’enroulant dans les étoles et les suaires, les lambeaux d’alpaca et de moires oubliées sur les cintres, dans les vestiaires d’antiques fêtes et l’eau croupie du canal, sur lequel se réverbèrent les échos de musiques trépassées. La neige matinale recouvre les prairies, les animaux sont rentrés et c’est encore l’hiver :

« Alarme alarme Yvers est descendus
sur le païs, a froide compaignie. »

à moins qu’il n’ait toujours été là, avant même le premier mot qui le puisse nommer. Mais le poème n’épuise pas le champ du possible, il ne fait que l’effleurer. N’ai rien retiré d’oracles des viscères du feu, mais bonnes braises à châtaignes et eau-de-vie et jeté dans la terre les fleurs vénéneuses qui brûlent leurs feux-follets sur la lande, avant que ne se brisent les harpes de pierre sous le gel. Puis à découvert l’aube de l’éclair, souffle des fulgurances, cette phrase insensée, en apnée, en exil, dépeuplée de verbe, primitive et vivante, terrestre ainsi que l’océan lèche de sa langue abrupte les croûtes amères des salants et se retrouve intacte dans la houle matricielle des dunes.


Mais, rien de tout cela n’apporte l’esquisse d’une réponse, ni confluences ou divergences de la nature ne peuvent à l’homme se comparer, ni trouver aulne semblance ou mesure. Le monde n’est ni ancien ni moderne, c’est « la planche de vivre » qui permet de surnager. Mais qui appeler au seuil des noyades pour équarrir les flots, raboter le naufrage, incrémenter le souffle, qu’il tienne jusqu’à la surface...


« …le poète est un plongeur qui va chercher dans les plus intimes profondeurs de sa conscience les matériaux sublimes qui viendront se cristalliser quand sa main les portera au jour… »

Pierre Reverdy










Bibliographie :


John Berger : Et nos visages, mon cœur, fugaces comme des photos
J.M.G. Le Clézio, présentation de « Les prophéties du Chilam Balam »
Henri Michaux : La vie dans les plis
Théodore Monod : L’hippopotame et le philosophe
Christoph Ransmayr : Les effrois de la glace et des ténèbres
Pierre Reverdy : Le gant de crin
Jean Thenaud : La relation de l’ambassade de Domenico Trevisan
Jean Thenaud : Le voyage d’outremer
R.R Tolkien : Le seigneur des anneaux
Vinokurov Evgenij : choix de poèmes
Kenneth White : En toute candeur







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