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■ L'hiver
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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2012-11-13 | |
Gens du monde, particulièrement vous qui vivez dans les grandes villes américaines et canadiennes, et qui travaillez à la vitesse grand V à temps plein, vous qui, le soir, écumez les rues pour vous distraire, courant d’électrons fous s’écoulant sur les rues conductibles, qui allez expirer le peu d’énergie qu’il vous reste au cinéma, au bar, dans des soirées mondaines, à vous extasier de la haine qui dort en vous pour tous vos semblables qui, durant la journée, ont offensé votre amour-propre, vous qui, sans un regard pour ce qui vous entoure, passez, dans le délire universel, richement vêtus, vous, pour qui le don d’un sourire à moins de valeur que l’impression du visage de la reine sur un papier rectangulaire, ce papier rectangulaire qui vous pend devant le nez comme la carotte pend devant le museau du chien, inaccessible et pourtant si proche, vous dont les mains ne serrent d’autres mains que pour gagner la confiance hypocrite, vous qui distinguez si admirablement vie professionnelle et vie personnelle, vous, cocon infernal de probité sociale bien dans le confort inébranlable des aveuglements envers la réalité de l’esprit humain, fangeuse multitude de temps à perdre, immonde masse d’hypocrisie souffrante, mollusques à la coquille de déni, sensibilités renfrognées par les attaques de la honte, crapules menteuses, honnêtes travailleurs de l’industrie du mensonge capitaliste, démocratiques puces s’engueulant à qui mieux mieux pour l’endroit le plus fertile de la fourrure de la chienne de vie, vous, milliers d’enterrements progressifs, hommes et femmes clouant joyeusement leurs cercueils à coup de «progrès dans le monde», myriades de fleurs fanées dans des vases, myriades de fleurs coupées de la terre, essaim d’abeilles dont le miel n’est que vent, vantardise, vous, que j’ai tant voulu, des fibres les plus profondes de mon corps, des milliards de gouttes de sang qui se sont écoulées dans mes veines vaines, vous, à qui j’accordais les mêmes aspirations d’amour, d’amitié, en qui j’ai cru voir une grandeur belle comme le Soleil dont les rayons brûlants deviennent fruits, herbes et champs de verdure, animaux, Vie, vous que j’ai tant voulu aimer de ton mon corps de tout mon cœur et de toutes mes pensées, vous, mes amis imaginés, pour qui j’avais balayé la maison de ma tête, pour qui j’avais cultivé tant d’espoirs dans mon jardin, tout prêt que j’étais à vous recevoir, vous, avec qui je voulais danser, car s’agit-il d’autre chose après tout, vous que j’aimais tant dans mes rêves, vous avez profané ce sanctuaire qui vous était réservé, vous y êtes entrés avec vos bottes sales, vous avez saccagé le jardin pour vous repaître de ses fruits goulûment, vous avez mâchonné jusqu’à la plus infime parcelle d’espoir qui s’y démenait, frêle pousse de jeunesse verte, vous avez cassé les fenêtres, le vent circule et transporte la poussière de ma conscience, le vent dont nul ne sait d’où il vient, ni où il va, quand arrêterons nous ce jeu dément, débile, quand cette absurde mascarade prendra-t-elle fin, vers quelle obscurité de gratte-ciels, de ciels pollués, m’emmenez-vous, maudits soyez-vous, prenez ce cœur que je vous tends, piétinez le, je n’en ai plus rien à faire, c’est un organe maudit, je vous le dit, un poids inutile, je le déleste de ma poitrine, je vous le donne, mangez sa chair, vous qui êtes si affamés, vos dents grincent de cette faim qui vous tord les boyaux, masses de chair sinistres, employés à la solde de Satan, ministres du mal insidieux qui plane comme les vautours autour de tout ce qui palpite encore, prenez-le, je n’en veux plus, et donnez-moi d’être insouciant comme vous, donnez-moi de goûter votre froideur mécanique, que je sois comme vous, vous habitants des Grandes Villes Sublimes Îlots des Prodiges de Dieu, macabres pourrissoirs, «dévide machinalement les fumées» mais
«Plutôt la vie que ces prismes sans épaisseur même Si les couleurs sont plus pures Plutôt que cette heure toujours couverte que ces terribles voitures de flammes froides Que ces pierres blettes Plutôt ce cœur à cran d'arrêt Que cette mare aux murmures Et que cette étoffe blanche qui chante à la fois dans l'air et dans la terre Que cette bénédiction nuptiale qui joint mon front à celui de la vanité totale Plutôt la vie Plutôt la vie avec ses draps conjuratoires Ses cicatrices d'évasions Plutôt la vie plutôt cette rosace sur ma tombe La vie de la présence rien que de la présence Où une voix dit Es-tu là où une autre répond Es-tu là Je n'y suis guère hélas Et pourtant quand nous ferions le jeu de ce que nous faisons mourir Plutôt la vie Plutôt la vie plutôt la vie Enfance vénérable Le ruban qui part d'un fakir Ressemble à la glissière du monde Le soleil a beau n'être qu'une épave Pour peu que le corps de la femme lui ressemble Tu songes en contemplant la trajectoire tout du long Ou seulement en fermant les yeux sur l'orage adorable qui a nom ta main Plutôt la vie Plutôt la vie avec ses salons d'attente Lorsqu'on sait qu'on ne sera jamais introduit Plutôt la vie que ces établissements thermaux Où le service est fait par des colliers Plutôt la vie défavorable et longue Quand les livres se refermeraient ici sur des rayons moins doux Et quand là -bas il ferait mieux que meilleur il ferait libre oui Plutôt la vie Plutôt la vie comme fond de dédain A cette tête suffisamment belle Comme l'antidote de cette perfection quelle appelle et qu'elle craint La vie le fard de Dieu La vie comme un passeport vierge Une petite ville comme Pont-à -Mousson Et comme tout s'est déjà dit Plutôt la vie» (A. Breton) |
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