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La quatrième dimension, le langage
essai [ ]
Entre texture et structure

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
par [Reumond ]

2013-01-26  |     | 



Illustration : Réseaux de neurones (R.Reumond 2012)




Entre texture et structure, la géométrie d’un corps qui tombe sous le sens, ne tombe pas sans raison, ni en raison d'une simple attraction universelle, mais du sens même de sa dimension "n". Il tombe mot à mot, parce que la géométrie à "n" dimensions est de l’ordre du verbe et que le verbe « tomber » s’impose à la matière comme une vraie géométrie dont les objets et sujets du verbe possèdent leur propre réalité. Cette réalité n’est pas épuisée par des formules mathématiques ou par des équations, car elle est plus qu’une simple réalité, c’est la réalité même d’un langage, celle d'une véritable texture linguistique qui traverse toute matière dans un espace multidimensionnel.

La quatrième dimension, comme langage, c’est une vision qui est aussi comme une perspective qui traverserait la matière entre les objets et les sujets pour leur donner vie, c'est-à-dire les réaliser.

(...)

Entre nature et culture, tout est une question de relation et de codage !

(...)


à partir de ma pratique picturale

Si le support de la toile crue ou préparée est déjà une trame (de lin) en soi, « Entre texture et structure », je travaille actuellement sur une dizaine de panneaux en bois de 60 à 100 cm environ, comme le faisaient jadis et entre autres, des Van Eyck ou des Rembrandt, ces grands maîtres de la période flamande et hollandaise. À la place de la toile de lin, mes planches de fibres à densité moyenne ou Medium Density Fiberboard (MDF) de 6 millimètres d’épaisseur, sont recouvertes d’une ou de plusieurs trames de fibre de verre classique en rouleau, à trames, mailles et épaisseurs variées, puis collées à la colle ou à résine transparente, c’est sur ce support préparé comme un corps s’apprête pour un événement, que je vais travailler en surface et en profondeur. Jouant avec les différentes épaisseurs en des superpositions textuelles, je vais ainsi y peindre à l’acrylique, laissant transparaitre à certains endroits la trame presque nue, comme la trame de notre histoire personnelle peut parfois transparaitre à certains moments de notre vie.

(...)

à partir de ma réflexion conceptuelle

Entre textualisme et texturalisme,

La parole dit ce qu'elle fait ! J’ouvre le livre des jours et je tourne la page. Dedans comme dehors, la nature s’immisce au plus profond du corps jusqu’à la fine pointe l’âme elle s’y mise. Là où les anciens croyaient voir Dieu le tout puissant et le surnaturel avec, la nature s’épand, il n’y a rien au-delà d’elle qu’un langage qui la traverse de part en part, comme l’œil du voyant perce les apparences.

Le verbe qui porte la vie jusqu’au bout d’elle-même, c’est le même verbe que celui qui vous porte jusqu’au bout de vous-mêmes, vous fait peindre, écrire ou danser. Cette force de création qui est à la base de tous les langages et graphies, c’est l’esprit même des choses ; cet Esprit que certains nomment Saint, Prâna, Chi ou K’i, Ruah ou Souffle, Er-Ruh ou Hamsa… traverse le vivant en profondeur comme l’écriture porte ma pensée et traverse ma page blanche ; ou comme mon pinceau traverse le papier de riz, laissant là sa trace d’encre noire. Il traverse la matière, dans un véritable "dialogue" entre la nature et la culture.

C’est l’esprit qui opère le monde, l’esprit qui dans l’espace s’entrecroise de temps et de matière, tant de temps et de matière, comme les sacrements superposent dans les vapeurs d’encens, et le chant des chœurs, les paroles et l’huile consacrée, ou les paroles et l’eau ; ou plus simplement, un regard amical et quelques mots d’amour.

Du Logos qui délivre son message en une grande’messe sur le Cosmos, de la conscience qui s’épand avec l’espace, du flux énergétique qui nous porte plus loin, de notre mémoire cellulaire personnelle et de cette information qui traverse tout l’Univers, je retiens ce langage mot à mot ; serais-je comme l’alchimiste faisant l’expérience de cette alchimie intérieure en suivant du doigt d’impossible trait ? Ou comme ce kabbaliste fou en quête d’un algorithme céleste, pauvre pèlerin s’initiant au sens des chiffres et à la puissance même des lettres pour mieux comprendre l’inconnaissable ?

Comme un enfant intrépide, sur nos paillasses de graisses, de muscles et d’os, la vie saute et rebondie ; elle fait voler les plumes de nos traversins traversés par l’esprit du jeu ; elle traverse elle-même de part en part la nature et s’y fait cause en la matière même des choses pour leur donner forme et vie à la lueur des étoiles.

Sur cette trame sémantique, comme sur la page d’un journal, je dépose mes propres mots et ma couleur chair, mes encres et acryliques, mes larmes et mon propre sang d’encre…, en cette trame sémantique qui épouse les formes, mot-dele le présent en mot-dulant les corps et les âmes, le langage s’épand dans sa quatrième dimension, afin de mot-déliser l’avenir, mot-difier les causes, la configuration des choses, les formes et les couleurs pour ce qui mot-ive vive au-delà de nous même.

(...)

Mes peintures et mes mots écrits au sang du sens ne sont rien à côté de ces mots écrits dans la profondeur de la matière. Ce langage est un lieu privilégié pour établir un milieu divin dans lequel tout peut librement s’orienter à l’indéfini et se dilater à l’infini. Dans ce langage décodé, il y a tout le mystère de notre vie, derrière notre propre « nomination » il y a notre chemin d’individuation,

Dans la nature, comme des calligraphies, les traits de caractère sont écrits librement sur le grand tableau noir des espaces, ainsi s’incarne et s’écrit la vie en toute complexité.

Conscience de conscience, sur la trame même du temps et dans la partition de l’espace que nous pouvons jouer ou ne pas jouer, là où nous sommes, il y a toujours quelque cause d’écrit et quelque chose à écrire ; il nous est donc possible de nous inscrire dans la matière, c’est là le grand secret de notre propre incarnation, en participant à part entière à l’énigme de ce Cosmos traversé par le verbe être.

J'aime écrire et peindre cette géométrie, me perdre dans cette symétrie des mots et des corps humains (en ce jeu de miroir, en cette réflexion d’un corps qui tombe sous le sens). Parce que dans le « sensuel » comme dans le « consensuel », le nu dit l’art comme l’art dit le nu.

La dimension "n", ou quatrième dimension, si elle ne tombe pas sous le sens commun, elle tombe mot à mot, comme un langage qui traverse toute chose et toute cause, parce que la géométrie à "n" dimensions est de l’ordre du verbe et que les verbes eux-mêmes s’imposent à la matière comme une vraie géométrie ; ainsi, en Français, plus de douze mille verbes conjuguent la vie et la matière pour qu’elles-mêmes se déclinent à tous les temps et en tous lieux. textuellement, à l'infini et je dirais même pour l'éternité !

(...)

Que je dise « trimer » ; que je peigne ou que je peine, que je sculpte ou que je chante ma réalité, quel que soit ma forme de « graphie », mon choix d’inscription dans l’espace temporel, c’est toujours être objet et sujet de ce verbe, et objet et sujet de moi-même ; là s’enracine ma démarche littéraire et artistique ! Parce que les objets et les sujets du verbe possèdent leur propre virtualité et leur réalité. Cette réalité ne peut être épuisée par des formes de l’art ou par des formules (philosophiques ou par des équations mathématiques), car elle est plus qu’une simple réalité, c’est la réalité même d’un langage omniprésent en toute chose ; c’est la réalité même d'une véritable « texture linguistique » qui traverse toute matière dans un espace multidimensionnel.

Et c’est cela que j’ai envie d’exprimer dans un double langage : poétique et pictural, mêlant l’écriture et les arts plastiques. Parce que j’ai, en qualité d’homme et de plasticien, cette conviction profonde que « la quatrième dimension », c’est justement ce « langage » qui nous fait être, nous permet de partager, d’analyser, c’est cette parole qui, à l’image d’une gigantesque perspective, converge et traverse tout l’espace et toute la matière pour donner vie au Cosmos, c'est-à-dire pour le réaliser textuellement.

(…)

Avant de traverser la grande histoire de l'humanité, le langage traverse notre petite histoire personnelle, pareillement au temps qui s'écoule en nous de haut en bas avec un bruit d’horloge aux balanciers des reins.

C’est cette onde, lourde de pensées lumineuses, de mouvements amples, de sons infimes, qui porte comme un cosmos encore gravide, et supporte la réalité au-delà de l’apparence des maux, et l’humanité au-delà d’une animalité omniprésente.

Le langage, c’est donc cet écho d’une traversée ; c’est la résonance en vers et contre tout, en tout et contre tous, d’une conscience plus profonde que l’abîme.

De l’enfant qui dit son premier mot au vieillard qui expire son tout dernier verset, c'est le verbe qui ne cesse de faire chair et chemins de traverse, c’est la petite rivière de nos encres, et entre nos lèvres humides, et au-dessous de nos mains moites, c'est la trace indéfectible et indélébile d’un passage dans la matière.

(...)

Telles les fameuses « madeleines » intergalactiques, toutes relatives et toutes sucrées de réminiscence, on ne peut voyager dans le temps perdu, et y traverser le passé comme une rivière qui s’écoule sans fin vers le bas, que dans l’espace – tempes. Là où « ça » palpite dans nos têtes quand on y pense !

C’est dans le tissu poivre et sel des mémoires cellulaires grisonnantes ; à travers de nostalgiques chemins d’écriture qui sentent bon la mémoire ; là où l’on touche l’opuscule des fonds en même temps que l’opulence des formes oubliées, que les choses se tissent, tissues de mensonges, de fictions et de virtualité.

Comme les neurones élargissent le champ de la conscience, de réminiscence en reviviscence, je me souviens du temps où j’étais enfant, tissant déjà des liens avec le monde, sur le métier à tisser la vie, à draper la mort, à mailler et à tricoter des relations de plus en plus complexes ; de basse en haute mer et de haute en basse-lisse, textuellement, entre les marges étroites, comme à travers la pellicule de ces vieilles photos tramées ; l’existence se trame aussi de drame en comédie, c’est là, la bonne nouvelle !

Le passage du bestiaire au textuaire n’a semble-t-il pas humaniser le monde, l’homme littéraire n’est pas en corps un homme littéral ! Je n’ai moi-même pas l’étoffe d’un écrivain, mais, percé de canettes comme Sébastien de flèches, j’ai le tissu de l’animal qui me colle à la peau. Dans la trame de l’ombre, dans la trace, l’empreinte de la bête que le tracé de la graphie ne rend pas plus sage, sous ma peau et entre les encres, c’est l’œuvre des ondes qui est à l’ouvrage même de l’invisible ; il me faut espérer encore !

L’orage d’un rappel, l’oracle d’une ondulation qui traverse la chair de poule, le souvenir d’un corps étreint, d’un grand plaisir, d’une voix entendue ou d’un regard partagé…, ce sont les ondes rien que des ondes des chocs affectifs qui vibrent au-dedans, avec un timbre sourd bruissant d’échos comme l’oubli ; ce sont bien des ondes de choc se mêlant aux ondes magnétiques et aux flots électroacoustiques des bruits d’hier qui se mélangent sans vergogne aux cris d’aujourd’hui (…)

(La quatrième dimension, le langage - fragments)

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