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Poezii Românesti - Romanian Poetry

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L'homme cette trinité
essai [ ]
Nouveau traité de théologie

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par [Reumond ]

2012-09-21  |     | 



Dédicace

À l’homme qui n’est pas encore.


A LA PAILLE ET AU VENT

(... ) Par les Dieux de l’Olympe et par nos tristes héros de TV réalité ; par toutes les divinités du ciel et des mythologies célestes ; par nos braves concitoyens et courageux frères et sœurs se battant pour la survie au quotidien ; par ces intrépides travailleurs et aventuriers de la vie, par ceux qui cherchent et préparent l’avenir dans leur chambre à coucher et leur cuisine sous-équipée ; en tous ces ailleurs célestes, et en ces quelques arpents de réflexion bien terrestres, je dédicace et signe ces lignes, à la paille et au vent.



Introduction

Cet essai est un défi, et avant tout un défi à moi-même. Paradoxe entre autres sur la corde raide du doute, c’est aussi un véritable « acte de foi », car je crois en cet homme dont nous sommes les mères et pères porteurs. Je parle "de celui qui vient", qui vient des profondeurs de l’être, des poussières de la terre ou de celles des plus lointaines étoiles, pour devenir l’homme qu’il n’est pas en corps. Je dis bien en corps, car tout revient à une question d’incarnation, dans une quête infinie pour des questions éternelles afin d’accomplis notre destinée personnelle.

Mais ne nous méprisons pas (dans les deux sens du terme "méprise") car les racines du Sapiens que nous sommes arrivés à devenir, sont aussi celle de l’homme qui n’est pas encore. Ici, je m’engage comme on se jette à l’au-delà ; l’homme a réellement épousé la glèbe de la nature jusque dans ses plus profondes fondations, pour en extraire le meilleur et le pire.

Puisse-t-il trouver avec la grâce quotidienne, ce Sapiens en route, son propre chemin d’évolution, et devenir « personnellement » et « collectivement » plus humain, dans ce grand psychodrame de l’existence.

Je voudrais confier ces pages à mes lecteurs comme « un testament » partagé, pour les aider à puiser en eux-mêmes, au plus profond de leur intimité, là où l’ultime rejoint l’intime, dans ce qu’il y a d’immensité en chacun de nous.

Il ne faut surtout pas prendre cette réflexion comme la besogne d’un théologien ou d’un exégète, mais seulement le questionnement d’un poète errant, sur les traces de ses empreintes, de ses incertitudes, de ses contradictions… un Sapiens parmi d’autres Sapiens « Qui plonge dans le sol et cherche jusqu’au fond » pour y boire la vie, tel l’arbre de la grâce de Péguy.

(...)

S’il me fallait choisir entre le Dieu Majusculé, Omni Puissant et Omni tout, Celui qui au comble de son Divin perfectionnisme aurait fait l’homme parfait dès le premier pas, Dieu Très Haut et très Vengeur de l’Ancien Testament, et le Dieu à la fraise ou à l’eau de rose du Nouveau, je serais bien incapable d’opter pour l’un plutôt que pour l’autre.

Pour la simple raison que le Sapiens que je suis, comme Jacob a besoin de lutter pour survivre, besoin de questionner comme Job pour dépasser les certitudes et dépasser sans cesse ses croyances et ses propres pauvretés.

Le Sapiens que je suis, pauvre de moi-je, à besoin d’assumer ses pulsions, de porter à bras le corps l’épreuve, et à portée du cœur ses propres rêves, sa folie et son génie d’exister… Il a besoin de sublimer l’animal qui est encore en lui, pour tendre tous les jours davantage vers l’humain ; et acquérir quelque véritable liberté au fil des évènements. Il a besoin de comprendre, d’accepter en assumant ses propres erreurs, entre autres en se pardonnant, car on ne peut se donner aux autres que d’en cette part donnante et sonnante.

Ne nous leurrons pas, nous ne sommes rien encore ! Ou pire, nous ne sommes que la somme de nos conditionnements biologiques, sociaux et culturels ; en fait, nous sommes tous des Sapiens hypothéqués jusqu’à leurs derniers poils !

Et pour revenir au dilemme précédent, s’il y avait un vrai créateur, ou un grand principe créateur, il n’est n’y l’un, ni l’autre, peut-être est-il davantage l’un dans l’autre, pour engendrer la diversité de l’amour dans toute la complexité des maux et des grâces qui en découlent.

Partout, la Nature fait rage, avec une seule ligne directrice, la vie avec sa biodiversité ; et de mémoire de boson, la vie sur la planète Terre, ne représente qu’une partie infinitésimale, microscopique, de la biodiversité dans les multiples Univers.

Oui, croyez-moi, je crois en la transversalité, en ces zones médianes, en ces terres du milieu ou les extrêmes se fécondent les uns avec les autres pour engendrer la nature qui engendre elle-même la vie. Et au cœur de tout ça, si Dieu opère, c’est de l’intérieur de la matière, comme une pure et inconnaissable intériorité. Tel un Dieu créateur au cœur même de la nature dans une nature créatrice au cœur même de Dieu.

(…)

Sur notre petite planète bleue, Le Christ, ce Jésus historique, n’avait probablement aucune ressemblance avec ce que nos réalités, nos clichés affectifs, nos traditions et notre imaginaire peuvent en dire aujourd’hui, mais comme le souligne le poète Paul Éluard (in L’amour la poésie)

« Il fallait bien qu’un visage réponde à tous les noms du monde. »

Et pour moi-même, ce visage n’est pas un mirage, il est un modèle de miracle, car le Sapiens a besoin de références. S’il me fallait à l’instant avoir une seule certitude, je vous dirais, paradoxalement, qu’il n’y en a aucune, car quel que soit son Nom sacré, Dieu est par excellence le paradoxe des paradoxes et l’étrange vérité de toutes nos petites vérités. C’est en quoi il est « un dieu fragmenté » à l’image et à la ressemblance de nos pauvres croyances divisées, contradictoires, de simples Sapiens eux-mêmes fragmentés.

Mais il nous faut bien le savoir, afin de dépasser cette ridicule réalité de nos vérités parcellaires, il nous faudrait rassembler les chainons manquants et manqués et savoir recoller les morceaux du puzzle.

Car si l’homme qui vient tient à la seule vérité, dans une tension éternelle qui est celle de son devenir, pour le moment « l’illusion » semble seule tenir le Sapiens debout.

Sur l’Ancien et le Nouveau, et quels que soient les livres saints, le Sapiens à besoin d’écrire son propre testament, de poser des actes prophétiques, de célébrer sa vie sur l’autel de la nature, sans rien oublier de la tradition tout en la dépassant, sans rien effacer des écritures tout en les vivant, et pour moi, le Christ reste un modèle d’homme probable, probablement le premier à tracer la perspective de celui du vient.

(…)


L'angle mort

L’ANGLE MORT

J’ai reçu un éclat d’imaginaire dans l’œil droit, déchetterie d’un big bang.

Mille comètes perlent, c’est une pluie de météorites qui rythme mon pas de plume, je m’écrie comme d'autres s’ébattent, j’écris cette réalité qui a l’aspect d’une voûte étoilée, une belle illusion des cieux, des anges et de tous nos beaux rêves d’enfants.

Folie ou génie, j’ai dans la bouche une bouchée de Dieu, au goût savoureux comme le cadavre exquis d’une divinité surréaliste. Entre le Dieu vengeur et le Dieu à la fraise, le mien est une figure transversale, indescriptible, inconnaissable et sans attribut. Ma peau elle-même est parcelle de Lui, pore de ses pores, et les miens respirent ce grand bienfaiteur des espaces musclés ou adipeux.

Pourtant, le doute m’étreint, quand l’incertitude vient comme dans une grande claque, je tends l’autre joue au grand retour des cauchemars récurrents, pour me récurer de l’intérieur, par l’incessant va-et-vient d’un goupillon de doute, un goupillon à nettoyer les bouchons d’oreilles et les écailles les yeux, dans un perpétuels mouvements qui va et vient comme un membre tendu de fil, de l’infini jusqu’à l’éternité en faisant des spirales lactées et colorées.

Je n’ai même plus un quignon de dieu à me mettre sous l’Adam, la faim se fait sans terme, et la nuit des sens bien ténébreuse ; mes mots eux-mêmes ne sont plus que des rognures pour boucher le grand silence. Alors, je fais de l’humour pour jouer de la métaphore à piston.

Je cause pour ne plus parler afin de devenir « langage ». J’ai reçu ce lot humain comme un don céleste, mais il faut encore monter les pièces fragmentées du grand puzzle, rassemblant les morceaux un par un , des fractions ou fragments holographiques d’un pauvre moi en perdition, et des morceaux de vous, bout à bout pour en faire de l’homme ; je rassemble les sections comme dans un miroir brisé, un fragment d’azur avec ses parts d’ombre ; je contemple le ciel bleu, un lopin angélique au fond de mon œil brun, et avec des miettes de paraboles je tente de construire une réalité qui tienne la route. Les cailloux y sont comme des grains, des débris épars des dieux d’hier, éclat des dieux présents, avec mes propres images, mes métaphores et des analogies diverses comme des échantillons du verbe Être ; je tapisse les méninges de l’inconnu, mais je n’ai entre les doigts que des quartiers d’imaginaire, des portions bien incomplètes de vieux symboles brisés en des temps immémoriaux, des inconnues d’incongrues, des tronçons de chemins sans bout et sans repère, des détails qui sont comme des coupures dans un ruban sans fin, une vis folle, un vrai tourment.

On a beau dire, on a beau poser Dieu et causer Dieu comme une analogie de la Lumière, Le Sapiens qui cause fait toujours trop d’ombre à l’objet de ses réflexions ! Penser obscurci toujours le Réel, car « nos propres réalités » mises bout à bout font obstacle. À cause de notre perception et de notre causé, la réalité de la réalité reste toujours dans l’angle mort.

(…)

Un morceau de croix pour tirer le trait, un lambeau de suaire sur lequel écrire un scénario de vie, en tronçons charnels comme une tranche de vie animale, une rondelle d’éternité coupée en heures moites, sans fin, sans début, sans cause et sans issue ; c’est là le non-commencement de la complexité. On a beau inventer des rétroviseurs paraboliques, des caméra à se copier les entrailles, des aiguilles d’oscilloscopes à tracer les états d’âme, d’esprit et de conscience,
Dieu est toujours « hors cadre », hors norme, hors canon, hors dogme (...)

Alors, arrêtons de le cadrer, ou pire, arrêtons de l’encadrer et de le définir (dé-finir) !

Tous nos « capteurs » sont bien fatigués, bien misérables et plus que nécessiteux face au divin, plus « senseurs » que capteurs et plus penseur que sage.

Le Sapiens fait partie des comiques, mais aussi des coniques, comme les paraboles dont il use abondamment pour user le sens jusqu’à la crête des sens. Et comme c’est encore le propre du Sapiens que d’être en même temps le principe directeur, le foyer et l’excentricité même, on peut se poser la question, de qui est-il lui-même la parabole ? Et de qui a-t-il les courbes du corps, les brisures de l’âme et les droites de l’esprit, vous savez, celles que l’on peut obtenir avec un peu d’attention et d’intention, par l’intersection de l’imaginaire, du symbolique et du réel ?

(…)

La part à dire

PARADIS, PARADIGME ET PAR A DIRE...

Un changement de « paradigme » provoque nécessairement un changement de « Paradis », c’est ici même le causé, et la cause même de ce para-dire.

« La contemplation du Paradis m'a ravi par sa paix et sa beauté. Là demeure la beauté sans tache, là réside la paix sans tumulte. Heureux qui méritera de le recevoir, sinon par justice, du moins par bonté ; sinon à cause des œuvres, du moins par pitié ... Ô toi, Seigneur du Paradis, prends-moi donc en pitié ! S'il n'est pas possible d'entrer dans ton Paradis, rends-moi digne du moins des pâturages à son entrée. Au centre du Paradis est la table des saints, mais à l'extérieur les fruits de son enclos tombent comme des miettes pour les pécheurs qui, même là, vivront par ta bonté. » Saint Éphrem

(…)

Quel extraordinaire imaginaire que celui du Sapiens ! Quel singulier imaginé ! Ne sachant dire le réel d’une réalité toujours mouvante, l’image et la ressemblance restent donc les deux seules mamelles de l’imaginaire et du symbolique.

Nous ne sommes plus entre les années 1545- 1563 en plein concile de Trente, et encore moins au IV siècle qui à vu naître et mourir Saint Éphrem, mais à l’ère des hautes technologies, des multivers, à l’ère de la conquête de l’espace, à l’heure de l’éthologie humaine, de la neurolinguistique, de la physique quantique et des biotechnologies, à l’heure même sonnante de la pluridisciplinarité, des ouvertures religieuses, sociales et culturelles.

Alors, il ne sera guère question dans cet article du Paradis des croyants de toutes les grandes philosophies ou religions ; mais j’y parlerais plutôt de « l’imaginaire religieux », des perceptions que nous pouvons en avoir, de la « Part-à-dit », c'est-à-dire de la part à dire (par le dit) de ces divers Paradis, du causé (dire) que le poète ou le contemplatif (théorie) peuvent avoir, à l’aide de notre entendement et discernement « animal » de cette réalité symbolique, mythique ou archétypale après cinq siècles de recul et de réflexion. Fatalement, un changement de « paradigme » provoque nécessairement un changement de Paradis, et c’est ici même le causé et la cause même de ce para-dire.

(…)

De civilisation en civilisation, le monde change de peau ; toute grande révolution est porteuse de mutations importantes (biologiques, psychologiques, sociales…), de conversions personnelles et de modifications structurelles, intellectuelles et morales. Les grandes institutions doivent s’adapter elles aussi.

(…)

Avant d’aboutir au Paradis des chrétiens (du latin paradisus), le terme grec Paradeisos signifiait bien cet enclos où se trouvent bien gardés les animaux sauvages que nous scientifique, ou culturelle sommes encore. Conclusion, ce paradis bien naturel, nous ne l’avons jamais quitté !

Prenez Le Livre des morts tibétains ou celui de l’Égypte, voyez les divers Paradis et autres lieux enchanteurs, ces superbes jardins du bonheur éternel, ces Nirvanas de l’hindouisme ou du bouddhisme ; de même que ces jardins (janna) de l’Islam ou bien celui d'Éden » (Gan 'Eden) du Judaïsme. Pourquoi tous ces « au-delàs » sont-ils « des au-dehors », des extériorités, des ailleurs illusoires en des illusions bien paradisiaques ? Pourquoi ?

Comme Maurice Zundel, je serais tenté de dire « l’au-delà, c’est un au-dedans », ou plutôt je ferais écho aux paroles d’un de nos contemporains, célèbre historien du cinéma finlandais, Peter von Bagh, en le plagiant mot pour mot « Pour moi, l'au-delà, c'est l'au-dedans, » disait-il ; oui, l'au-delà, c’est l’au-dedans, au-dedans, au plus ultime du moi, là où le moi peut enfin se dissoudre dans l’amour le plus intime, le plus divin de nous-mêmes.

Alors, travailler sur soi, n’est-ce pas travailler plutôt en soi, quitter l’extériorité qui nourrit nos comparaisons, nos peurs, nos envies, nos jalousies et nos violences, pour s'affranchir de soi, de ce qui m’enferme, me sépare de mon « vrai moi » au-delà de moi, ce qui m’asservit à mon animalité, m’assujettit à mes hypothèques…

Pour découvrir dans une expérience numineuse que je suis partie prenante du monde, de l'autre qui est en moi comme je suis en lui, et que je n’ai donc aucune raison de le commander, d’avoir des attentes vis-à-vis de lui, car exploiter l’autre moi, ce qui est au-dehors, c’est toujours nuire à ce qui est au-dedans, au plus intime de l’ultime de nous-mêmes au monde !

(…)

« C’est parce que la vie est inconnue que la mort est pour nous un abîme », disait encore Maurice Zundel.

Nous avons peur de vivre la vie jusqu’au bout de la vie. Pourtant, à travers nos mythes et nos « Révélations », comme par le biais de nos archétypes les plus archaïques, ce n’est rien d’autre que la vraie vie qui s’exprime, en fait de Paradis, et en vérité, le Paradis tel que nous le décrivons, comme de « Bons Lieux » de libération des souffrances et des conditions humaines, c’est la vie paradisiaque telle que nous devrions la vivre ici-bas, en passant par les chemins et les demeures de notre intériorité, car il n’y a pas d’autre ici-bas que l’en-dedans.

(…)

Des forêts, des jardins et des Sapiens,


Tout est dans la tête, et un peu dans le cœur quand même !

Toutes les cosmogonies et les parts à dire correspondent à notre topologie cérébrale, à nos schémas conceptuels, nos images, clichés et diverses représentations des choses de la vie. Les forêts primaires, secondaires et tertiaire depuis des centaines de millénaires ont tellement marqué notre mémoire cellulaire, que nous en sommes les images, les dépositaires, les gardiens de l’arbre et des sources.

Nous sommes des enfants de l’eau à 70%, et des descendants de ces forêts tropicales ancestrales pour quelque 20% ; tout le reste, ce n’est qu’un mixage épais est un mélange subtil d’imaginaire, de symbolique et de réalité, c’est-à-dire un tout petit peu de cet extrait d’homme que Diogène, brave quêteur, continue à chercher dans le ciel des philosophes, une étoile à la main.

Dans tous les livres sacrés, en toute genèse, les arbres sacrés et les fleuves qui sortent de la Part à dire, y sont cette source vive, cette source de vie et de connaissance avec laquelle nous devons nous harmoniser.

(…)

La conscience, y ressemble à cette eau, du dedans (70 %) et du dehors, du dessus et du dessous, elle se condense en descendant à travers les profondeurs de l’être, comme elle se purifie dans les cavités de la terre ; elle ruisselle sur nous comme dans nos veines, nos artères, le long de nos collines verdoyantes et de nos rêves les plus doux ; et sur nos montagnes imaginaires, elle dépose sa blancheur pour redescendre vers les vallées, afin d’y arroser les jardins les plus beaux.

États d’âme, d’esprit ou de consciences, les humeurs circulent comme des énergies pour nous baigner corps, âme et esprit, les uns avec les autres... L’image ou le mythe de « La chute » y sont comme la description d’un blocage énergétique au niveau instinctif et pulsionnel.

(…)

L’arbre et vie et celui de la connaissance, ont leurs racines et leurs frondaisons en nous ; sous quelques couches de méninges, avec leurs différents noms. Là où il y a du Sapiens, il y a de l’arbre magique, de la forêt sacrée, que ce soit l'Asvattha des Indiens ou le ficus religiosa des bouddhistes, l'Arbre Bo, l’aulne ou le chêne pointu chez nous, le dattier magique, le Frêne, l’Yggdrasil des peuples du nord, l'Asherah des Assyriens, les arbres vénérables des Chaldéens, des Égyptiens ou des Hébreux… Le Sephiroth ou le chandelier à x branches sont là pour nous rappeler nos origines naturelles. Même en dehors des tests du psychologue, l’image de l’arbre, c’est toujours l’image de l’homme !

(…)

La vie à tire zharicots ne connait pas de morale, elle ignore la déontologie et même toutes les logies et logiques qui soient tirées entre le temps et l’espace.

Elle est magique, dirait Jack ; elle germe comme ça, à la dérobée, à la folie des ramées vertes, et pousse au génie des herbes sauvages, donnant par-ci des graines végétales et par là des semences animales ; des racines et des muscles, des nerfs titillés de désirs, et de la chlorophylle chatouillée de lumière, chez elle, en elle, par elle, tout, totalement tout est donné en abondance pour survivre à la mort.

Les radicules y sont comme des neurones qui vrillent, et s’étendent pour de grandes zaventures humaines, vers d’impossibles champs zétoilés ; la chair y bourgeonne, les peaux y fleurissent comme des tableaux de grands maîtres ; la vie s’y conjugue à tiges déployées, en bulbes, en épines, sur tige et sur os, en œufs offerts à l’éclosion, en ovaires ouverts aux innovations, la nature sans cesse invente, et pourtant, elle ignore tout des mots « religieux », des traités de morale, de l’éthique et des philosophies, en ses aspérités urticantes et en ses creux pleins de noirceur, entre l’ordre et le désordre, elle sait se faire lumière, douceur et malgré tous les conflits et dilemmes rencontrés, elle ne cesse d’aspirer à la vie, d’inspirer et d’expirer la vie jusqu’au seuil des zétoiles.

Toute la nature ne contient qu’un instinct, un instinct de survie, plus fort que tout, plus puissant que la mort, une pulsion vitale pour se prolonger ; je suis moi-même un simple cotylédon au bout d’une tige fragile, cherchant la lumière du jour, d’étape en étape, quêtant quelques mots qui disent les rigueurs de la vie, sa détermination, ses terminaisons nerveuses au bout de mes doigts qui écrivent le sens et décrivent le sang le long de mes veines bleues, je peux suivre de l’index les plans des haricots sauvages qui poussent librement dans mes yeux comme des feuilles de diagrammes...

La vie, c’est la vie ! Rugueuse elle se donne à aimer, à survivre selon des modalités précises, selon des lois naturelles, tout y est grâce, comme les entrailles de la nuit qui hume le jour, elle déploie ses duretés, tout en aspirant à quelque chose de plus grand et de plus mystérieux. Ainsi, depuis la nuit des tempes grises, pour croître, chaque particule composant les règnes, les corps et les êtres, comme chaque vibration de la substance la plus diluée à la plus compacte, chaque information contenue dans la matière, doit « croire vers » quelque chose d’autre, et « croire en » quelque chose d’autre, pour croître encore et toujours sur les chemins pluriels de tous les possibles.

Car entre les conflits et les alternatives,
ON NE PEUT CROÃŽTRE SANS CROIRE !

Depuis le début, c’est ainsi, et ce sera ainsi jusqu’à la Sans fin, dans le tournoiement circulaire des grands espaces cerclés d’intemporalité. Anges et démons y sont les éternels symboles des opposés qu’il nous faut traverser par la dure voie du milieu, car parole de philosophe, la vertu se tient toujours au milieu, et pas aux extrêmes (in medio stat virtus) et la véritable vertu faut-il le souligner, reste dans cette terre du milieu, en suspens, virtualité toujours possible, ouverte à l’avenir.

Pour pousser, s’épandre, se répandre et féconder, il faut d’abord désirer d’une forme de désir « intrinsèque », nécessaire comme peut l’être l’air à la respiration. Il faut y croire de cette foi qui sauve jusqu’au bout des consternations et des constellations, cette foi en la vie qui fait avancer pour devenir, toujours plus, et cette loi naturelle est gravée sous nos méninges triples, comme sur les tables de pierre du livre de la loi.

(...)

Depuis que les vents alizés soufflent sur les âmes en peine, la vie est un véritable régal !

Depuis que le Sapiens tourmenteur et tourmenté se joue d’exister ; depuis que la plus lointaine préhistoire de derrière les fagots d’un rupestre viager s’écrit à coup de gros mots ; depuis que la femme tourmente l’homme et que le l’homme fait rage de tout os, la vie est d’un authentique naturel !

De création en expansion, elle se conjugue à tous les espaces-temps et à toutes les passions.

Inconditionnellement, elle s’accorde a tous les conditionnels, se dispose, s’arrange, plaisante de ses chaos, elle participe à tout sans renoncer, elle lutte contre elle-même, elle danse avec elle, elle croît, elle broie du noir et de la lumière, elle enveloppe et développe, se fait intérieure et extérieure, nuancée et brute…, ainsi de suite, verbe après verbe, elle se conjugue disions-nous tous les maux, rien que pour nous donner à penser et à dire. La vie, c’est une gigantesque ripaille de pensées colorées !

La nature a besoin de pulsion comme la vie à besoin de passion !

Il existe en la vie, une ingénierie et une capacité de régulation toutes naturelles pour s’adapter sans cesse et sans déception aucune, car elle ne fait pas de sentiment, à la nouveauté du milieu le plus rebelle, et s’ajuster à un environnement inlassablement changeant ; car même tirée par des cheveux, coupée en quatre, collée bout à bout, la vie n’a pas peur de la complexité ! Elle a même reçu de la nature cette capacité à réaliser de la réalité face à tous les imprévus. Face à l’accident, aux conflits les plus destructeurs, elle est un maître à « panser » les maux après les avoir inventés.

Elle est capable de marier l’eau et le feu, l’air et la terre, capable de résoudre plusieurs problèmes en même temps, à optimaliser la bête pour faire de l’humain, à corriger hier pour faire du demain. La nature en soi est plus humaine que ne le laissent présupposer les jeux violents et provocants de tous les chaos que nous connaissons ou expérimentons.

Face aux antagonismes multiples des métamorphoses et des mutations de la matière, elle est capable de croire en demain comme si demain était l’éternité ; et d’ouvrir grandes ses mains à l’illimité comme si la surface du pistil de la fleur était l’infini.

(…)

Pour croire en demain, il faut d’abord estimer qu’hier était, et qu’il me faut espérer dans l’instant même, malgré les morsures des prédateurs, du climat, et les coups des ennemis. Pour croire, il me faut attendre que le jour se lève, prévoir un demain, une rencontre, souhaiter de tous mes vœux apercevoir l’âme sœur, calculant dans l’entrefaite, avec minutie et sérénité, le sens du vent et la part de silence nécessaire pour capturer le gibier.

Pour croire au futur, il faut savoir temporiser, patienter, relativiser ... , et surtout croire en (cette) ma capacité de dépasser l’épreuve, croire en l’autre, croire qu’il y a toujours de l’amour possible ; savoir sur le bout des seins que je suis aimable, que tu es fréquentable, qu’il y a une solution à mon problème, au tien, aux nôtres ; ou qu’il y a de la nourriture au bout du chemin ; croire en la surprise, en l’alternative, en une sortie éventuelle, en un abri solide… entre l’incertitude et tous les possibles, croire est une capacité qui n’a rien de « religieux » en soi, mais qui est hautement « spirituel », qui en soi est un appel à vivre davantage, ou plus exactement un appel à survivre mieux.

De même, toutes nos capacités de « contemplation », de theoria (scientifique ou spirituelle), relèvent l’une et l’autre des mêmes besoins ; autant par nature le Sapiens est-il « capax credere » (capable de croire), comme nous venons de le souligner, autant il est capable naturellement de regarder avec cette foi qui fait voir au-delà des apparences…

La nature respire, mais elle est surtout inspirante ; si la vie vise (ambitionne la rencontre, la vie, la destinée, l’aventure), ça veut bien dire que la vie suppose quelque sens, quelque direction, qu’elle croie en quelque chose.

Si la vie vise, entreprend, entame la chair pour parfaire l’os, tire le nerf pour coudre la peau, c’est que ça en vaut la peine, quels que soient la peine et le mystère de la peine.

Si contempler, c’est s’accorder avec ce que l’on voit, avec ce que l’on fait, et surtout avec ce que l’on est, c’est aussi pour nous Sapiens procéder par théorèmes, ou par principe comme en sciences ; car il en est exactement « des sciences » comme de « la spiritualité », car rien n’est vraiment permanent, toutes les vérités restent relatives et seul l’objet de la quête peut nous renvoyer à des questions différentes, mais ce n’est là qu’une apparence, seuls les suppos de la Vérité et les fonctionnaires du diable séparent encore ce que les dieux dans leur bonté infinie ont bien voulu unir dans la nature et dans la vie.

Oui, il en est exactement des bons théoriciens comme des vrais contemplatifs, ce qu’ils contemplent de part en part, dans la transparence et les secrets de la vie, c’est aussi ce qu’ils deviennent !

Il y a dans la tête du Sapiens, une capacité insoupçonnée à croire et à chercher, à chercher à croire et à croire en cherchant …, il est donc dans sa nature profonde comme dans la Nature, aussi vraie que c’est naturel, aussi naturel que ce soit juste, cette capacité extraordinaire de contempler la complexité du passé et la réalité du présent pour mieux contempler l’avenir...

En principe, je pourrais en déduire que la vie comme la nature, sont l’une dans l’autre capables de croire en elles-mêmes en une extraordinaire stratégie de survie.

(…)

Générique

L’Origine est un Principe, ce n’est pas un Commencement ; tout comme la Vie est une Histoire sans fin, un paradoxe permanent, un mirage éternel, un miracle infini qui se donne à aimer gratuitement et sans condition.

En ce temps sans durée, et en Principe sans lieu, l’Esprit maraudait de jardin en jardin, comme un Delta plane porté par les vents chauds.

Sur les eaux tièdes des océans cosmiques, l’Esprit planait, l’air de rien.

Tout et génie et folie dans l’économie de l’Évolution ! Il n’y avait pas de lieu, pas de temps, rien que de l’énergie et du mouvement à l’état libre comme l’énergie d’un enfant et les mouvements rapides d’un papillon.

Partout, c'est-à-dire nulle part, une nuit noire comme de la suie couvrait l’espace adipeux originel, à deux doigts de lumière. Poussier d’étoiles filantes, résidus des encres et des pensées sans passé et sans avenir, tout fusait comme une condensation d’étincelles tourbillonnantes, dans la cheminée d’un temps qui tourne sur lui-même pour s’attraper la queue.

Le terreux, le Sapiens n’était alors qu’une pensée d’ébène se pensant à peine, une idée vagabonde cherchant à s’adapter au cœur des vapeurs d’ammoniac piquantes et des senteurs de soufre douleur, tout au milieu des flammes de l’enfer d’alors, là où il n’y a pas de répits pour ceux qui se veulent des vivants.

Par principe et par réalité, par mille procédures matérielles interactives, par celles d’une alchimie de l’épreuve, c’est la preuve même que la vie est plus forte que la mort, au point que le mot même de « Mort » devrait être écarté de tous les dictionnaires ; car d’Univers en Univers, la vie sans cesse se répand d’âge en nage ; elle s’épand sur tous les espaces et sur toutes les générations d’espèces ; elle s’étend de par les Mondes comme une trainée de semence lactée, éternelle et infinie.

C’est là, toute la matière vierge et pure qui travaille de l’intérieur, par synergie, par transsubstantiation, s’ordonnant par tous les éléments chimiques, de matière et de manière aléatoire, indéterminée, cherchant en elle-même le sommet des points de fusion et d’ébullition de toute conscience livrée à l’état brut et vif de la liberté.

Par la condensation du feu et l’évaporation des eaux, par la réalisation de la pierre philosophale et la transmutation des métaux, par la transformation des êtres et le grand œuvre à l’œuvre, du vil au plus noble, du plus lourd au plus complexe, l’objectif sans fin et sans mesure de la nature et le but sans finale de la vie, ne sont pas de nous guérir de quelque chose, mais de nous faire naître à nous même : Humain.

Homme, selon les préceptes programmés depuis la nuit des tempes, depuis l’obscurité des cuisses, dans la folie des langues et des sensations extrêmes ; suivant la nébulosité des désirs et l’ardeur fiévreuse des chairs, aux méandres des nerfs baignés de matière grise et blanche.

Chi va piano, va sano e va lontano...

À travers les souffrances des grossesses, des heurts, des enfantements dans de terribles douleurs, par les nœuds des réalités de plus en plus palpables et complexes, en marchant et en rognant l’os des jours, en mangeant le pain à la sueur des visages et à la lueur des ampoules sur les mains, l’homme devient homme, lentement.

Chi va piano, va sano e va lontano...

Uomo lentamente, comme le maudit d’entre tout le bétail, le Sapiens vient, lentement, mais bien vivant il vient, et comme le reptile avance vers son destin ; animal parmi les animaux des caves et des greniers, des forêts et des champs, marchant en premier sur son ventre et à quatre pattes, mangeant la poussière des jours de sa jeunesse, avant de se dresser sur ses deux jambes… Jusqu'à ce qu’il retourne à la terre de ces ancêtres, poussière de poussière, suie de suie, celle même dont il fut tiré avec des forceps d’entre les mors de la vie, pauvre petit fœtus de paille.

(…)



PARADIS, PARADIGME ET PAR A DIRE

Un changement de « paradigme » provoque nécessairement un changement de « Paradis », c’est ici même le causé, et la cause même de ce para-dire.

« La contemplation du Paradis m'a ravi par sa paix et sa beauté. Là demeure la beauté sans tache, là réside la paix sans tumulte. Heureux qui méritera de le recevoir, sinon par justice, du moins par bonté ; sinon à cause des œuvres, du moins par pitié ... Ô toi, Seigneur du Paradis, prends-moi donc en pitié ! S'il n'est pas possible d'entrer dans ton Paradis, rends-moi digne du moins des pâturages à son entrée. Au centre du Paradis est la table des saints, mais à l'extérieur les fruits de son enclos tombent comme des miettes pour les pécheurs qui, même là, vivront par ta bonté. » (Saint Éphrem).

(…)

Quel extraordinaire imaginaire que celui du Sapiens ! Quel singulier imaginé ! Ne sachant dire le réel d’une réalité toujours mouvante, l’image et la ressemblance restent donc les deux seules mamelles de l’imaginaire et du symbolique.

Nous ne sommes plus entre les années 1545- 1563 en plein concile de Trente, et encore moins au IV siècle qui à vu naître et mourir Saint Éphrem, mais à l’ère des hautes technologies, des multivers, à l’ère de la conquête de l’espace, à l’heure de l’éthologie humaine, de la neurolinguistique, de la physique quantique et des biotechnologies, à l’heure même sonnante de la pluridisciplinarité, des ouvertures religieuses, sociales et culturelles.

Alors, il ne sera guère question dans cet article du Paradis des croyants de toutes les grandes philosophies ou religions ; mais j’y parlerais plutôt de « l’imaginaire religieux », des perceptions que nous pouvons en avoir, de la « Part-à-dit », c'est-à-dire de la part à dire (par le dit) de ces divers Paradis, du causé (dire) que le poète ou le contemplatif (théorie) peuvent avoir, à l’aide de notre entendement et discernement « animal » de cette réalité symbolique, mythique ou archétypale après cinq siècles de recul et de réflexion. Fatalement, un changement de « paradigme » provoque nécessairement un changement de Paradis, et c’est ici même le causé et la cause même de ce para-dire.

(…)

De civilisation en civilisation, le monde change de peau ; toute grande révolution est porteuse de mutations importantes (biologiques, psychologiques, sociales…), de conversions personnelles et de modifications structurelles, intellectuelles et morales. Les grandes institutions doivent s’adapter elles aussi.

(…)

Avant d’aboutir au Paradis des chrétiens (du latin paradisus), le terme grec Paradeisos signifiait bien cet enclos où se trouvent bien gardés les animaux sauvages que nous scientifique, ou culturelle sommes encore. Conclusion, ce paradis bien naturel, nous ne l’avons jamais quitté !

Prenez Le Livre des morts tibétains ou celui de l’Égypte, voyez les divers Paradis et autres lieux enchanteurs, ces superbes jardins du bonheur éternel, ces Nirvanas de l’hindouisme ou du bouddhisme ; de même que ces jardins (janna) de l’Islam ou bien celui d'Éden » (Gan 'Eden) du Judaïsme. Pourquoi tous ces « au-delàs » sont-ils « des au-dehors », des extériorités, des ailleurs illusoires en des illusions bien paradisiaques ? Pourquoi ?

Comme Maurice Zundel, je serais tenté de dire « l’au-delà, c’est un au-dedans », ou plutôt je ferais écho aux paroles d’un de nos contemporains, célèbre historien du cinéma finlandais, Peter von Bagh, en le plagiant mot pour mot « Pour moi, l'au-delà, c'est l'au-dedans, » disait-il ; oui, l'au-delà, c’est l’au-dedans, au-dedans, au plus ultime du moi, là où le moi peut enfin se dissoudre dans l’amour le plus intime, le plus divin de nous-mêmes.

Alors, travailler sur soi, n’est-ce pas travailler plutôt en soi, quitter l’extériorité qui nourrit nos comparaisons, nos peurs, nos envies, nos jalousies et nos violences, pour s'affranchir de soi, de ce qui m’enferme, me sépare de mon « vrai moi » au-delà de moi, ce qui m’asservit à mon animalité, m’assujettit à mes hypothèques…

Pour découvrir dans une expérience numineuse que je suis partie prenante du monde, de l'autre qui est en moi comme je suis en lui, et que je n’ai donc aucune raison de le commander, d’avoir des attentes vis-à-vis de lui, car exploiter l’autre moi, ce qui est au-dehors, c’est toujours nuire à ce qui est au-dedans, au plus intime de l’ultime de nous-mêmes au monde !

(…)

« C’est parce que la vie est inconnue que la mort est pour nous un abîme », disait encore Maurice Zundel.

Nous avons peur de vivre la vie jusqu’au bout de la vie. Pourtant, à travers nos mythes et nos « Révélations », comme par le biais de nos archétypes les plus archaïques, ce n’est rien d’autre que la vraie vie qui s’exprime, en fait de Paradis, et en vérité, le Paradis tel que nous le décrivons, comme de « Bons Lieux » de libération des souffrances et des conditions humaines, c’est la vie paradisiaque telle que nous devrions la vivre ici-bas, en passant par les chemins et les demeures de notre intériorité, car il n’y a pas d’autre ici-bas que l’en-dedans.

(…)

L’ANGLE MORT

J’ai reçu un éclat d’imaginaire dans l’œil droit, déchetterie d’un big bang.

Mille comètes perlent, c’est une pluie de météorites qui rythme mon pas de plume, je m’écrie comme d'autres s’ébattent, j’écris cette réalité qui a l’aspect d’une voûte étoilée, une belle illusion des cieux, des anges et de tous nos beaux rêves d’enfants.

Folie ou génie, j’ai dans la bouche une bouchée de Dieu, au goût savoureux comme le cadavre exquis d’une divinité surréaliste. Entre le Dieu vengeur et le Dieu à la fraise, le mien est une figure transversale, indescriptible, inconnaissable et sans attribut. Ma peau elle-même est parcelle de Lui, pore de ses pores, et les miens respirent ce grand bienfaiteur des espaces musclés ou adipeux.

Pourtant, le doute m’étreint, quand l’incertitude vient comme dans une grande claque, je tends l’autre joue au grand retour des cauchemars récurrents, pour me récurer de l’intérieur, par l’incessant va-et-vient d’un goupillon de doute, un goupillon à nettoyer les bouchons d’oreilles et les écailles les yeux, dans un perpétuels mouvements qui va et vient comme un membre tendu de fil, de l’infini jusqu’à l’éternité en faisant des spirales lactées et colorées.

Je n’ai même plus un quignon de dieu à me mettre sous l’Adam, la faim se fait sans terme, et la nuit des sens bien ténébreuse ; mes mots eux-mêmes ne sont plus que des rognures pour boucher le grand silence. Alors, je fais de l’humour pour jouer de la métaphore à piston.

Je cause pour ne plus parler afin de devenir « langage ». J’ai reçu ce lot humain comme un don céleste, mais il faut encore monter les pièces fragmentées du grand puzzle, rassemblant les morceaux un par un , des fractions ou fragments holographiques d’un pauvre moi en perdition, et des morceaux de vous, bout à bout pour en faire de l’homme ; je rassemble les sections comme dans un miroir brisé, un fragment d’azur avec ses parts d’ombre.

je contemple le ciel bleu, un lopin angélique au fond de mon œil brun, et avec des miettes de paraboles je tente de construire une réalité qui tienne la route. Les cailloux y sont comme des grains, des débris épars des dieux d’hier, éclat des dieux présents, avec mes propres images, mes métaphores et des analogies diverses comme des échantillons du verbe Être ; je tapisse les méninges de l’inconnu, mais je n’ai entre les doigts que des quartiers d’imaginaire, des portions bien incomplètes de vieux symboles brisés en des temps immémoriaux, des inconnues d’incongrues, des tronçons de chemins sans bout et sans repère, des détails qui sont comme des coupures dans un ruban sans fin, une vis folle, un vrai tourment.

On a beau dire, on a beau poser Dieu et causer Dieu comme une analogie de la Lumière, Le Sapiens qui cause fait toujours trop d’ombre à l’objet de ses réflexions ! Penser obscurci toujours le Réel, car « nos propres réalités » mises bout à bout font obstacle. À cause de notre perception et de notre causé, la réalité de la réalité reste toujours dans l’angle mort.

(…)

Un morceau de croix pour tirer le trait, un lambeau de suaire sur lequel écrire un scénario de vie, en tronçons charnels comme une tranche de vie animale, une rondelle d’éternité coupée en heures moites, sans fin, sans début, sans cause et sans issue ; c’est là le non-commencement de la complexité. On a beau inventer des rétroviseurs paraboliques, des caméra à se copier les entrailles, des aiguilles d’oscilloscopes à tracer les états d’âme, d’esprit et de conscience,
Dieu est toujours « hors cadre », hors norme, hors canon, hors dogme...

Alors, arrêtons de le cadrer, ou pire, arrêtons de l’encadrer et de le définir (dé-finir) !

Tous nos « capteurs » sont bien fatigués, bien misérables et plus que nécessiteux face au divin, plus « senseurs » que capteurs et plus penseur que sage.

Le Sapiens fait partie des comiques, mais aussi des coniques, comme les paraboles dont il use abondamment pour user le sens jusqu’à la crête des sens. Et comme c’est encore le propre du Sapiens que d’être en même temps le principe directeur, le foyer et l’excentricité même, on peut se poser la question, de qui est-il lui-même la parabole ? Et de qui a-t-il les courbes du corps, les brisures de l’âme et les droites de l’esprit, vous savez, celles que l’on peut obtenir avec un peu d’attention et d’intention, par l’intersection de l’imaginaire, du symbolique et du réel ?

(…)

Fragments de L'homme cette trinité,
nouveau traité de théologie.

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