Les Correspondances de grands écrivains ont le vent en poupe, comme le montre notamment le récent succès des lettres de Colette ou de George Sand, alors que paraissent jeudi les quelque 200 lettres bouleversantes d'Emile Zola à Jeanne Rozerot réunies dans un livre qualifié par la revue Livres-Hebdo de "monument littéraire".

Gallimard fait traditionnellement un gros effort pour soutenir un genre peut-être appelé à disparaître, à une époque où la communication moderne ne laisse guère de traces.

L'éditeur, qui publie le Zola (400 pages, 22,90 euros), a notamment fait paraître en 2003 les lettres de Raymond Queneau à son fils et la Correspondance croisée Louise de Vilmorin-Jean Cocteau-Olivier Muth. En 2004, il a publié, entre autres, les Correspondances Gide-Louys-Valéry et Simone de Beauvoir-Jean Jacques Bost. Sont prévus cet automne Saint John Perse-Alain Bosquet, Paul Valéry-André Lebey et Jean Paulhan-Yvon Belaval.

Selon l'éditeur, les "Lettres à sa fille" de Colette ont été tirées à 12.000 exemplaires (premier tirage épuisé), les échanges de Beauvoir-Bost à 6.000, les "Lettres d'une vie" de Sand (en Folio) à 7.000. Pour un domaine aussi peu grand public, il s'agit de bons chiffres.

D'autres maisons sont également actives sur ce terrain comme Fayard qui a programmé fin septembre l'énorme correspondance complète de Victor Segalen en trois volumes, là encore un événement dans le genre.

Dans ces inédits de Zola à Jeanne Rozerot, sa maîtresse et mère de ses deux enfants, on découvre l'écrivain écartelé entre deux femmes (l'autre étant Alexandrine, la "légitime"), qui essaie de réaliser l'impossible union entre deux existences. Ce qui ne peut donner lieu qu'à la douleur et aux crises.

L'universitaire Yves Pagès, qui a coordonné cette édition, se dit "surpris" par cet intérêt du public pour les Correspondances. "Il y a 15 ans, a-t-il dit à l'AFP, elles n'étaient pas appréciées de la même façon. Aujourd'hui, ce retour à l'intime, au document personnel, la comparaison qu'on peut faire entre la figure publique et la découverte de l'homme secret touchent beaucoup de lecteurs et leur donnent l'idée que l'accès à la littérature peut se faire par quelque chose qui leur ressemble".

"Il y a aussi une part de nostalgie chez ces lecteurs qui se disent qu'aujourd'hui, la communication passe par l'email ou la conversation téléphonique, des choses qui ne resteront pas. Ce qui me frappe dans ces lettres ou ces Correspondances (pas seulement celles de Zola), c'est que ces textes sont écrits. Quel que que soit le côté aléatoire d'une lettre, toujours suscité par les circonstances, malgré tout il y a là un écrivain", a-t-il ajouté.

"Une Correspondance, ce n'est pas un achat d'impulsion, on l'achète souvent pour aller plus loin dans la connaissance de l'auteur", estime Anne Rotenberg, directrice de la programmation du Festival de la Correspondance de Grignan (Drôme), qui se tient chaque mois de juillet depuis neuf ans.

"Depuis deux ou trois ans, il y a un vrai engouement du public pour cette manifestation. On n'arrive plus à trouver d'hôtels" pour les visiteurs qui étaient, en juillet dernier, 4.000 à 5.000, sur quatre jours, a-t-elle précisé à l'AFP.

Selon elle, les lectures de textes marchent très bien à Grignan, comme les "Lettres à une musicienne" de Rainer Maria Rilke ou la Correspondance d'Erik Satie. Elle note aussi que le roman épistolaire connaît aussi un regain d'intérêt avec des livres comme "Inconnu à cette adresse" de Kressman Taylor ou "84 Charing Cross Road" d'Hélène Hanff.

mardi 31 aout 2004, AFP.