A la fois peintre et ornithologue, portraitiste réputé aux Etats-Unis de la moitié des espèces d'oiseaux du pays, le franco-américain Jean-Jacques Audubon (1785-1851), fait l'objet d'une exposition à Nantes, près de deux siècles après avoir quitté l'Hexagone.

La Ville et son Muséum d'histoire naturelle rendent hommage jusqu'au 12 décembre à cet autodidacte né à Saint-Domingue, de parents français, arrivé au Couëron, à quelques kilomètres de Nantes, à l'âge de quatre ans avant de quitter la France à 18 ans.

Outre neuf pastels de jeunesse originaux (cinq inédits retrouvés dans les archives du Muséum de la Rochelle et quatre prêtés par le Harvard College Library), huit gravures de l'édition originale des "Oiseaux d'Amérique" sont notamment présentées, dont six prêtées par les Etats-Unis.

"Birds of America", l'oeuvre maîtresse de celui qui insuffla de la vie à des dessins d'oiseaux jusqu'alors très statiques, a battu des records sur le marché des livres rares: un exemplaire original a été acquis pour 8,8 millions de dollars en 2000.

En 12 années et 435 aquarelles de 100 cm par 70 environ, l'illustrateur y édifia un luxueux guide d'oiseaux. Le plus célèbre Français du pays après Lafayette, selon le Muséum, est le seul alors à conjuguer "précision scientifique et esthétique", explique François Meurgey, ornithologue au Muséum de Nantes.

Une performance, à une époque où l'observation se faisait sur des cadavres tués au fusil, en l'absence de photos ou de jumelles.

Résultat: une oeuvre témoin de la diversité des espèces, aigrettes, Spatule rose au bec aplati, et autres volatiles aux profils surprenants.

"Audubon est le premier à avoir dessiné des oiseaux grandeur nature et en mouvement", précise Pierre Watelet, le directeur du Muséum de Nantes.

"John-James", naturalisé américain, a pour cela mis au point une technique novatrice: il plante des fils de fer dans la dépouille pour lui faire adopter une attitude observée dans la nature. Les oiseaux dessinés reprennent leur envol, et Audubon peut dévoiler quelques uns de leurs secrets.

Le balbuzard ramenant le fruit de sa pêche, exposé à Nantes, par exemple, "montre avec quelle précision Audubon a observé: les plumes sont exactes, la position des pattes, sur le poisson, une devant, une derrière également", commente l'ornithologue.

Des oiseaux naturalisés des archives du Muséum (qui en possède la première collection de France) et les planches d'Audubon s'éclairent mutuellement tout au long de l'exposition. Les peintures donnent vie aux animaux statufiés qui eux-même relativisent les couleurs parfois exagérées par l'artiste.

Les paysages américains du naturaliste Denis Clavreul, parti en 2003 sur les traces d'Audubon, font écho à la volonté du précurseur de montrer ses oiseaux dans leur milieu.

Un talent de metteur en scène que l'enfant de l'estuaire mettra également au service de sa propre image et de sa carrière, non sans quelques inventions. Audubon se faisait ainsi volontiers passer pour un homme des bois, diffusant des portraits de lui-même habillé de peaux de loup.

Aujourd'hui, la plus importante société de protection de la nature aux Etats-Unis porte son nom, même si, souligne M. Meurgey, le peintre ne fut pas lui-même à l'origine d'actions de sensibilisation à la biodiversité.

jeudi 5 aout 2004, NANTES (AFP).