Un essai sur le dernier ouvrage d'Alexandre Soljenitsyne, consacré à l'histoire des Juifs en Russie, a ravivé la polémique sur le grand écrivain russe régulièrement accusé d'antisémitisme dans sa défense acharnée de l'identité russe, lors d'une présentation mardi à Moscou.

Plusieurs historiens et experts sur le nationalisme, invités à la présentation de cet essai, ont attaqué son auteur, Valentin Oskotski, qu'ils ont accusé de vouloir "blanchir Soljenitsyne" des accusations d'antisémitisme.

"Sur cinq cents pages du texte (de Soljenitsyne) je n'ai trouvé aucune raison pour soupçonner l'auteur d'antisémitisme", écrit Valentin Oskotski dans son essai de 50 pages intitulé "La question juive d'après Alexandre Soljenitsyne".

"Je voulais surtout démolir le mythe" sur l'antisémitisme de l'auteur de "L'Archipel du Goulag", qui a fêté ses 85 ans le 11 décembre, a expliqué M. Oskotski.

Le dernier ouvrage de Soljenitsyne, "200 ans ensemble", dont le premier volume a été publié en juin 2001 et le second en décembre 2002, est pourtant "toujours largement brandi par les ultra-nationalistes alors que l'ouvrage de M. Oskotski va les priver de cette référence", a déclaré Alexandre Brod, directeur du Bureau pour les droits de l'Homme de Moscou, éditeur de l'essai.

"Soljenitsyne a écrit un gros mensonge notamment sur l'absence de Juifs sur les fronts de la Seconde Guerre mondiale", a pour sa part déclaré l'expert Mark Deïtch.

"Chacun voyait bien: là (à l'arrière), les Juifs étaient beaucoup plus nombreux qu'en première ligne", écrit notamment Soljenitsyne dans le volume deux de son ouvrage.

Quelque 500.000 juifs soviétiques ont fait la guerre et 200.000 y ont péri, selon l'historien Viktor Dachevski, vice-président du Centre anti-fasciste de Moscou.

"Je comprends la motivation de M. Oskotski qui défend Soljénitsyne pour ne pas laisser les ultra-nationalistes utiliser son nom dans leurs buts" politiques, a-t-il déclaré. "Mais dire la vérité sur les idées d'un grand écrivain russe est encore plus important", a-t-il conclu.

mardi 6 juillet 2004, AFP.