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■ Voir son épouse pleurer
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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2008-04-27 | | photo © Didier Leclerc, atelier N89 Interview de l’écrivaine Françoise Renaud (Site internet :www.francoiserenaud.com) Sur Françoise Renaud vous en saurez plus sur son site internet…Sa bibliographie est riche ; plus de 11 titres de livres : L’enfant de la mère, La part du père,L’homme d’en face…etc . C’est ma première interview littéraire et je trouve ses réponses percutantes et vives. C’est un caractère entier qui me fait penser à L.F. Céline qui disait : « La vérité c’est une agonie qui n’en finit pas .La vérité de ce monde c’est la mort. Il faut choisir, mourir ou mentir ». Les vérités de l’univers humain sont dures à déchiffrer et croyez-moi pour cette écrivaine, les DIRE (ces vérités…) c’est devenu un pari insensé, à la vie, à la mort… Angela Nache Mamier *** Ecrire est-ce une contrainte ? L’acte d’écrire répond à un besoin profond, à une nécessité. Il réclame encore et toujours le travail, si possible quotidien. À un moment donné il devient forcément art de vivre. Si le récit peut féconder le réel qu’est-ce que cela fait naître ? Tout dépend ce qu’on écrit : roman, récit, poésie. Faire naître quoi ? De toute façon naissent des espaces où l’œil court sur la page comme à travers un ciel d’orage, où le corps est brûlant. Naissent des espaces où d’autres réussissent à se reconnaître – alors le texte se saisit d’une nouvelle dimension. Qu’est-ce qui déclenche l’écriture ? L’écriture est une préoccupation permanente, un état. Tout peut la déclencher : une odeur, un visage, un désir, une douleur. Quel est le mot le plus important pour vous ? Les mots ont leur matière. Ils sont tous importants puisqu’ils décrivent quelque chose de précis, qu’ils soient noms communs, verbes ou adjectifs. Ils sont irremplaçables. Parmi ceux qui pourraient résonner en moi plus que d’autres, je pourrais citer : chair, lumière, océan, main tendue, paysage Et puis il y a les mots qui dégagent une musique : delta, himalaya, chimère… Tant de mots. La langue française est une merveille de langue. Bâtissez-vous vos livres avec une architecture pré-établie ? Surtout pas. Je pars sur presque rien, une odeur, une impression, un climat, un portrait. On peut bâtir sur du presque rien. La trame du roman naît alors que le travail d’écriture avance, elle est comme engendrée. Les événements se révèlent au fil des jours. On ne sait pas quand le roman est fini. Il m’importe de laisser venir les choses, de laisser mijoter dans le creuset. Une alchimie secrète. Ouvrez nous un peu votre « fabrique d’écritures » ? La réponse se serait initiée à la question précédente. Pour ma part, je ne fabrique rien. Je distingue fabriquer et créer (ils sont à l’opposé l’un de l’autre). Je m’efforce donc de ne rien fabriquer. Demeurer dans l’observation, dans le ressenti. Le poète peut-il rendre le monde meilleur ? Le poète ou l’écrivain occupe une place, c’est certain. Il regarde le monde d’un point de vue original. Il est l’œil du monde. Mais si ça continue, si les conditions continuent à se dégrader, il n’y aura plus de poètes, plus d’écrivains, plus d’artistes pour dire comment passent les jours, de quoi nous sommes faits. Pourrait-on dire que l’enfance est l’élément fondateur de votre écriture ? Belle question, je trouve. Bien sûr, c’est une évidence. L’enfance nous fonde sitôt la naissance. Elle est le moment de la découverte de l’autre, du soleil, de la terre, si possible de l’amour de la mère. Elle est pareille à un tremplin avant le saut et les pirouettes en l’air. Je reviens toujours à l’enfance primordiale. Elle me compose tout autant que le pays. Comment percevez –vous le monde qui nous entoure ? La question est pour le coup trop vaste. Tout dépend de quel monde on parle. Du monde géographique, du monde politique, du monde microscopique. Mes romans ont tenté de répondre à cette question l’un après l’autre. Mes personnages reflètent des parts de moi - comment inventer ce qu’on n’a jamais connu ? Qu’est-ce qu’un écrivain selon vous ? Un témoin sensible. Un acteur qui fait progresser l’humanité, la tirant vers le haut. L’écrivain est-il un grand alchimiste de la réalité ? J’ai souvent parlé des relations entre autobiographie et roman, entre réalité et fiction. C’est un sujet très complexe, on ne peut y répondre en trois mots. Mais il y a surtout et avant tout la littérature. C’est elle qui transcende le réel. « Ce qui est menti dans le roman libère l'écrivain, lui permet de montrer le réel dans sa nudité. Ce qui est menti dans le roman est l'ombre sans quoi vous ne verriez pas la lumière. » disait Aragon. Vous vous êtes immergée très jeune dans la lecture et l’écriture ? Oui, j’ai tout de suite aimé lire, mais j’avais peu de livres à ma disposition. Une fois à l’internat en classes de première et de terminale, j’ai dévoré tous les livres de la bibliothèque, un par jour. Flaubert, Baudelaire, Aldous Huxley, Julien Green. Ecrire, c’est une autre paire de manches. On peut croire qu’on écrit alors qu’on ne fait que noircir du papier. Il faut de la régularité, de l’engagement. Il faut comprendre que rien ne se fait sans pelleter, creuser, fouiller, suer et plus encore… Quelles sont vos relations avec le temps ? J’ai souvent le sentiment que le temps m’échappe et ça me rend malheureuse. Dans cette vie humaine, on a à peine le temps de s’apercevoir qu’on est vivant, en train de respirer, que seul le présent existe. On met un quart du temps (ou presque, de toute façon on ne sait pas à l’avance…) à sortir de l’enfance, ensuite on essaie de se construire et déjà on se prépare à perdre des parents, des amis, des fragments de soi-même (si ça n’était pas arrivé avant…) Aujourd’hui je me retourne et regarde le temps qu’il m’a fallu pour déblayer le terrain, ce temps que j’ai engagé dans l’écriture… on a qu’une seule vie, n’est ce pas ? Et on dirait que personne ne le comprend quand on regarde autour de soi - guerres, disputes, conflits. Pourtant nous sommes mortels. |
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