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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2023-10-22 | | Avant-propos On est tous là, sur le même rafiot, comme sur une arche folle qui va à la dérive, sur La Toile comme sur les ondes. Entre le virtuel et la réalité dite augmentée, submergées par tant de réalités contradictoires, nous sommes des enfants perdus. C’est là le véritable « Déluge » mondial dont nous parlaient déjà de prophétiques livres anciens. Et tels des naufrageurs naufragés, nous ne savons plus comment naviguer sur Internet comme dans nos vies. Ce grand rafiot mondialisé est devenu en quelques décennies un vrai radeau tout plein de passagers médusés (1) à l’instar de tous ces migrants perdus en mer. Alors, pour faire écho à ces torrents numériques, à ces flots médiatiques autant que diluviens qui submergent toute la Terre, et pour m’adresser au Noé qui sommeille en chacun de nous tous, plutôt que de mettre l’accent sur le côté cataclysmique des événements, il me semblait important de rappeler que les guerres, les pluies diluviennes et les informations torrentielles, ne peuvent nous faire oublier que l’essentiel nous reste caché, et qu’il existe ailleurs d’autres réalités et données plus intérieures comme d’autres trésors, comme l’art et l’amour, la littérature et la spiritualité, pour n’en citer que quelques-uns. Au sujet de nos cathédrales immergées. Peindre ou photographier le Petit-Enfer de Luc (2), ce n’est pas un luxe ou un passe-temps facebookien, ce n’est pas de la décoration, ou même seulement de l’art ! Peindre ou photographier l’invisible à travers ce que nous percevons, c’est percer les apparences, c’est évider les évidences pour descendre au plus profond de soi. Oui, descendre en soi afin de percer le voir (perce - voir) et entrevoir enfin ce qui est immergé ou caché au-dedans, au plus profond de nous-mêmes, pour y entrer, comme dans le silence et les recueillements. Nos belles images, si elles ne sont que des représentations et pas des lieux de passage, peintes ou photographiées elles restent « des murs » et pas des Icônes saines et saintes, comme celles qui nous ouvrent à l’invisible. S’ils n’ouvrent pas les cœurs comme on s’ouvre à l’amour et à la bienveillance, toutes nos activités artistiques ou littéraires, de même que « les beaux-arts » en général, ne sont que des occupations pour marchands d’arts, des médiations mondaines comme un art mort, à l’image de belles natures mortes accrochées à des murs sans vie. Peinture, poésie ou sculpture… Peu importent nos propres outils d’artisans ou nos propres disciplines artistiques, ce qu’il faut percevoir en pleine conscience, c’est-à-dire avec attention et intention, c’est que tout « ça », ce sont réellement « des portes » ! Oui, l'idéal serait que nos « occupations » de l’espace-temps (et c’est là même la fonction de notre « espace tempes ») soient des portes ouvertes, oui, j’ai bien dit des portes, avec leurs charnières, leur poignée et même leur serrure symboliques ou métaphoriques; de celles dont nous gardons précieusement la clef ou le trousseau comme un avare de Molière ; pareillement aux cachetiers ou aux sacristains qui ferment ce que l’esprit a ouvert ; ou pire encore, comme des Barbes bleues ou de tristes geôliers, ceux mêmes qui gardent nos propres prisons intérieures. Si notre vision de la plage ou de la jetée, de la digue avec son emblématique parallélépipède, et si nos vues de l’horizon ou du miroir des eaux ne mènent pas à une réelle « contemplation », alors nous ne sommes que des voyeurs et pas encore des « Voyants ». En fait, nos machines à créer, nos outils ou instruments d’expression, sont en réalité des « passe-partout », comme un ensemble d’appareils pour accéder à plus d’intériorité. Mais le savons-nous ou l’expérimentons-nous ? L’essentiel ici même, comme toute contemplation, c’est l’oblation, c’est-à-dire l’ouverture à soi et aux autres. Ce qui me semble « primordial » effectivement, c’est l’éveil à l’ouverture, avec ses portes béantes comme les grands portails de nos plus superbes cathédrales. Ce sont là des portes qui donnent accès à l’espace sacré qui est en chacun de nous ; en passant du plus profond de notre espace personnel (espace - tempes) au plus profond du cœur ou de l’âme de l’autre. Ce sont des passages de sollicitude et de prévenance vigilante ; des passages comme des goulets faits de belles attentions et de bonnes intentions ; des trouées sur l’amour ou sur la bienveillance, là où, sans arrière-pensée, on devient soi-même promesse, partage, prière ou désir pour l’autre, c’est-à-dire ART ou POÉSIE, dans le respect de tout un chacun. Comme ça, du plus privé en soi au plus public en l’autre, de l’intimité à l’extimité, parce que si l’art et la littérature ouvrent clairement la pensée comme les fenêtres s’ouvrent pour nous aérer, l’Art ou la poésie ouvrent aussi vers l’extérieur. C’est comme dans un processus naturel de capillarité ou d’osmose ; de flux, de reflux et d’influx mutuels ou réciproques ; comme dans une communion intime, semblable à une interpénétration d’os à os ou de côte à côte comme dans le mythe originel d’Adam et Ève. L’essentiel, face à cette triangulation des éléments du rivage, « Terre – Mer- Ciel », c’est, comme toute contemplation, une ouverture bienveillante et libre, parce que les portes dont je parle ici devraient rester constamment ouvertes à l’Autre, comme des entrées et des sorties, des lieux de vie et de transit, des lieux de transformation et même de métamorphose. Parce que les portes dont je parle sans cesse, devraient être des passages comme des passerelles, des embarcadères ou des brèches sur les grandes eaux d’ici, d’ailleurs et d’au-delà… Et à Luc-sur-Mer, comme celles du Moulin, des Marais ou du Quihot… Pas comme de simples descentes vers la mer, mais comme des voies bien trop peu fréquentées, des voies sans âge et sans fond, c’est-à-dire de grandes ouvertures ou des portes étroites selon notre détermination ; comme des passages de l’Intime de l’un à l’intime de l’autre, telles sont les véritables « portes du cœur », tout comme des ventaux s’ouvrent aux quatre vents, à la lumière et aux couleurs du monde. Pas des portails pour jetables, mais de grands battants, panneaux ou volets grands ouverts et déployés vers l’infini et l’éternité, comme des triptyques de retable. Des portes d’une portée considérable, comme des portées d’Anges dans une humble crèche, car nous le savons tous, en tant que parents ou grands-parents, que toutes les crèches sont des passages et des hauts lieux de création. En guise de conclusion, n’oubliez pas, avant d’éteindre vos portables jetables ou de quitter vos écrans trop plats, de penser à voir, en pleine conscience, si votre propre « porte intérieure » est toujours assez aérée, si elle est ouverte ou close, légèrement entrouverte ou bien écartée avant le grand écart… Comme on ouvre un angle, ou ses objectifs dans la vie, comme on ouvre ceux de son objectif en photographie. Et comme pour faire votre propre vernissage, puisqu’il n’est jamais trop tard pour inaugurer une ouverture ou pour initier un premier pas ou un premier essai ; sur les notes d’une ouverture de Wagner, gardez bien sur le cœur et à l’esprit que « la grande porte » de votre propre cathédrale est toujours un espace libre, un lieu de communication et une voie d’accès entre l’Intime et l’extime. Et surtout, là sur le seuil de votre porte, entre l’intime et l’extime, ne cessez jamais de vous estimer. N'oubliez pas que l’ouverture du cœur ou de l’esprit est toujours possible, et qu’il y a un début à tout. Et comme « tout est dans tout », rappelez-vous inlassablement que vous êtes vous-même la porte ou le chemin qui mènent, l'un comme l'autre, à toutes nos plus belles cathédrales englouties ou immergées. Et surtout, là où les chœurs chantent le cœur des choses, ne cessons jamais de voir en tout, comme chez tous, ces mêmes joyaux d’intériorité et d’architecture intime. (1) Références artistiques à « l’Arroseur arrosé » de Louis Lumière, et au « radeau de La Méduse » de Géricault. (2) Luc-sur-Mer, Calvados, France. |
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