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■ L'hiver
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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2015-10-11 | | Ode à La Mèr (1) Marée basse, je plonge dans la vague et je rentre chez moi. Mon entrée est encombrée de sable chaud, encore tout doré des rêves de la nuit. Au porte-manteau, du varech,encore tout humide des grandes saillies de l’aurore. Au salon, la vague déroule son tapis ; ce n’est pas Cannes, mais seulement la marée haute, avec ses écumes qui se répandent comme des mots creux, des coquillages de chairs qui se donnent comme des gestes vains sur une plage sans horizon. À voir, entre le lit des golfes,un fond de galets blancs, et sur ma table de mes chevets, enchevêtrés, gisent,les reliquats de mes nausées nocturnes. Sur mon bureau, un sang d’encre coule encore, mon Bic attend la confluence, pour écrire toute la nuit les fluxions océanes. Le Cosmos tout entier n’est qu’un unique gémissement, un océan de vagues et de symboles écumant. Au-dessus de moi, le ciel se repend à la corde tendue des nuages gris et blancs et mon sang ne fait qu’un détour, comme un raz-de-marée d’équinoxe, tel un chaos sans origine. Sur le parquet, les restes de mes nuits blanches, et mes draps maculés de méduses, à la fibre encore toute perturbée des étreintes nocturnes entre le ciel et la terre. Alors, au réveil, dans un silence meublé de mots pleins de sens, je tente de retrouver les liens, les souvenirs éparpillés, les cris crépusculaires des marins de nuit et ceux des chercheurs de Sens et de lumière. Derrière l’horizon, au-delà de ma cuisine,cela ressemble au laboratoire d’un initié au mystère du Sel, mais ce n’est qu’un mirage, celui d’une noyade vieille d’il y a plusieurs décennies que l’on croirait même y voir couler l’éternité. (...) Le regard pétillant, Le Plagiste semble assez satisfait de la tournure que prend son texte "EMBRUN". L’idée de dédicacer cette logorrhée moite à Sandor Ferenczi, auteur de Thalassa, vient à peine de lui traverser l’esprit, qu’une cliente de l’autel Mona Lisa lui brise les ailes en plein vol ou en plein délit d’écriture, tout comme un vilain policier coupe l’élan du contrevenant, ou comme une contre-vague brise les jarrets du nageur. Là où il a pied, Le Plagiste n’est pas du genre à se laisser interrompre ou distraire pour si peu. Posant son Bic et son carnet de notes sur la table la plus proche, il se dirige vers son interlocutrice pour répondre au mieux aux souhaits de cette vieille habituée de l’hôtel. À son âge avancé, Madame Louise n’a peut-être plus toutes ses jambes, mais son esprit est encore assez vif pour se commander un rafraîchissement, qui viendra comme une source claire exaucer un vœu simple, mais essentiel, se boire une menthe à l’eau pétillante. Après avoir satisfait la cliente et déplié un parasol pour la protéger du soleil de cette belle arrière-saison, Le Plagiste reprit sa place et son texte là où il l’avait laissé auparavant, comme en suspension entre deux vagues et deux petits services. À Sandor Fenrenczi, auteur de Thalassa, psychanalyse des origines de la vie sexuelle. Il existe des dysenteries de Mèr, de douloureuses diarrhées qui vous embrument la mémoire quand les vents se font défis… Il existe des mots, des mots qui sentent la poussière et le sel. Et à la crête de l’âme,au fond de nos entrailles, subsistent toujours les mêmes flux sanguinolents, les mêmes menstrues intérieures. Quelque soit le temps, la couleur du ciel, son reflet dans l’océan, partout,l’homme reste le même à se chercher dans la vague et le vent... À moins que cet athlétisme distraction ne soit « un art », assis à la terrasse de l’hôtel avec son carnet en main, la cursive agile et l’œil contemplatif, Le Plagiste se livre à son sport favori, la poésie ou à une sorte d’écriture intuitive à laquelle il ne peut se résoudre à donner un nom plus précis que "poésie". Incognito comme l’oiseau qui traverse notre champ de vision, il aimait voyager ainsi, entre le Ciel et La Terre, en passant bien sûr de longues heures à planer sur l’océan, comme assis devant un retable, « retro tabula altaris »,en passant en revue le déploiement des colonnes d’écumes et des sculptures de nuages. (…) FLUX L'Océan aligne ses vagues une à une Sur la laisse de mon œil dénudé Leurs grands fusils de sel posés A même l'écume. Lié à la plus haute falaise Les yeux bandés de varech Comme chaque jour J'attendais le GRAND-LARGE. L'Océan a commandé les vagues Et les mille grands fusils de Sel De concert Baïonnette au canon d'Eaux Se sont tournés vers moi Il y eut un silence profond L'Océan a crié FEU ! c'est-à -dire Raz de marée ! REFLUX Lié à la plus haute falaise Le corps criblé de sable chaud Dégoulinant d'algues rouges Sur la laisse de mon œil J'ai vu s'étendre l'Infini Mille aigrettes pourpres Et mille sternes bariolées Mille oiseaux de feu oiseaux de sang Cormorans et macareux Mouettes et foulques flamboyantes Ont jailli de mes plaies ensablées Et comme par routine Les mille fusils de Sel Sont retournés à la Mèr. (…) Une hirondelle de mer se pose sur le papier. De son dos gris et de ses pattes palmées, comme volent les mots, à coups d'ailes elle trace sa cursive. Tout comme Le Plagiste, les oiseaux de mer voyagent entre la terre et le ciel. Rien n’étonne plus notre poète qui connait bien les mœurs de ces grands oiseaux de mer, puisque, huppés, voyageurs, argentés ou bridés, les mots sont des sternes aux rivages de la littérature et de la métaphysique. Sur la terre ferme, face à l’océan, Le Plagiste attend un signe du Ciel. Chimère de chimère, après avoir expérimenté toutes les facettes des mirages et toutes les formes trompeuses que peuvent prendre les apparences, Le Plagiste sait quel’imaginaire est le lieu même de toutes les illusions, là où porteuses de chimères les évidences nous égarent et où les sens nous aveuglent , là où les croyances nous leurrent et où les certitudes nous rassurent en vain. Les pieds dans le sable encore humide des marées de la veille, face à l’océan, Le Plagiste, fait O - raison(eau-raison) car infidèle, la raison nous trompe, mais l’oraison permet d’évider les évidences comme la pelle peut creuser et sonder en profondeur toutes les formes tronquées des miracles. Nos réalités quotidiennes, sont le Lieu même où Méduse comme Sirènes menteuses nous fourvoie de l'os jusqu’à l’oeil, et ça, Le Plagiste semble le savoir depuis sa prime enfance ; mais il sait aussi qu’entre lui et le ciel, il existe de nombreuses médiations, et que c’est là justement que les vagues vaguent et que la mer intercède par ses flux et ses reflux, et que c’est justement là qu’elle se fait l’interface excellente, porteuse de vie comme de mort, à mi-chemin entre le passé et l’avenir, la poussière et le vent, la matière et l'esprit. C’est là , à juste titre, que la mer reste pour lui le lieu le plus « symbolique »,le plus fluant et le plus confluent, afin de lui permettre d’accéder au seuil du Réel. Alors, s’essuyant les pieds au paillasson de varech aux fortes fragrances,il avance dans l’eau jusqu’aux genoux, pour constater que sur la surface de l’eau,quel que soit le temps, la couleur du ciel ou la forme des nuages, la mer reflète leurs reflets changeants, tout comme les mots laissent une odeur de marée après toute écriture. D’ailleurs, en français, le mot « Laisse », qu’elles soient de haute mer comme de basse mer, ne signifie-t-il pas aussi ce lieu frontière, cet espace intermédiaire ou cet état limite des eaux que la mer laisse à découvert après chaque marée. C’est donc sur cette ligne de marée qu’il lui faut écrire, et si la marée oscille entre les hauts et les bas, il lui faut aussi laisser ses propres mots-galets, ses mots-coquillage ou mots-étoiles de mer, là où il se retire. Tout comme, l’intuition laisse ses alluvions sous forme de sensations comme le pied laisse son empreinte ensablée et comme le sels’incruste après le bain dans toutes les profondeurs de l’être. (…) Comme un retable au chœur d’une cathédrale, le paysage se structure et se dispose tout autour en registres et en volets. C’est ainsi que face à l’Hôtel Mona Lisa, la terre, l’océan atlantique et le Ciel se déploient verticalement et horizontalement comme les retables se déploient derrière les autels, là où l’or des sables se mélange à l’ivoire des nuages pour se jeter enfin dans l’émail des eaux. Le Plagiste connait tout de ces verticalités, lui qui éprouve depuis toujours le trip des triptyques, et qui du matin au soir avec le fil à plomb de son écriture, se joue des verticales et des diagonales métaphoriques de cet immense retable naturel. Dans le fond de la baie de La Forêt, Cap Coz se love comme une orchidée dans le terreau de cette Riviera bretonne. Sur la plage, vêtu de son crépi blanc, face à l’Océan, l’hôtel se dispose humblement, mais sûrement pas à la manière d’un palace du sud. Pratiquement, à trois parasols de la plage, seule une terrasse entourée d’un petit muret sépare l’hôtel du sable. Pas d’angle mort, à 180 degrés, la vue sur la baie et l'océan est totale. C’est une situation d’excellence sur la baie de Fouesnant, avec une vue imprenable et sublime pour tous les contemplatifs en manque de panorama lumineux et d’images fortes. À environ 20 km de Quimper, entre Benodet et Concarneau, l'Hotel Mona Lisa,bénéficie bien d'un emplacement exceptionnel où les habitués bénéficient de la plus merveilleuse des vues. Et sans entrer dans les détails de la carte, la cuisine y est bonne, et d’ailleurs, l’hôtel porte bien ses trois étoiles comme l’hôtesse porte avec distinction ses trente années de loyaux services. D’hôte en hôtes, entre marées hautes et marées basses, l’Hôtel Mona Lisa vit sa vie d’hôtel, pareillement à son Plagiste qui ne cesse de vivre sa vie de poète. (…) Comme la trop fameuse Rose de Jéricho, cette si belle Selaginella lepidophylla qui peut rester des dizaines d'années recroquevillée sur elle-même comme une vulgaire boule végétale, sèche et rabougrie ; Le Plagiste connait lui aussi ces périodes de grandes sécheresses. Dans sa vie, il a connu de grandes austérités pires qu’aux déserts les plus chauds, avec les lèvres tellement sèches que parler y devenait un calvaire, comme un supplice au jardin de Mirbeau. Avec des veines asséchées jusqu’à la lie et des encres de sangs comme brûlés par la lampe du bureau. Il a connu le pire avec des lacrymales qui en viennent à pleurer du sable, une langue aussi aride que le Sahel le plus stérile, plein de cailloux et de mots secs comme le fouet de Sade, comme saignent les mains de l’esclave contre la tige amère des matraques arbitraires. À sac et à sec, nu et vif comme le salaire de l’écriture qui se paie de lignes de gerçures et qui craquent comme un vieux crépi sur d’anciennes lézardes. Sec comme le cœur d’un riche devant la misère la plus grande ; sec comme la honte et le scrupule qui viennent racornir jusqu’à nos moindres émotions. Stérile et dur, il a été lui-même, quand le mal d’écrire se faisait aussi cassant que du verre et que se desséchait son geste jusqu’au trait de la cursive. Sec comme un injuste jugement , comme un vain sacrifice, une infâme siccité de l’œil et des sens. Sec comme une cerise dans un drink du Ku Klux Klan ; sec comme un huissier devant une porte fermée ; sec comme un jardin déforesté, comme une raison pure ou comme peut l’être un temps de guerre tout baigné de sang. Sec comme un fil barbelé, une censure artistique ou journalistique, comme un manque d’amour, un vide d’enfant, un dogme ou une dictature… Mais il suffit du bruit d’une seule vague pour que Le Plagiste s'épanouisse et s'ouvre de nouveau à la vie en quelques instants seulement. Dans ces moments étoilés où l’onde se répand, Le Plagiste peut oublier toutes les longues périodes de stérilité, de solitude ou d’ennui, quand il n’était plus lui-même, c’est-à -dire qu’il n’était plus qu’une vulgaire boule de nerfs, un os ou un nodule rabougrit avachi autour d’un crayon sec, sec comme une rose au purgatoire. Mais à la plus petite vague d’intuition, au moindre embrun intérieur, au plus fugace ressac, loin de l’enfer de Dante et du désert de Chihuahua, il peut alors redevenir logorrhées, fleuve ou torrent ; refleurir du jour au lendemain comme une plante de la résurrection, et renaître ainsi de ses propres cendres comme ladite fleur de rocher. Car La Mèr a en elle cette identique capacité de revitalisation, cette même capacité de redonner vie aux milieux naturels les plus inhospitaliers ou les plus déshydratés, afin de permettre aux choses et aux gens de reprendre racine là où ils en sont après une trop longue période de désert et d’aridité. Marée haute L’eau envahit mes sens C’est-à -dire Qu’elle donne sens aux choses Et dirige mes pulsions comme mes pulsations. Marée haute Sur la plage comme en mer Il y a les fils de Poséidon « les fils à papa » Pleins de réponses sur mesure Et de solutions toutes faites. Mais il y a aussi des hommes de la Mèr Des fils à Mèr Des fils amers Qui se posent des questions Sans réponses. Temps-tête de tempête Tout n’est que tempête ! Né sous le signe du trident Et de la Manche Je suis l’un de ces fils Ballotté de vents et de vagues Se brisant sur mes côtes Fragiles Au confluent des eaux claires Et des eaux plus saumâtres. (…) (1) Extrait de Mèr 1972. La Mèr, représentent la somme de plusieurs années de notes et de réflexions, c’est-à -dire plus ou moins « huit mille pages » de flux. Dans les années 70, au sujet de ces logorrhées marines, le comité de lecture des Éditions de l’Athanor de Paris écrivait au Plagiste ce qui suit : " On ne peut qu'admettre cette poésie, ou la rejeter. Elle nous ouvre un monde composite, éclaté, ravagé, reconstruit par les trouvailles du langage, qui cependant, donnent l'impression, à la fois, de la circulation cosmique et d'une sorte d'expérience surréaliste avec, à la clé, le "dérèglement de tous les sens". Pour décrire son "moi", par exemple, Reumond montre un goût de l'audace qui rejoint l'éblouissement de la vérité. Pas de quartier, pas de choix, apparemment, devant ce qu'accueille son conscient et son inconscient ! La jonglerie des mots, de toute façon, révèle ici une recherche acharnée dans le besoin de se dire - jusqu'à une révélation attendue, qui ne vient d'ailleurs pas. Mais subsiste la pulsation de ces poèmes, lançant dans leur détraquement leur monstruosité cosmo physique, une sorte de défi au vide. Un ensemble très intéressant. C'est pourquoi nous envisagerions avec plaisir son édition dans notre collection de : "Poésie". Nous pensons aussi que la qualité de la poésie de Reumond mérite que celle-ci soit présente dans notre "Anthologie la Poésie française contemporaine". « Subsiste la pulsation de ces poèmes, lançant dans leur détraquement leur monstruosité cosmo physique, une sorte de défi au vide. » De tout ce fatras d’éditeur, Le Plagiste ne retient que ce passage où il se retrouve, comme on se retrouve dans une vieille missive oubliée entre les pages jaunies d’un vieux livre. En l’occurence, le Livre en question était une édition originale de l’ouvrage d’Émile Vehaeren, Les forces tumultueuses (Mercure de France – janvier 1902). « Loin des yeux, loin du cœur » Psalmodient les vents dans les voiles qui s’éloignent. Alors, pour mieux se rapprocher du cœur des choses, Le Plagiste, dès l’aube, se gave le regard de brumes matinales ; les cils et les sourcils encore frissonnants de la fraîcheur du petit matin, il ouvre tout grand les sens de son être pour se laisser remplir d’horizon ; à s’en saturer le plus noir des pupilles, à s’en lasurer les paupières de mille firmaments bleutés, en s’en laissant combler, débordant de toute part. Même durant la nuit il se laisse faire par les bruits de la Mèr, ouvert à s’ouvrir béant les yeux comme on dégage de leur gangue des mollusques fraîchement pêchés dans la baie. Il se laisse façonner, à s’en taper dans l’œil avec les coups du sort ; levant les yeux comme s’exhausse l’ascenseur pour exaucer nos vœux ; en couvant du regard la plage, de gauche à droite, à portée de vue et d’espérance, comme roulent des yeux de galet, il se laisser porter comme l’enfant confiant dans les bras d’un parent. Il se laisse faire, à se laisser remplir les orbites de visions crues, nues et vives, à se déchausser les globes, à s’en teindre le blanc de l’œil avec tous les verts et les bleus des eaux ; ouvrant béant les paupières comme on pose un décor avant de tirer les rideaux de l’aurore d’un océanique théâtre. Il joue le jeu, celui des sens tout déployés ; plein la peau, les mains, les oreilles et les yeux, tel est son leitmotiv au saut du lit. Comme le fil de chaîne d'un métier à tisser les pensées, dès le matin, il est tendu horizontalement et verticalement attentif pour servir lui-même de support à la trame des jours et pour soutenir le tissu de ses pensées formées dans l’épreuve des eaux. Sous l'effet du vent et de l’esprit, ce sont les fils des vagues qui se nouent et de dénouent à la trame des jours, et qui soutiennent le flux et le reflux, déformant la surface plane des eaux et les états d’âme et de consciences du Plagiste. (…) Il y a des vagues qui accourent comme des mots qui reviennent sans cesse et des phrases qui sentent même la marée. Quand les ondes de la marée rencontrent les ondes de la pensée, et quand le train de la vague charrie le flot des mots, il éprouve souvent de grandes houles de conscience, tout comme l’Océan connait ses propres tsunamis et ses raz-de-marée. La Mèr flue, créant chez lui des turbulences et des courants de tête, comme il existe de grands courants marins, parce qu’en vérité la poésie est elle-même sujette aux mêmes phénomènes que les eaux de la mer, ce qui est d’ailleurs commun à toutes les ondes, l’est aussi à toutes les formes du langage, aux pensées, aux mots et aux images : réflexion, réfraction et diffraction, participent pareillement au flux de cranes et au flot des mascarets. (...) Il nous faut suivre son cours Sa démarche salée Sa raison de fluer. Suivre l'alphabet de ses gestes liquides Du rivage de nos sens Au Grand-Large de son Sein. Il nous faut épouser les formes De son corps et nous pénétrer de ses remous Et parcourir en ELLE, des sillages plus symboliques que symphoniques. Il nous faut rompre la chaîne de nos attachements Nous déposséder de tout et surtout De nous-mêmes Partir à la dérive en des mondes vasculaires Rouge d'un sang neuf, lumineux Comme l’étincelle dans un regard de corail. IL NOUS FAUT LA Mèr Combler le vide de la vague Avec des mots trop vides pour arrêter son geste. IL NOUS FAUT LA Mèr Cordon d'écume, beauté perlée, comme Un lien entre nous et le Monde. Désespérance des mots-clés, du clapet froid Qui n'ouvre que le champ de mes pensées. Boire la rosée sperme-embrun A même la lumière torsadée. Tisser des poèmes-mâture À hisser des frissons dans le vent. Ventre des marées pleines de noyés énormes Parfum des varechs et des lunes-oasis. Rythme à flots d'eaux De laits de mots Symboliques et moites. Grande aventure éclaboussée d'écumes Et de sangs, bombardée de regards neufs. Silence démonté comme Mèr en chaleur Éternelle palpitation Éternel ruissellement intérieur. Un esquif de trop et un mousse trop moi Dans l'onde maléfique d'un Océan trop charnel. La vague, bandée comme un arc humide Et moi, bandé comme un mât turgescent Bic plein de mémoire. La vague est sensuelle comme une nuit étoilée Et moi, pauvre mousse déchu du droit de fils Nageant à la surface de mes idées folles. Le regard ensablé d'un sable sanglant Fasciné par l'hypnose moite des vagues Plus démontées que jamais Plus montées que légions de sirènes. La queue schizophrène éclatée sur son lit Comme la chair après la guerre des ondes Plus écartelée que fuseaux de lumières. Les bourses pleines de jazz-vague Et de rythmes 2/4 de sel et d'azur De 12 mesures à pleines marées 3 harmonies pleurantes Ciel bleu Si bémol flux tiède Mer verte Mi bémol d’un temps de reflux Terre dorée Fa 7e de dominante Flot-blues triste à noyer Ses rêves dans la mer bleue Savonnée d'écumes qui perlent A même ma peau-cri tatouée de mot-embruns Et des cendres encore chaudes d'un langage à naître Phénix. Iris-bourgeons œil corail Un instant poétique fixé Au vide Dans l'éclaboussure Des vomissures du LARGE. Trombe d'eaux dans ma gorge fendue Tendue comme lèvres d'agonie Vers l'Immaculée Aux poitrines-nébuleuses. Saillies-jazz coïts-blues À dissoudre la chair Aux nappes de l'Éternité. Iris-bourgeons phosphènes de plomb Au ventre de l'Infini Dans ma tête fêlée. Ciel corail larme-cristal Sang et sperme caillés Dans le grand tourbillon de l'Océan Plus ORIGINEL que flux original Tiède et suave naissance Des flux et des raz ainsi que des mots-notes sur la VIE VÉRITABLE. Un mal de Mèr Absolue un mal noir Sec et froid De part en part me martèle le ventre Jour et nuit … (Extrait de Mèr - 1970) Une crampe freine sa main gauche, oui, comme trop souvent, il aura écrit toute une partie de la nuit. L’encre sèche encore au bout de ses doigts, douloureux comme une banale atrophie, et des calculs viennent se lover comme crottes de sable aux coins de ses yeux éreintés. Le regard n’y est plus, l’horizon devient trouble … Le Plagiste est fatigué d’avoir tant navigué entre les mots et les rochers saillants. Il ferme son cahier et s’allonge sur son lit en regardant les spirales de lumière qui se jouent de lui sur le plafond de la chambre. Le Plagiste n’a jamais été trop sensible aux apparences, les évidences l’inquiètent tout comme les convictions le terrifient ! Il y a en réalité en lui une réelle fascination pour les questions, pour l’inconnu, le doute et l’étrangeté. Ce qui captive entre tout Le Plagiste, chez les autres, c’est justement ce qu’ils ont d’étranger au-delà de leurs certitudes, de leurs croyances erronées, ce qu’ils ont vraiment à eux entre la tête et le cœur, ailleurs, au lointain, dans cet entre-deux où la vie même se déploie et déploie ses propres parasols et ses chaises longues, pour faire de l’ombre aux vérités illusoires et allonger ainsi les évidences comme le ferait ce bandit de Procuste afin de les évider, de les creuser plus encore, de les allonger ou de les raccourcir, selon. Son autre nom de poète ou de plagiste pourrait être celui du « très nuisible » Polupemôn, ou encore celui de Damastès, ce dompteur de croyances. Plagiste à ses heures et poète à toutes les autres, n’est-il pas lui-même le fils prodigue de Poséidon, Dieu des sources, des mers et des océans en furie, et tout comme Poséidon, son principal outil n’est-il pas une sorte de « trident » , dont l'ensemble des trois dents reste lié sans se croiser, chacune de ces dents ne pouvant être détachés de l’ensemble du trident sans perte d’identité ? Le Plagiste, en nommant ainsi chaque dent: Le Ciel (le Réel), La Mer (le Symbolique) et La Terre (l'Imaginaire) tous les trois lié par l’esprit même de la matière, plante son trident au cœur des sables pour s’orienter et s’en servir comme d’un fil d’Ariane ou plutôt comme d’un sextant. C’est ainsi que dans l'hindouisme, ce même attribut du dieu Shiva concentre dans chacune de ses pointes : la création, la permanence et la destruction. Le Plagiste ne l’ignore pas, et d’ailleurs comment pourrait-il l’ignorer, lui qui l’expérimente jour et nuit par la chair et l’esprit ! Qu’ il écrive, qu’il dessine, qu’il sculpte ou qu’il s’éclate au piano, la jouissance est immédiate ! C’est pareil à une disposition de l’être tendu vers un but qui souvent s’ignore lui-même, comme un chemin qui se chercherait des limites à l’orée de ses traces. Comme la conscience et la jouissance passent toujours par les trois sens : sensation, signification et direction, par : - Des sensations et des sentiments propres au « Je » - Des représentations ou des significations liées aux « Jeux » - Et enfin, des directions ou projets (objectifs) associés aux « Enjeux » Les trois sont « inséparables » et essentiels l’un à l’autre, comme les anneaux borroméens le sont entre eux et l'un vis-à -vis de l’autre. La conscience elle-même ne peut se concevoir sans cette triple liaison en trident qui fait de tout être vivant une sorte de trinité à lui seul ! Tout se tient, tout est lié et tout est par là même de l’ordre de l’analogie, comme entre le trident, les anneaux de la famille Borromée ou le triptyque Terre-Mer-Ciel. Si Le Plagiste imagine « Des vagues de chairs qui clapotent contre la falaise nue », il n’est pas dans le pur imaginaire, car la pure imagination relève de la chimère, il y a dans son énoncé, « Des vagues de chairs qui clapotent contre la falaise nue », toute une de symbolique (La Mer), qui dit elle-même quelque chose du Réel (Le Ciel). En fait, notre réalité personnelle est toujours lié aux autres dimension ou composante du Réel, comme « je » ne peut se concevoir sans « tu », comme en tout cas sur Terre, un océan ne peut s’entendre sans rives et sans horizon (Ciel). (…) Le Plagiste connaît sa propre densité et sa teneur en eau polluée, un peu plus de soixante pour cent, et cela est sensé faire de lui un être vivant ! Quelle que soit la planète d’où l’on vient ou celle où l’on va, il y aura toujours des cieux pour nous permettre de rêver, et une terre pour nous enraciner ici ou plus loin. Oui, puisque nous sommes fait d’eau de comètes porteuses comme des mères accueillantes, et d’un poussier d’étoiles aux mémoires lumineuses, quelle que soit la planète d’où nous venons, ou la planète où nous allons, il y aura toujours un ciel, une terre et de l’eau, en nous et hors de nous, pour nous rappeler que nous ne sommes rien d’autre que des porteurs d’eau et de lumière. Comme nos trois états : de conscience, d’âme et d’esprit, notre composante aqueuse connaît elle-même trois états différents : liquide, solide et gazeux. Et pareillement, ce sont les accumulations de gouttelettes de pensée dans l’air qui donnent de la conscience et de la consistance aux choses, c’est l’état pétillant de nos pensées qui fait l’esprit d’une personne et toute la rigidité de nos idées qui rend l’âme froide et cassante. Nous avons tous en nous de l’eau, des vagues et des nuages, des sources inépuisables et des sécheresses saisonnières. Alors, tirons la langue au temps et surtout au contretemps. Dehors, l’air de rien, le temps tète l’espace, les têtes s’entêtent et les tempes pètent. Tempête de cerveaux tout autour de nous, tout n’est que tempête ! Même ici en Bretagne, au bord de l’océan, depuis que le mot Banking est devenu plus porteur que le mot « Tendresse », tout roule à contresens, et plus rien ne semble tourner dans le sens de l’aiguillette du cœur : les riches roulent les pauvres, les forts roulent les faibles, et jusqu’aux gauchistes qui roulent de plus en plus à droite, plus rien ne roule dans le sens des roues de l’âme. Tempête de cerveaux tout autour de nous, tout n’est que tempête ! Autour de moi, pauvre mousse aventureux, esseulé sur cet esquif en perdition, taillé à même les mots dans une banquise condamnée à se dissoudre dans l’océan du verbe, je me laisse porter par les vagues. Elles sont des millions, porteuses comme des chevaux de vents, déchaînées, brisantes et humides, car elles sont aussi abondantes que les images au grand livre de l’imaginaire, ces grandes bourrasques moites qui jaillissent comme des idées fixes à même mes yeux de voyeur saturés de visions. Elles tempêtent, aussi nombreuses que les coups de fouet du ressac sur mes chairs nues, comme sur une roche humide d’embruns incessants. Comme les mots affluent, les vagues fluent et refluent, influentes, opérantes au chœur du flot des mots comme au cœur de la vie même. Elles seraient cent milles selon les syndicats de pêcheurs, dix mille selon la police, mais bien plus d’un million selon Le Plagiste. D’où cette nécessité première de savoir compter et lire sur les vagues et les écumes comme d’autres voyageurs indigents et aventureux ont appris à décrypter le langage des mers, pareillement au sourd qui consulte les lèvres ou à la voyante qui scrute les lignes de la main. Notre Plagiste quant à lui, a le phare de Penfret comme boule de cristal. Situé à l'extrémité nord-est de son île dans l'archipel des Glénan, accolé à une maison, le phare est là , dressant sa tour blanche comme un petit parallélépipède de mer, surélevée d’une lanterne rouge comme un gland dans la nuit noire. Il aime s’y promener, seul dans l'enceinte de l’ancien fort protégé de ses douves, il s’y sent éveillé et comme revivifié pour quelque temps. (…) La question du fondement charnel des mots, de l’origine des mots ou de la source originelle d’un micro ou d’un protolangage, préoccupe Le Plagiste et son propre locuteur, moi-même en l’occurrence. Comment remonter jusqu'à la formulation intérieure des premières pensées, c‘est-à -dire d’un langage premier pas encore ou pas vraiment articulé ? Depuis qu’ils parlent « bébé », aux choses, Le Plagiste et son locuteur se sentent rajeunir ! Quand ses parents lui parlent, l’enfant se sent vivant ! Il en est de même du langage de la Mèr, quand elle lui parle au cœur et au corps, Le Plagiste se sent aussi vivant qu’il peut l’être. Comme dans un moment des plus solennel de la liturgie marine, Le Plagiste se sent à sa place, comme introduit dans la relation Terre-Mer-Ciel. Pareillement à une divine liturgie où le Fils (l’Imaginaire) s’offrant lui-même, nous offre similairement au Père (Le Réel), dans une démarche sacramentelle, c’est-à -dire « symbolique». « L’enfant apprend le langage parlé en voyant sa mère (ses parents) parler » souligne Françoise Dolto, En elle, avec elle et pour elle. Ce qui rappelle au Plagiste cette doxologie trinitaire prononcée à la messe par le prêtre pendant qu’il tient élevé la patène et le calice en geste d’offrande « En lui, avec lui, pour lui… » comme le soleil se tient sur Terre à l’horizon des eaux ou au zénith des Cieux, fait écho chez le narrateur que je suis. « Dans l’unité du Saint-Esprit » À la Messe, au cœur de la conclusion des prières eucharistiques, cette doxologie donne tout son sens aux mots « verbe » et « communion », car l’ordinaire de la messe, c’est aussi l’ordinaire de la vie et donc l’ordinaire des eaux et des vents. C’est en voyant sa mère parler à ses pairs que l’enfant saisit le langage par le bout de la mère. C’est ainsi qu’il devient « causant » c’est-à - dire producteur lui-même de cause, et créateur d’un causé. On pourrait aller jusqu’à dire que Le langage opère par la mère comme le Verbe opère par le Saint-Esprit. Dans ce mouvement trinitaire, la geste des eaux, c’est en quelque sorte la parole des vagues exprimées dans l’élan des vents ; il en est de même quand la mère introduit l’enfant au dialogue avec le père, et quand sur Terre, le ciel converse avec la mer. Pour les enfants que nous avons tous été, le langage des mots ne devient « saisissement » que lorsque nous avons « le sentiment d’être » introduit dans la relation et partie prenante de ce même rapport. C’est ainsi que « les filles ont la langue bien pendue », souligne Françoise Dolto, parce que justement elles n'ont pas de zizi » et qu’il « faut bien qu'on (les) remarque (par) autre chose. » C’est ainsi qu’en général, les filles parlent plus tôt que « les ornés » (Dolto), sauf quand ces derniers ont tellement envie de « s'introduire » dans la relation entre le père et la mère qu’ils prennent la parole en ostentation. La conversation est de cet ordre-là : elle est ostentatoire avant d’être « conversation » C’est en écoutant de sa chambre l’océan que Le Plagiste a repensé comment l'enfant qu’il était en est venu au langage poétique, et à l'avènement du langage écrit dans sa vie quotidienne. Pour votre propre gouverne, sachez que les grands écriveurs comme les grands navigateurs ont en eux ce même mouvement incontrôlé et incontrôlable ; puisque sur Terre comme sur Mer, il semblerait que le fait d’écrire ou de naviguer relève l’un comme l’autre d’une même procession : « la dérive ». Alors, comment parviendrait-il, pauvre Plagiste, à éponger ces huit mille pages d’écriture et toute cette Mèr à boire ? Comment la conjuguer à tous les espaces - temps de tous les espaces - tempes de plus de dix mille verbes conjugables à l’infini ? Comment vider la Mèr avec la petite cuillère d’un Bic ou la louche (les touches) d’un clavier ? Puisque La Mèr est en elle-même la femme - source du langage et de la vie, et que la vider ou de s’y vider, reviendrait inéluctablement à la remplir ( ce qui relèverait en quelque sorte d’une sorte d’ inceste textuel !), tout comme de l’étancher reviendrait à l’arroser de sa propre salive, à l’humecter de ses sueurs, à la mouiller de ses encres, jusqu’à la tremper de ses propres humeurs d’écriveur ou de navigateur ? Ainsi, est-il impossible de la résumer ou de la réduire à quelques langues ou à quelques mers mortes ; car à l’infini et pour l’éternité, La Mèr comme Source de la Parole en est aussi une ressource d’une infinie profusion. (…) Les langues d’eau et de feu s’épousent et se mélangent ; si l'origine du langage comme l’origine des eaux suscitent toujours autant d’intérêt chez les savants comme chez les trappeurs de mots, les logorrhées du Plagiste relèvent elles aussi de la même quête de la Langue mère (Mèr), cette Mère qui est à l'origine de la parole, comme les langues mères sont à la source de toutes les langues. Le plancton serait-il le miel des eaux comme les mots sont au langage ? Si l’homo sapiens est advenu à la parole, s’il cherche ses mots comme un bateau cherche son port, c’est qu’une parole est inscrite dans cette conscience qui déborde et traverse l’espace et le temps de notre nature biologique. (…) Illusions, allusions, alluvions … émotions, en strates de mots ou en couches superposées ; on n’en revient toujours au Verbe fait chair, à un « langage-matrice » qui serait à la source de tous les êtres et de toutes les choses nommées ou encore innommées. Prolixité et verbiage ne font donc qu’un, un langage originel où logorrhées et marées auraient la même source, où ils écumeraient d’une même semence de Parole. (…) |
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