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Poezii Românesti - Romanian Poetry

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Angela Nache Mamier:Celebratio(Editions Kogaïon)
article [ Livre ]
postface écrite par Nicole Pottier

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
par [angegab ]

2013-04-05  |     | 



UNE POÉSIE SALVATRICE TOUT
AUTANT QU’UN CRI DU COEUR
Ce livre, qui fait suite à «Dolor», est une célébration de la Vie en
même temps qu’un chant d’amour à l’adresse de la Roumanie authentique,
loin des chants à la glorification de la patrie (Cântarea României)
de l’époque du dictateur.
Le recueil se divise en deux parties, la première partie s’intitulant
d’ailleurs «celebratio». Ecoutons cette voix condamnée au silence sous
la dictature et qui avec tendresse et sensibilité brosse de véritables archétypes
au travers de portraits – plus intimes – de ses ancêtres: grands-parents,
parents, (ainsi que nous le signalent les dédicaces de ces poèmes),
en une Célébration – «Celebratio» – titre de l’ouvrage: A ma grand-mère
Floarea: „Cette femme sèche ne se plaint /Jamais… Elle se nourrit à
peine/Courbée sur son tabouret trop bas“ («la Veuve»), à mes grands-parents
Ilusz et Mihaly: „Les deux petits vieux /S’appuient l’un sur l’autre…
Ils se reposent un petit instant / Sur le banc vieilli“ („Les inséparables“)...
Gens simples, humbles, dévoués à leur tâche, c’est là toute l’âme du peuple
roumain que nous (dé) livre l’auteur dans de beaux vers aux doux
accents de la nostalgie de son enfance. „Monter les poneys de l’innocence
/ Boire la mousse chaude du lait“ („Pluie de farine de maïs“).
La poésie est le lien qui relie l’homme à son âme, elle se transforme
chez l’auteur en un exercice de mémoire qui peint lieux et paysages
dans l’évocation de scènes de la vie rurale, dans leur labeur quotidien.
Nous retrouvons là les thèmes de la famille comme cellule constitutive
de l’être, mais aussi ceux de la nature, à travers les forêts et les cours
d’eau, des rites traditionnels lors des fêtes qui rythment la vie: „La
matronne a des mains âpres / Trait, pétrit des pains / Laboure les lopins
de terre.“ („La patriarche“), „Des femmes (tapent) au lavoir / Blanchissent
les corsages fleuris / Dans la clarté des torrents.“ („Brassées de chanvre“).
La Roumanie devient un espace-temps et l’auteur, dans ses
références culturelles roumaines recouvre son identité (roumaine) dans
cette mémoire séculaire où la poésie explore la nostalgie, l’univers du
dor, de la complainte, la doïna, avec les thèmes de la culture populaire,
chers à Eminescu, éléments clefs de la littérature roumaine:
„Je me suis
laissée/ Noyer dans l’odeur / Du blé“ („Balade“); „les forêts dorment
paisiblement / ensevelies sous la neige“ („Le sommeil des forêts“). La
Roumanie est également personnifiée dans l’image de la maison, mèrepatrie
en tant que foyer séculaire et havre de réconfort „Chercher la petite
forêt vierge… Toucher l’arbre berceau et tremplin … Revoir le puits encerclé
de fougères … Revoir la petite chaumière / Bleu, blanc, ciel“ („Casa“).
Angela Nache Mamier célèbre aussi la femme dans son recueil.
Tout au long des poèmes, nous voyons la jeune fille qui s’accomplit, se
marie et devient mère. „De jeunes pucelles / Prennent leur contour virginal
/ Dans les matrices des noces“ („Hora la ronde“), „Ils acquiescent
à l’union / Comme il se doit“ („Eclats de noce“).
Dans le poème „Mater“, la femme se métamorphose en Mère. L’auteur
utilise en parallèle la métaphore de la récolte féconde des blés mûrs
à point, transformant ainsi en archétype de la terre mère nourricière cette
Mère, qui lors de la mise au monde, perpétue la relation essentielle – cette
„exceptionnelle rencontre“ – avec son enfant, l’inscrivant dès sa venue
au monde dans la continuité des générations et du savoir: „Moi, la Génitrice
du fils / Découvrant mon enfant / Quelle exceptionnelle rencontre“
(„Mater“).
Cet achèvement est précurseur d’un avènement: quand un cycle
finit, un autre naît. „Faites disparaître les mauvais instants / Brûlez-les
au-dessus de la terre“ („Incantation“)
Et dans la deuxième partie, nous assistons au départ pour l’exil de
la poétesse et ses adieux au pays, où le regard glisse hors du temps, „Les
genoux hésitants / Portent les valises lourdes / Et torrides de la vie.“ („Au
revoir les parents“), départ vers l’hexagone avec deux enfants et deux
valises: „Une nouvelle vie dans un clin d’oeil / Cyclonique. / Blottis, un
peu ridicules / Avec leurs coeurs – menhirs de rubis“ („Coeurs menhirs“)
dédicacé à ses deux fils, à la merci d’un destin incertain: „J’arrive à te
dire qui je suis / Qui es-tu vraiment?“ („Sur la route“), passage également
des ténèbres vers la lumière avec la nécessaire métamorphose du
poète face à sa nouvelle réalité: „Le droit au bonheur oscille/ Entre les
tempêtes et le ciel clair / Car rien ne ressemble plus / Aux débuts“
(„Humaine“).... sans pour autant renier ses origines: „J’habite le passé,
je l’appuie/ De mes paupières“ („Les fontaines de la mémoire“). Et ce
regard plonge dans la lumière crue d’un monde dévoilé au travers d’instantanés
qui nous éblouissent dans une „contre- vision“ au travers d’écrits
qui se veulent témoignages. Ce sera à nouveau la Roumanie, mais cette
fois-ci dans la vision de l’autre, qui provoque une nouvelle confrontation
avec soi-même: „Cet enfant roumain et tzigane / S’accroche … Il
vient à peine de quitter / Les jupes de sa mère mendiante“ („Enfant du
vent“). Voici donc la dure réalité de ces compatriotes qui essaient de survivre,
à la merci des vendeurs de rêves ensanglantés et faux-monnayeurs
du bonheur: „Leurs comparses / Accrochent à leur gorge / Des idylles
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moribondes…(De) ceux qui les vendent / Dans les vitrines du sexe – /
L’esclavage, l’amour monnayé“ („Filles de l’Est“).
Et pourtant... Ce sont ces mêmes racines qui donnent la force à
l’auteur de continuer plus loin dans sa quête du bonheur, vers la lumière
de cette célébration de la vie. „Les bleus de la chanson / Sans adresse /
Sont la mesure de la honte / D’où nous allons tirer la force /Si nécessaire
pour rebondir, / Et saisir les joies du monde“ („Au-dessus“). La poésie
se fait catharsis, exutoire des émotions et du trop plein de vie, les souvenirs
d’enfance étant les semences de cette mémoire qui laissent place
maintenant à une moisson féconde, la famille s’agrandit avec les naissances
heureuses des petits enfants, et dans cette génération mixte aux
deux pays, l’intégration est réussie. „Cette femme attend stupéfaite et /
Blanche / Le miracle de la naissance.“ („L’arôme du sein“) poème dédié
„A mes petits enfants franco-roumains: Leïlou, Willyam, Nicolas, Léo,
Erine, Iris, Juliette, Maélie“.
Roumaine, femme, et poète: au travers de ses trois composantes,
Angela Nache Mamier livre un très bel hommage à son pays, ses racines
et ses ancêtres, ainsi qu’à la Vie toujours porteuse d’espoir et de lumière,
en une lyrique parfaitement achevée et contenue, toute en dignité et clairvoyance
loin des clichés et de tout sentimentalisme débordant. Célébration
et témoignage tout à la fois, empli d’humanisme, ancré dans la réalité
comme l’est notre pain quotidien. Une poésie salvatrice tout autant
qu’un cri du coeur.
NICOLE POTTIER








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