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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2013-03-04 | |
Mon travail porte sur les changements à l’œuvre dans le français contemporain. Mon objectif est de dégager des tendances dans l’évolution du lexique français et de rendre compte par la même occasion des facteurs qui les ont favorisées. Cela permettra de voir en quoi le français est ou peut être un vecteur de diversité culturelle et civilisationnelle.
J’ai travaillé à cet effet sur un corpus formé des chroniques d’Yvan Amar, un journaliste à France Culture qui, chaque semaine, depuis 1998, précise les usages d’un mot ou d’une expression de l'actualité. Le corpus est représentatif quantitativement et qualitativement. Quantitativement, parce qu’il réunit des chroniques qui couvrent plus d’une décennie. Qualitativement, parce qu’il contient des mots et des expressions appartenant au langage des médias, un langage qui se situe à mi-chemin entre la langue courante et les langues de spécialité et sert en quelque sorte de relais linguistique et idéologique. Et puis, le critère même qui a présidé au choix des mots, l’actualité des faits dont ces mots se font l’écho, confère au corpus un caractère unitaire. Cadre théorique 1.1. - Pour commencer, je préciserai le prisme théorique à travers lequel j’ai appréhendé le changement linguistique. Pour cela, je me rapporterai à Ferdinand de Saussure, à Eugenio Coseriu, à Antoine Meillet et à une équipe de recherche (formée entre autres de Louis Guilbert, Jacqueline Bastuji, Marie Françoise Mortureux et de Christiane Marcellesi) travaillant sur le néologisme et le procès néologique. À F. de Saussure, pour avoir distingué la dimension évolutive de la langue de son aspect statique et pour avoir forgé les termes de diachronie et de synchronie. Corrélativement, pour avoir créé les termes d’état de langue et de phase d’évolution dont la portée descriptive et explicative n’est pas moins grande. À E. Coseriu, pour avoir nuancé la position de Saussure. Ainsi au changement vu comme fait isolé, distinct de l'équilibre précédent et subséquent de la langue, Coşeriu oppose le changement vu comme continuelle construction du système. Pour lui, le problème du changement se pose du point de vue de l’activité de parler et du point de vue de la langue aussi et consiste à établir les conditions dans lesquelles la liberté linguistique rénove la langue et la manière dont la langue s’adapte aux nécessités expressives des individus parlants. À A. Meillet, pour avoir remarqué que chaque différenciation sociale peut se traduire par une différenciation linguistique et que chaque profession et même chaque activité transitoire déterminent des parlers spéciaux. Et non pas en dernier lieu, pour avoir mis au jour les deux tendances en jeu dans la langue, l'une vers la différenciation, l'autre vers l'unification. Dans le cadre de l’équipe de recherche, je me rapporterai à J. Bastuji qui a tenté de légitimer l’inclusion de la référence dans le champ d’investigation linguistique et à M. F. Mortureux qui a présenté l’analogie, formelle et sémantique, comme une fonction linguistique assurant le passage de la phase de production de l’unité lexicale nouvelle à sa phase d’installation dans la langue. Les deux, J Bastuji et M. F. Mortureux, estiment nécessaire une adaptation de la théorie générativiste au domaine de la néologie, alors que L. Guilbert juge que la néologie de mots et la création de phrase sont interdépendantes et que le principe syntaxique du modèle générativiste est irremplaçable. Je me rapporterai enfin à Chr. Marcellesi, parce qu’il a cherché à replacer l'unité néologique produite dans le discours aux deux pôles du processus d'échange linguistique, du côté du locuteur et du côté du destinataire, pour dire, une fois, que l'emploi par le locuteur d'un néologisme n’est pas „innocent” et „une autre fois” que la „reconnaissance par le destinataire d'une tentative d'action sur lui-même par l'intermédiaire de l'emploi d'un vocable considéré comme nouveau ne peut se faire que si celui-ci connaît le contexte total dans lequel cet emploi a eu lieu, contexte linguistique et extra –linguistique.” En grandes lignes, tous les membres de l’équipe s’accordent sur le fait que le processus de lexicalisation suppose une ouverture aux processus socio-linguistiques. 1.2. La question pour moi est de savoir si ces élémets de réponse qui, à des momets différents de l’histoire de la réflexion linguistique, refont surface, ne pourraient se constituer en un tout. Disons pour commencer que tous les linguistes mentionnés distiguent entre l’innovation comme fait de parole, individuel, et l’innovation comme fait de langue, adopté par la collectivité, et que dans la transformation du fait de parole en fait de langue, l’analogie occupe pour tous une place de choix. L’hypothèse que je fais est que les mots de la langue ne font système que parce que l’analogie opère dans la langue par l’intermédiaire de la parole. Plus précisément, la redistribution dans la langue des unités de discours se fait à base d’analogie et en fonction du sens de la phrase Imaginons un interlocuteur ayant les caractéristiques suivantes : il connaît le mot « cygne », mais il ne sait pas qu’il y a des cygnes noirs, il ne connaît pas le mot trader, mais il connaît le mot « hacker », « escroc » et « employé de banque », il ne connaît pas le mot « contre sommet », mais il connaît les mots « contre », « sommet », « contre projet » et « contre offensive ». Imaginons maintenant que cet interlocuteur entend les 3 discours suivants : 1.a. Cet été j’ai vu dans le Delta du Danube une colonie de cygnes noirs. 1.b. La banque française a des problèmes à cause de la gigantesque escroquerie réalisée par un trader 1.c. Un contre sommet a été organisé, avec quelques manifestations pour le faire connaître. En vertu de l’analogie et du sens des phrases, dans 1.a., l’unité de discours « cygne » est associée à l’unité de langue « cygne », dans 1.b., l’unité de discours « trader » est associée à l’unité de langue « hacker », et moins probablement à « escroc » ou à « employé de banque », dans 1.c., l’unité de discours « contre » est associée à l’unité de langue « contre », l’unité de discours « sommet », à l’unité de langue « sommet » et l’unité de discours « contre sommet », à l’unité de langue « contre proje »t, et moins probablement à « contre offensive ». Dans chaque cas l’association fait varier l’unité de langue. Suite à cette variation, l’unité de langue « cygne », qui était connue, est plus connue, les unités de langue « trader » et « contre sommet », qui étaient inconnues sont moins inconnues. Lors de la production d’un discours, ce sont les unités de langue ainsi modifiées qui seront actualisées. L’analogie explique ainsi pourquoi telle unité de discours est associée à telle unité de langue. La variation qui s’ensuit a pour explication le fait que l’association se fait à travers le sens de la phrase. Il faut encore remarquer que le mécanisme qui fait varier les structures de la langue bloque en même temps l’installation rapide dans la langue de structures nouvelles. Prenons le mot « trader » ! Dans le contexte, l’analogie avec « hacker » est la plus probable. Il faut donc d’autres emplois pour la bloquer et faire associer « trader » à « employé de banque ». Pour préciser ensuite de quel employé de banque il s’agit, il faut d’autres emplois encore. Enfin, pour utiliser le mot il faut que les interlocuteurs le connaissent ou qu’ils soient au courant de la « gigantesque escroquerie ». Mais une escroquerie, même gigantesque, ne suffit pas à faire entrer un mot dans la langue. Restent la banque (au vocabulaire de laquelle le mot appartient) et l’anglais (d’où le mot est issu) qui, en tant qu’acteurs de premier rang de la vie contemporaine, pourraient faire quelque chose. Le problème est que hors de la banque, le mot « trader » n’est utilisé que pour des événements qui sortent de l’ordinaire. Et l’anglais n’y peut rien. L’exemple qui vient d’être présenté montre comment l’analogie bloque le changement brusque des structures de la langue et fait que l’installation d’une unité lexicale nouvelle dans la langue dépende de sa fréquence d’utilisation. 1.3. Par la suite, je procéderai à un réexamen de la notion de sens en prenant en considération non seulement le signifié mais aussi le référent. Dans cette perspective, je rappellerai que J. Bastuji, entre autres, juge inadéquate la limitation de la référence aux seuls objets du monde physique. Comme cette position est aussi la mienne, mais pour des raisons différentes, je commencerai par la justifier. Prenons pour cela « vivre ensemble » et « tsunami ». Le « vivre ensemble » fait référence à un mode de vie qui ne consiste pas simplement à vivre côte à côte, mais à se supporter, et même plus, à s’entraider, à se comprendre, à savoir quand se mêler et quand se séparer. Le « vivre ensemble » correspond à une idée de tolérance et de maturité politique. Le « tsunami » se réfère à un séisme extrêmement violent qui a pour conséquence de faire déferler des vagues meurtrières sur les côtes. La question est de savoir si la propriété d’être physique ou non physique peut distinguer le « vivre ensemble » et le « tsunami ». Le « vivre ensemble » est une idée, mais cette idée est connue parce qu’elle est exprimée verbalement et par écrit. Et son expression verbale et écrite est physique, matérielle. Le « tsunami » se fait connaître par la force de l’onde sismique combinée avec la force des vagues. Et cette force est physique, matérielle. Prenons maintenant le « vivre ensemble » et le « tsunami » en tant qu’objets d’expérience ! Chaque humain connaît ces objets en relation avec soi, avec l’expérience qu’il a déjà, et non pas en eux-mêmes. Cette relation, qui fait que des expériences communes ne soient pas identiques, fait aussi qu’il n’y ait pas d’expériences totalement neutres. Cela permet de dire que le « vivre ensemble » et le « tsunami », en tant qu’objets d’expérience, sont physiques et psychiques à la fois. Physiques, parce qu’ils correspondent à des empreintes laissées dans la mémoire, psychiques, parce que la non neutralité des expériences leur confère une valeur, positive ou négative. Comme d’autre part, on ne peut se référer à un objet qui ne soit pas un objet d’expérience, on dira que le référent aussi a une nature double, physique et psychique à la fois. Pour conclure, la propriété d’être physique ou non physique n’est pas distinctive pour la simple raison que le référent n’est pas un objet du monde physique. Dans la parole, on utilise les mots de la langue. La parole, de son côté, fait varier les mots de la langue. La théorie classique, qui exclut le référent et se limite aux virtualités combinatoires de la langue, ne peut rendre compte de cette variation. Elle ne dit pas pourquoi on actualise une virtualité plutôt qu’une autre. Avec Émile Benveniste se produit un changement dans l’approche de la signification. Ce linguiste distingue ainsi un mode de signifiance fondé sur le signe, qu’il appelle sémiotique, et un mode de signifiance engendré par le discours et qui prend en charge le référent, qu’il appelle sémantique. Vient ensuite la réponse d’E. Coşeriu pour qui, tout acte de parole possède une extrémité ancrée dans la langue - une langue donnée, à un moment donné - et une autre extrémité qui vise à une finalité et va au-delà de cette langue. Or au-delà il n’y a que ce à quoi la langue renvoie : le référent. Voyons à travers un exemple comment ce référent contribue à l’édification du sens. Le tremblement de terre de la fin 2004, pour ceux qui l’ont vécu, a modifié la représentation qu’ils avaient du tremblement de terre en même temps qu’il a modifié le sens qu’ils donnaient au mot tremblement de terre. Pour nous les autres, leurs témoignages, les commentaires lus dans les divers médias ont modifié le sens du mot en même temps que la représentation que nous avions du phénomène. Pour nous maintenant, en cas de tremblement de terre, le danger peut venir de la mer aussi. Pour les spécialistes, le désastre de 2004 avait un nom: tsunami. Ce mot de spécialiste, à la faveur des médias et en raison de l’impact produit sur les esprits par le phénomène auquel le mot renvoyait, est passé dans la langue. Réemployé depuis pour désigner d’autres catastrophes, le tsunami est devenu un tsunami, et donc un mot commun. Et le mot poursuit son chemin. Prenons cette phrase d’un journaliste sportif : « La gentille vague des sales affaires liées au dopage dans le sport va tôt ou tard être emportée par le tsunami de scandales générés par les paris sur internet ». Le mot tsunami y a pris un sens figuré. Pour résumer : 1. Le tremblement de terre de la fin 2004 a fait varier le sens du mot tremblement de terre. 2. Cette variation associée dans les médias au mot tsunami a fait passer le mot nouveau dans la langue courante. Cette étape a été favorisée par le grand nombre de personnes pour lesquelles la variation de sens du mot tremblement de terre était déjà un fait de langue. 3. Le mot tsunami a pris et continue de prendre des sens figurés. Une alternance sous tend ce processus : une fois l’objet extralinguistique appelle l’objet linguistique, une autre fois l’objet linguistique renvoie à l’objet extralinguistique. Le premier appelle le second à travers ses manifestations, le second renvoie au premier à travers le discours. Dans le premier cas, l’objet extralinguistique fait varier le sens de l’objet linguistique et, par là même, les besoins expressifs du locuteur. Dans le second cas, l’objet linguistique fait varier la valeur de l’objet extralinguistique et, par là même, les appréhensions à son égard de l’interlocuteur. Et ce qui rend cet échange possible c’est le fait que l’objet extralinguistique et l’objet linguistique ont, en tant qu’objets d’expérience, une nature double, physique et psychique à la fois. Faire entrer le référent dans l’édification du sens ce n’est pas méconnaître les virtualités combinatoires de la langue, c’est justifier l’actualisation d’une virtualité plutôt que d’une autre et rendre compte de l’intégralité du sens. Tendances dans l’évolution du lexique français 2.1. - Le corpus comprend 1297 unités lexicales dont 199 sont des unités lexicales nouvelles. Pour l’appréhension de ces dernières, je m’en suis remis au jugement néologique du chroniquer de RFI, Yvan Amar. En ce qui concerne l’étalement diachronique des unités nouvelles, j’ai opté pour la période qui va de 1900 à 1960 et pour celle qui va de 1960 à nos jours. Cela m’a permis d’envisager la deuxième période comme une phase d’évolution par rapport à la première. Enfin, dans l’approche de la néologie, je m’en suis tenu au clivage classique entre néologisme formel ou création de signifiant et néologisme sémantique ou modification de signifié. 2.2. - L’analyse du corpus a révélé un certain nombre de tendances dans l’évolution du lexique français. La tendance à l’anglicisation. Sur 131 néologismes formels (attestés et non attestés), 62 sont des emprunts à l’anglo-américain (addiction, artnapping, beach volley/beach soccer, big brother, bling bling, blog, buzz, campus, cash, challenger, charter, coach, crash, exfiltrer, forcing, glamour, golden boys, hacker, in et off, kidnapping, lowcost, revolver, spot, stock options, stressé, subprime, super tuesday, superman, swing, tea party, trader, tuning, zapper – pour la période qui va de 1960 à nos jours- finish, Gaza City, leadership, puzzle, shopping, show – pour la période qui va de 1900 à 1960), sont influencés par des habitudes de formation anglaises ( en libre-service, station-service - pour la période de 1900 à 1960 - abstention record, angolagate, assurance maladie, bison futé, cabinet fantôme, clé(s) en main, Dany Boom, flexisécurité, no, - pour la période de 1960 à nos jours), sont des mots forgés sur des mots anglo-américains, communs ou propres, mais selon des habitudes de formation françaises (blairisme, dollariser, gentrification, obamania, remasteriser – pour la période de 1960 à nos jours), désignent des réalités américaines ou anglaises ((nuit américaine – pour la période 1900 – 1960 - subprime, super Tuesday, swing, tea party - pour la période de 1960 à nos jours). Sur 68 néologismes sémantiques, 18 viennent de l’anglo-américain (idole, inflation, puzzle - pour la période qui va de 1900 à 1960 – alternative, atlantisme, avatar, campus, cheval de troie, clé(s) en main, escalade, fierté homosexuelle, hacker, mémorial, opportunité, paquet de mesures, propre, total, trop – pour la période de 1960 à nos jours). La tendance à l’anglicisation s’accentue à partir de 1960. La tendance à employer un mot étranger pour désigner une réalité étrangère: « douma », « nuit américaine » pour la période de 1900 à 1960, « mur budgétaire », « tea party » « subprimes », « super tuesday », « swing », « douma », « favela » pour la période de 1960 à nos jours. Pourtant, le recours à l’américain est beaucoup plus courant que pour les autres langues. La tendance à juxtaposer des mots, sans mot de liaison, sans préposition explicative : « abstention record » , « assurance maladie », « station-service ». Ce genre de formation, influencée par des habitudes anglaises, est encore considérée comme familière : elle sied davantage au langage des médias ou de la publicité. La féminisation des noms de métiers et, respectivement, l’usage de noms masculins pour des métiers qui ne sont plus exclusivement féminins : « factrice », « soldate » et respectivement « homme de ménage ». La tendance à donner des noms aux interventions militaires : « Frappe du dragon » ; « Plomb durci » ; « Bouclier du désert ». Ces dénominations, qui se présentaient avant comme des noms de code, sont maintenant rendus publics. C’est une façon d’assurer la visibilité des opérations militaires, et de les justifier en les annonçant. La tendance à nommer les tempêtes : « Xynthia » ; « Sandy et Katrina ». Cette pratique vient d’Allemagne, aux alentours de 1954, mais aux États-Unis, elle est plus ancienne. La tendance à utiliser des mots différents pour désigner les voyageurs de l’espace : « cosmonaute », « astronaute », « spationaute », « taïkonaute ». La tendance à masquer une situation qui n’est pas toujours facile à gérer : DRH pour directeur du personnel (la nouvelle appellation sert à « humaniser » le travail, à trouver un bon contact entre l’intérêt de l’entreprise et l’intérêt des salariés), « bouclier fiscal » ( en utilisant cette lexie, on veut répandre l’idée que la disposition fiscale protègera le contribuable contre les possibles effets pervers du calcul de l’impôt); « redéploiement » (il s’agit de changer l’organigramme d’un groupe, changement qui s’accompagne souvent d’un licenciement) ; « flexisécurité » (ce mot-valise porte l’idée d’une réconciliation des contraires : faciliter les licenciements tout en compensant la fragilité d’emploi par de plus fortes indemnités, un traitement du chômage plus efficace). La tendance à éviter les mots qui peuvent blesser les membres des catégories ou groupes jugés victimes de l’ordre dominant : « pays émergents » (au sens de pays que l’on ne met plus dans la classe des pays peu développés, mais qu’on ne met pas encore dans celle des pays) ; « senior » (au sens de personne âgée encore active). Proposer, par l’intermédiaire de commissions spécialisées, des termes et expressions qui sont les équivalents des termes et expressions étrangers : « téléchargement », « baladeur », etc. Une fois adoptés par une commission générale de terminologie, ces termes deviennent d’un emploi obligatoire pour le service de l’État et les établissements publics. 2.3. - Autre constat : les néologismes et leur répartition reflètent les tendances de fond de la société. Non seulement la forte croissance de secteurs comme les nouvelles technologies (apéro, avatar, baladeur, buzz, campus, clé(s) en main, clic, cyberactiviste, hacker, information, mobile/portable, pirater, résauter, téléchargement), la bourse et les finances (bulle financière, bouclier fiscal, évadés fiscaux, golden boys, mur budgétaire, ouverture haussière / ouverture baissière, trader, subprime cash), l’immobilier et les assurances (clé(s) en main, assurance maladie/ assurance vol/assurance incendie/assurance tout risque), le transport aérien, (à la géométrie variable , charter, crash, lowcost), les médias (audiovisuel , bling bling, lampiste, embargo, lynchage, réponse du berger à la bergère, scoop, impacter, fuiter), les loisirs (dédier, idole, fan, in et off, rohmérien , show, superman, tecktonik, remastériser - pour le cinéma, la musique, la danse - coach, finish, finale (la), forcing, maillot jaune, paralympique, propre, y a pas photo, beach volley/beach soccer – pour le sport- apéro- pour d’autres loisirs), mais aussi la place grandissante du politique dans la régulation des relations entre partenaires sociaux (abstention record, altermondialiste, alternance, atlantisme, altermondialiste, angolagate, bravitude, chalenger, commerce équitable, contre sommet, Dany boom, déclinologue, dollarisation, embargo, ena et énarque, état de grâce, facilitateur, flexisécurité, instrumentaliser, leadership, martyrisation, normaliser, realpolitik, sanctuariser, vampirisation, vivre ensemble). Dans la régulation des relations entre individus et groupes humains, le politique est secondé par la justice et la police (artnapping, caillasser, hacker, kidnapping, lampiste, mise en examen, musclé, traque) et par l’armée (blindé, Bouclier du désert, en rafales, escalade, forcing, Frappe du dragon, rafaler, revolver, soldate). Le succès d’autre part d’expressions telles que « bouquet de prestations », « paquet de mesures », « clé(s) en main », « lowcost », « redéploiement », « DRH » ou, dans la communication politique, « partenaires sociaux », « commerce équitable », « pays émergent », indique l’importance prise dans tous les secteurs d’activité par les techniques marketing, qui influencent le comportement du consommateur. Les néologismes sont aussi révélateurs de l’émancipation et de la reconnaissance des minorités (négritude - avant 1960 - fierté homosexuelle, paralympique soldate, factrice – après 1960), de la montée en puissance des préoccupations environnemantales (biocarburant, agriculture bio, produits bio, capteur, commerce équitable, qui veut respecter non seulement les gens mais aussi la nature, climato-sceptique, déchetterie), de la quête de points d’ancrage dans le passé (basique – après 1968, fondamentaux – actuellement) de la recherche de l’individualisme accompagnée pourtant du désir d’appartenir à un clan (atypique, tuning, pratique qui consiste à modifier un objet produit en série, pour qu’il se singularise, qu’il ne ressemble pas aux autres éléments de l’ensemble. Il s’agit, pour citer Yvan Amar, de montrer qu’on est comme les autres, mais peut-être mieux que les autres…), de la recherche d’un certain bien-être (régime alimentaire, se relaxer/relaxation) des risques auxquels l’homme contemporain est exposé (intégrisme, xénophobie - avant 1960 – addiction, stress, big brother, personnage inquiétant qui incarne un genre de police de la pensée, éthnicisme, néocolonialisme), de la recherche de certaines valeurs et du rejet d’autres(a donf, ça assure, ça craint, crédibilité, compatibilité, incompatibilité, débordement, instrumentaliser, martyrisation, vampirisation) 2.3. - Sans le concours du référent, l’évolution du lexique est inconcevable. Mais elle est tout aussi inconcevable avec le concours d’un référent qui est un objet du monde physique. Car cet objet est un agent et ne devient référent qu’en tant qu’objet d’expérience. Or en tant que tel, il est physique et psychique à la fois. Physique, parce qu’il modifie l’expérience qu’on avait déjà, psychique parce que cette modification, on la perçoit comme étant bonne ou moins bonne, mauvaise ou moins mauvaise. Cette modification lui confère pour ainsi dire de la valeur. En parlant c’est à cet objet que l’on se réfère. Et cet objet, à travers la phrase, fait évoluer le lexique. 2.4. – Les tendances qu’on vient de révéler sont celles d’une communauté linguistique qu’on peut qualifier d’internationale. Ce qui permet pourtant d’y identifier la communauté francophone c’est l’organisation d’une résistance aux tendances globales concrétisée, entre autres, dans la création de commissions spécialisées de terminologie et de néologie. La langue française mise ainsi sur elle-même, alors que les avancées de l’anglais s’expliquent par ce à quoi cette langue renvoie. En usant d’un néologisme, on qualifiera d’altermondialiste et non pas d’antimondialiste le combat du français. Bibliographie AMAR, Yvan, Mots de l’actualité, http://www.rfi.fr/lffr/listes/001/liste_abcdaire_mots_de_l_actu_A.asp BASTUJI, Jaqueline, Aspectes de la néologie sémantique, in Langages, 8e année, n°36, 1974, pp. 6-19. BENVENISTE, Émile, Problèmes de linguistique générale,Paris, Gallimard, 1966. COSERIU, Eugenio, Synchronie, diachronie et histoire, Texto! 2007 [en ligne]. Disponible sur : GUIBERT, Louis, Grammaire générative et néologie lexicale, in Langages, 8e année, n°36, 1974, pp. 34-44. MARCELLESI, Christiane, Néologie et fonctions du langage, in Langages, 8e année, n°36, 1974, pp. 95-102. MEILLET, Antoine, Différenciation et unification dans les langues, Linguistique historique et linguistique générale, Paris : Champion, 1921, p. 110-129. MORTUREUX, Marie-Françoise, Analogie « créatrice », formelle et sémantique, in Langages, 8e année, n°36, 1974, pp. 20-33. SAUSSURE, Fedinand, Cours de linguistique générale, Éditions Payot, 1972. |
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