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■ Voir son épouse pleurer
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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2005-01-26 | |
Auschwitz, qui résume en un lieu et en un nom la criminalité du régime nazi, est aujourd'hui illisible : il est devenu une sorte d'écran où individus et collectivités projettent leurs cauchemars ou leurs espoirs de paix ; le lieu des commémorations officielles, des pèlerinages. Or ceux-ci ont fini par lasser nos contemporains et brouiller la réalité du camp, déconnecté de son histoire pour devenir un simple concept, un symbole. C'est pour rendre le camp d'Auschwitz-Birkenau à sa réalité qu'Annette Wieviorka le rend ici à l'Histoire. En reconstituant pas à pas les circonstances de sa construction, de ses agrandissements colossaux en fonction des populations qu'il a accueillies, de son choix pour la mise en œuvre de la Solution finale dans l'Europe occupée, elle éclaire sa spécificité et s'attarde sur des éléments fondamentaux de l'entreprise de destruction des juifs. Mais cette étude précise et passionnante n'est pas strictement historique : elle permet aussi de comprendre les enjeux des polémiques qui naissent autour de la mémoire d'Auschwitz et donne sens au camp-musée qu'il est devenu, afin que celui-ci ne reste pas un lieu muet.
************** "Il s'agit d'une réflexion qui mêle l'histoire du camp d'Auschwitz aux enjeux actuels du "devoir de mémoire". Alors que les voix des derniers survivants s'éteignent, les commémorations liées au 60e anniversaire de la libération du camp masquent sans doute la réalité du camp et les fluctuations de l'histoire. "Encore" : titre du préambule, sous-entendu encore un livre sur la Shoah, mais pourquoi faire?! Annette Wieviorka tente de répondre en historienne : "En questionnant inlassablement ce que fut Auschwitz, l'histoire construit, à partir des traces qu'a laissées le passé, un récit dont chaque élément a été vérifié selon des procédures qui lui sont propres." (p 20) Le premier chapitre traite de la découverte des camps d'Auschwitz. Si cette découverte semble fortuite pour les militaires soviétiques, "Mes collègues commandants des divisions voisines ont appris, comme moi, l'existence du camp de concentration d'Auschwitz littéralement la veille de sa libération" écrit le général soviétique Petrenko. (p23), l'existence des camps étaient connus des états majors alliés. Annette Wieviorka propose en s'appuyant sur les travaux de Sylvie Lindeperg toute une réflexion sur les images tournées alors par les soviétiques et encore visibles dans le cinéma du musée d'Auschwitz. Les chapitres 3 et 4 s'attachent à faire l'historique du camp, "Curieusement ... il n'a été écrit en français aucun ouvrage présentant l'histoire de ce camp" (p 20) , le chapitre 4 s'intéresse à la composition des détenus ( internés politiques, criminels professionnels, homosexuels, témoins de Jéhovah, prisonniers de guerre soviétiques, juifs de l'Europe entière). Les chapitres 5 et 6 présentent Birkenau, d'abord construit pour accueillir les prisonniers de guerre soviétiques de l'opération Barbarossa même si ce sont les juifs qui remplaçent la main d'oeuvre soviétique à partir de février mars 1942. La réalité de l'extermination des juifs à Birkenau ne peut être niée : Annette Wieviorka rappelle le contexte de la diffusion des idées révionnistes et la polémique née de la publication d'un article de Faurisson dans le Monde du 28 décembre 1978, elle s'appuie sur le travail de Jean Claude Pressac, qui a consacré sa vie à l'histoire des archives techniques : " Son travail permet en effet de comprendre dans le détail à quoi correspondent les ruines que l'on visite à Birkenau, de connaître la chronologie des gazages homicides et la façon dont ils furent perpétrés" (p119). Ensuite le livre s'intéresse aux Tsiganes ( chapitre 8) car "reste la question controversée de la qualification du crime contre les Tsiganes"(p149), au pillage des biens juifs ( chapitre 9) , au tatouage ( chapitre 10). Le chapitre 11 tente de répondre à la difficile question "Fallait-il bombarder Auschwitz?" et le dernier chapitre propose des "Eléments d'une histoire du camp musée". L'auteur présente clairement les enjeux politiques et diplomatiques, l'affrontement entre la mémoire juive et la mémoire polonaise ( question du Carmel ), les évolutions successives du camp devenu musée. "Auschwitz désigne désormais par métonymie la Shoah" (p13), [...] "Auschwitz est quasiment devenu un concept, celui du mal absolu" : mais la visite du camp suffit-elle? "Plus jamais ça? Le "ça" d'Auschwitz, saturé de morale, est lesté de trop peu de savoir historique." " Les visites à Auschwitz sont de plus en plus nombreuses parce qu'ils sont plus faciles" (p14) mais " il n'y a rien à voir à Auschwitz -Birkenau si on ne sait pas ce qu'il y a à voir" (p 17) Aussi Annette Wierviorka, partant de ses interrogations personnelles, propose une remarquable mise en perspective historique afin de comprendre les enjeux des polémiques qui naissent autour de la mémoire d'Auschwitz. " Tenter de présenter cette histoire, en établissant en permanence un va et vient entre d'une part ce qu'est aujourd'hui le site du camp et ses incessantes transformations, d'autre part les événements qui s'y déroulèrent ; tenter de comprendre les enjeux des polémiques récurrentes à partir de ce que voit celui qui visite le camp, de ces traces constamment retravaillées par les hommes, tel est le projet de cet ouvrage." (p 20). A lire absolument! " Jackie Pouzin, professeur d'histoire-géographie. Lycée Raoul Vadepied Evron IANTE Source Internet : http://www.ac-nantes.fr/peda/disc/histgeo/coucoeur/wieviorka/wieviorka.htm ************************** Biographie de l'auteur : Annette Wieviorka est directrice de recherche au CNRS. Elle a été membre de la Mission d'étude sur la spoliation des biens Juifs de France. Elle est l'auteur de nombreux articles et ouvrages sur l'histoire des Juifs au XXe siècle, sur le Génocide et sa mémoire, notamment Déportation et génocide (Plon, 1992), L'Ere du témoin (Plon, 1998), et Auschwitz expliqué à ma fille (Le Seuil, 1999), qui a été traduit dans une douzaine de langues. |
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