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Arbre (?) Dans le jardin.
prose [ ]

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par [Valérie ]

2007-06-01  |     | 



I /
Dans le jardin à l’ombre d’un arbre. Pause et solitude. Ma chair dans le tronc absorbée la sève mélangée. J’ai quitté la lumière, de loin je me souviens. L’étincelante rosée à chaque matin renouvelée. Cet appel à la rivière. La fontaine de la place pour étancher soif et parole.
Le vieux lavoir et les vieilles sur leur chaise : regardaient le temps joyeux sur les visages d’enfants. Le bruit de l’eau, l’odeur de l’herbe, le coin de la rue et après l’inconnu.
Je l’abordais en flèche, sur un vélo tête nue traçant sillon dans l’air et les champs. Tout était là à porté de main, si près, trésor à s’enrichir comme pièce au soleil. De l’or partout. J’étais riche les poches pleines de cailloux, genoux en vrac et mèches aux vents.

II/
Le temps a sculpté les pierres qui sont devenues des blocs à portes et fenêtres, gris et dur les chemins de terre. Des êtres qui marchaient dessus ont disparu. Des nuages dans le ciel ont tronqué la lumière. Je me suis souvenue. Les orages incongrus qui font bleue la peau et les yeux délavés. Les chutes. Les affronts. Les ronces. Les mots comme des dards, les bourdons et les guêpes. La bête, qui attend que je tombe dans la forêt où je vis et m’endors. Les accidents, le sang sur mes genoux, les cicatrices. Et puis l’ombre d’un arbre pour me cacher tout cela.

III /
Il fait froid ici. L’ombre a grandi. Dans le jardin en face je vois mille couleurs. Des enfants jouent. D’autres meurent des guerres que se font les adultes. J’ai attaché mes mots à l’arbre pour ne pas que le vent les sème. Je garde précieux mon pollen car il brûle les doigts.
J’en ai plein la gorge, la bouche idem. J’étouffe ici. Des abeilles ont élu domicile au-dessus de ma tête. Le poids fait plier la branche. Le bruit s’est mêlé au bourdonnement sans nom dont je suis la proie, mange aussi le chant des oiseaux. Je suis devenue arbre. Mon ombre a grandi puis s’en est allée, brûlée au soleil. Je suis devenue arbre et les ronces lierres qui enserrent mon tronc donnent le ton.

IV/
Je toise le futur toutes branches dehors. Je griffe les nuages pour provoquer l’orage.
Je bois aux sources condamnées l’eau trouble du courroux et le hibou en ma demeure chasse le jour les échappés de ma douleur. Insectes et rongeurs sont pour moi des phrases en fuites, invasifs, instinctifs, suivent mes directives. Jusqu’à vos portes sèment la terreur, portent à vos seuils mes graines cauchemars. Entendez-vous dans le tard mon chant de grêle, grelots de mots à casser toitures pour entrer dans vos têtes. Non. Vous n’entendez rien. Ne voulez rien savoir sur la nature du mal et mal me fait de m’agiter en vain. Le dernier orage est passé, condamnée à me taire j’ai servi de paratonnerre.

V/
Au matin, vous avez vu l’arbre. Rongé, brûlé, émacié, racines exposées au dehors et vos regards ont eu pitié de cette nudité forcée. Un peu tard. Ecorces à terre, mais la fragilité vous sied, ne peut que murmurer. Je ne sais plus où j’étais moi dans ce décor où les corps forts se confortent dans leur pensée magique. Se réconfortent d’avoir fermé les yeux pour ne point subir le péril de l’orage. Et puisqu’il reste impensable de pouvoir le faire eux-mêmes sans avoir à se salir les mains, en appel à dieu pour raviver l’épineux. Aime ton prochain comme toi même. Ici dieu est mort mais dieu seulement, moi je vais là où ma sève va et je n’ai pas fini d’aller. Toute terre est terreau pour qui sème les mots.


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