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où que j\'aille
prose [ ]

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par [erableamots ]

2006-11-17  |     | 



OÙ QUE J’AILLE


Où que j’aille, j’ai des mots dans les poches, la rosée de l’encre, la marée des fougères. La nuit dérive dans mes yeux et je dérive en elle. Je rêve dans ses bras. Les feuilles se lèvent bien avant moi pour dire leur prière. C’est plus tard que je mêle mes mots à la messe des cigales, aux millions de microbes qui vivent dans une seule goutte de pluie, aux milliards d’atomes dansant dans la fission du cœur, à la chaleur des ovaires, à la grossesse de la sève, aux racines profondes qui soutiennent les arbres. Je ne vois plus les nuages mais le soleil derrière, les étoiles très loin, les âmes des vivants. La larme qu’on écarte revient toujours en force. Elle se trace une route sur la poussière du rêve, parmi des bribes de tissu, des débris minuscules amincis par le temps, des bouts de verre ou de phrases, des déchets de parole, des virgules calées dans les creux du silence. Je n’écris plus en vers. J’écris envers et contre tout. Je marche sur un fil avec mes gros sabots. J’écris avec des mots qui saignent sous la chair des pieds, des mots qui voient par les trous d’une étoffe. Ils ont de grosses mains. Ils ont faim. Ils ont soif. Ils donnent ce qu’ils sont.

Où que j’aille, je ne cache plus mes yeux sous la main du silence. Ma bouche entend le miel et mes oreilles croquent des pommes de musique. La plus petite entaille dans la chair des mots devient une blessure. Je dois dire au papier qu’il fut déjà un arbre, que les loups ont des yeux pour entendre, que la fleur qu’une main a semée, l’autre main la déchire. Chaque jour, je découvre le monde, la boue, la neige, l’amertume du café, les animaux, les hommes. Lorsque la mort me guette pour me mordre, je lui lance des mots. J’écris avec le froid qui ne ment pas, le feu qui vocifère avant de consoler. Il neige dans la nuit. Le temps s’écrit à l’encre blanche.

Où que j’aille, je dors un œil sur la porte et l’autre dans le rêve, le cœur battant, une main pleine de sang et l’autre tachée d’encre. Je vais rarement dans les grandes surfaces où la foule se presse. Certains jours, c’est comme la guerre dans ma tête. Tous me regardent avec des balles dans les yeux, des couteaux dans les mains. Des barbelés de cris déchirent le silence. Les voix qui m’interpellent ont la gorge tranchée mais continuent de crier. Je dois longer les murs. Mes neurones titubent et font la courte échelle pour enjamber la peur. Pour survivre, je dessine un sourire quelque part, une caresse sur ma peau, une lumière dans la pluie, un ourson de peluche dans les bras des soldats. Je nomme le poisson pour ne pas me noyer, le battement d’un papillon pour apprendre à voler, la douceur d’un œuf pour briser ma coquille. Je ne sors plus sans un crayon.

Où que j’aille, trop de polichinelles démesurés encombrent l’horizon. Les larmes rouillent dans les gonds de leurs masques. Dans les vitrines gorgées de toc se cache l’avarice. Des Pierrot s’adossent aux murs en clair de lune. Ils taguent l’espérance ou bien le désespoir. Les traces de vent sur les murs se lisent à l’oreille. On empaquète les vaches en berlingots, les biftecks sous vide, les mots sous cellophane. La mémoire gigote dans le formol psychiatrique. Les gros sabots de l’homme qui flottent sur la lune sont les mêmes qui écrasent la terre. L’or du blé ne sent plus le soleil mais le papier monnaie.

Où que j’aille, je porte la mémoire et la soif des loups, l’étonnement aux yeux ronds, grand ouverts, éperdus. Une petite fleur des champs perdue sur le bitume m’a demandé la sève. Je n’avais que la béquille d’un mot pour redresser sa tige, un souvenir d’abeille, un peu de terre aux pieds. Qui se souvient qu’un arbre fut d’abord une graine, qu’une pomme fut une fleur, que la faïence vient du feu, que la terre toute entière fut d’abord une amibe ? Qu’avons-nous fait de la mer ? Les baleines du Saguenay ont le plancton amer. Qu’avons-nous fait des arbres ? Les oiseaux ne savent plus où nicher. Les chenilles fuient les branches déjà vides. Il faut repeindre l’eau, le soleil, la nuit et même les couleurs.

17 novembre 2006


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