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■ Voir son épouse pleurer
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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2006-08-13 | |
AU FOND D’UN MOT
J’écris avec les ombres qui restent des objets, les brins d’herbe oubliés, les mots qu’on trouve en dedans des souffrances, la vie au fond d’un pain, un peu de terre au fond de l’encre, l’eau qui coule avec la bouche ouverte, les muscles de ses bras rutilant au soleil. Je tends contre la haine ma vie de vagabond, la tendresse d’un loup, l’ortie qui pique sans fausseté, les mots nu-pieds des pauvres gens. Nous savons de mieux en mieux tuer, et il faudrait qu’on applaudisse. Qu’on parle encore aux plantes nous permet d’espérer mais il est fort possible qu’on y mette bientôt des micros. Quand on lance des mots, ils reviennent toujours comme des balles reliées par un fil. J’ai la main prise dans la grande main du monde. Je saigne quand on la blesse. Un trèfle est mon ami, un trèfle à quatre mots. Il reverdit chaque fois que j’écris. Un ruisseau me sermonne quand je blesse une plante. Dans mon trousseau de clefs, il n’y a que celles des portées. Ma porte reste ouverte à tous les vents perdus. Ils ramonent mon cœur un peu mieux qu’un missel. Dans une voix d’orage, la pluie se hâte vers la terre. Elle promène ses bras sur le cou des érables. Ses grands gestes frissonnent au dessus de la plaine pour nettoyer le sang. Je bois avec mes mains dans le grand bol de l’aube. La branche écoute, le vent se tait quand chantent les oiseaux. La fougère frissonne quand la rosée scintille. La myrtille sourit au milieu des orties. Je dors en feu de bois pour réchauffer le rêve. Je retrouve mes souches au milieu de la nuit quand il ne reste plus des choses que leur éternité. Je suis à peine là dans le jour à subir. Je suis un illettré qui se nourrit de mots, une âme qui se cherche à travers les abeilles. La lune chaque matin se transforme en rosée. Les fées se cachent dans les troncs comme des écureuils de satin. Les troncs des grands séquoias sont des villes habitées par les gnomes. Ils communiquent entre eux par des échelles de sève. Ce n’est pas le vent qui agite les branches mais le bruit des paroles. Les séquoias sont vieux. Leurs racines connaissent la peau des lémuriens. Leurs bras ont touché l’air bien avant qu’on respire. L’eau que nous regardons nous relie au soleil. Le moins que rien nous mène vers le tout et prolonge en parole la vie des éphémères. Je retrouve mes souches au milieu de la page lorsque l’âme traverse la chair des voyelles. J’existe à peine dans le bruit des moteurs, le clinquant des vitrines, le va-et-vient des choses. La vie déroule en boucle l’éclatement des planètes, la naissance des eaux, les grandes transhumances. Même un éclat d’obus en porte la mémoire et pleure en détruisant. J’en refais le chemin dans le pas des insectes, la montée de la sève, le battement du cœur, la poussée de la vie à l’intérieur du geste, de la main qui caresse au doigt sur la gâchette. Quelque chose s’est détraquée entre l’invention du pain et celle du gibet, la danse de la pluie et l’érection des croix, la faim et le partage, l’entraide et le salaire. La mort, l’orgueil, le profit, la haine ont muselé la vie, l’amour, la bonté. L’écale a supplanté l’amande. L’école a remplacé l’enfance, la parure la peau. L’effet a supplanté la cause, la religion l’espoir. Des champs de tir aux champs de mines, les enfants sautent à la corde bickford. 11 août 2006
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