Le vieux mendiant à la barbe blanche aperçut la petite fille blottie sous le rebord d’une fenêtre de l’autre coté de la rue.
Le sang lui monta aux joues. Qu’est-ce que tu fais là ? cria-t-il. C’est comme si tu volais mon pactole. Va-t-en.
La fille se leva d’un air obéissant et s’éloigna en nettoyant son tablier des miettes éparpillées un peu partout.
La nuit tomba vite comme d’habitude dans cette période de l’année, mais le mendiant s’en moquait- quant à lui, il était assez content. Les passants pressés lui rapportèrent beaucoup d’argent. De plus, une vieille dame lui donna un gros manteau pour se vêtir, muni de larges poches qu’il remplit de pain sec.
Les devantures jetaient une lumière jaune et froide le long des trottoirs. On pouvait deviner à travers les vitres des ombres dansant au rythme de la lumière vacillante des bougies qui garnissaient les sapins de Noël.
La petite fille était revenue mais le vieillard ne lui dit rien. Ella n’a du rien empocher dans les ruelles qui côtoient le centre-ville pensa-t-il avec pitié.
Le mendiant se rappela de son fils qui l’avait jeté dehors il y a quelques années. J’aurais été trois fois plus heureux d’avoir une fille comme elle murmura-t-il en la regardant du coin de l’œil. Mon Dieu, cette gamine tremble comme c’est pas vrai ajouta-t-il d’une voix faible.
Il sommeillait depuis une heure le dos contre les murs froids quand le silence a été soudainement brisé par des pas qui martelaient les cailloux tout en se rapprochant de lui. C’est probablement un passant qui s’est attardé dans les magasins d’a coté. Si c’était un ivre, je lui aurais certainement chopé la bourse pansa le vieillard avec regret. Il n’a pas l’air d’être grisé ce mec-là, dit le vieillard qui jeta un coup d’œil vers la personne qui s’approchait de lui.
Soudain il a tout oublié- faim, froid, sommeil. Il a fait de gros yeux et des frissons lui ont parcouru le corps.
Mon fils cria-t-il, tu ne me reconnais pas ? Il lui courut devant et s’agenouilla sur les pierres, les mains jointes. Je te pardonne, mais donne moi quelque chose à bouffer car je crève de faim.
Son fils fit semblant de ne pas le voir, hâta le pas et s’en alla les mains dans les poches.
Le vieillard resta une demi-heure sur les cailloux sans souffler mot.
La fillette ne bougeait non plus depuis une heure même plus- deux statues de glace, de désespoir, de misère.
Je n’ai besoin de personne dit le vieillard en grinçant des dents. Je suis fier, noble et sans péché répétait il.
Il se déshabilla de son gros manteau, le mit sur la fillette à demi gelée de froid et s’en alla dans son coin, s’accroupit, la tête entre les mains, sans plus rien dire.
Le lendemain de la terrible rencontre, le gardien de l’hôtel tout proche racontait à ses copains entassés dans un petit boui-boui ce qu’il a vu : une petite fille debout, avec un grand manteau, les mains derriėre la nuque interrogée par des flics sur la mort d’un vieillard. Et figurer vous que la fille répétait sans cesse « ce n’est pas un vieillard, c’est le Père Noël – il a écouté mes prières et m’a fait cadeau d’un beau manteau.»
Quel drôle d’histoire, hein ? Oui, ça arrive parfois ajoutèrent ses compagnons. -Ça me rappelle l’histoire de la petite fille aux allumettes, mais cette fois-ci la petite fille s’en est tirée saine et sauve, ajouta le gardien.