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Apologue de l\'homme et de la forêt
prose [ ]

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par [Miruna Tarcau ]

2008-05-23  |     | 



C’était par un jour froid et pluvieux que la vieille forêt accueillit pour la première fois un enfant. Orphelin de la mer, cet innocent petit homme ballotté par les flots trouva aisément son nid sur un lit de feuilles mortes. Les arbres, géants gardiens de cet îlot pacifique, accueillirent l’étranger du mieux qu’ils le purent, tapissant leurs écorces de mousse pour ne pas l’écorcher; nourrissant la terre de leur corps pétri de moisissure pour faire pousser champignons et buissons fructifères, tant et si bien que sans le savoir, le petit homme fit de l’île son royaume.
Solitaire, il grandit pourtant dans l’oisiveté et l’insouciance de l’enfant protégé. Son seul ennemi était l’ennui, car nourriture il avait et les hautes branches de la forêt l’abritaient assez bien contre le vent et la pluie. Un jour, d’ennui, il ramassa un galet sur la plage et se mit à dessiner ce qu’il voyait sur l’écorce d’un chêne. Le vieil arbre frissonna de douleur dans le vent et pleura d’abondantes gouttes de sève, auxquelles l’enfant demeura insensible.
« Pourquoi, petit, me fais-tu tant de mal, à moi qui ne t’ai rien fait? »
L’enfant réfléchit, après quoi il répondit :
« Parce que je suis un homme et c’est ce que l’Homme fait. »
Le plus vieil arbre de la forêt, un saule pleureur, réconforta le chêne : cet enfant n’agit pas par cruauté, expliqua-t-il, mais par ignorance. Son innocence ne lui permet guère de comprendre que les arbres, comme les hommes, sont vivants et peuvent être blessés. Alors, à ce discours, et puisque la curiosité fait partie de la nature humaine, les arbres décidèrent de pardonner à l’enfant.
Des années passèrent les fruits comblaient de moins en moins l’appétit vorace du petit homme. Un jour, il coupa un jeune tronc et se confectionna une lance au bout de laquelle il fixa un pieu, dans le but de chasser. La forêt, indignée, voulut bannir l’homme, mais une fois encore, le saule pleureur prit sa défense : regardez ces deux jambes frêles, dit-il, il n’a pas de racines; la terre seule ne peut pas le nourrir, il a besoin de chair. La forêt, silencieuse, accepta l’instinct de survie de l’homme comme une chose naturelle.
Cet incident fut presque aussitôt suivi d’un crime autrement plus grave –le meurtre de trois peupliers, que l’adolescent dégarnit de leurs branches et transforma en un abri précaire érigé sur la plage, dans l’espoir de voir arriver un bateau.
« Pourquoi, petit, as-tu tué nos frères, alors que nos couronnes te protégeaient mieux du vent, du froid et de la pluie que ces frêles murs de bois que tu as construits là? »
L’adolescent réfléchit, après quoi il répondit :
« Parce que je suis un homme et c’est ce que l’Homme fait. »
La forêt tempêta de rage, faisant craquer ses branches et claquer son feuillage, mais le vieil arbre intervint de nouveau en faveur du garçon : regardez ces deux mains, si vives et si habiles, souligna-t-il, il faut que la nature les lui ait données pour transformer les objets, bâtir et créer.
Cependant, dès la première bourrasque, la cabane de fortune s’effondra sur elle-même et le jeune homme fut contraint d’ajouter plus de bois pour renforcer la structure du toit.
La forêt, terrifiée, se tut, de plus en plus alarmée par la nature destructrice de l’homme. Celui-ci s’enferma de longues années dans son abri, ne vivant que de la chasse et de l’espoir de voir arriver un bateau. Alors qu’une barbe commençait à pousser sur ses mâchoires saillantes et que la forêt s’apprêtait à lui pardonner la construction de l’abri, ce qu’espérait l’homme depuis sa plus tendre enfance se produisit enfin : à l’horizon, un nuage de fumée trahit le passage d’un bateau. Au comble de la joie, l’homme tenta l’impossible pour signaler sa présence : il amassa toutes les branches séchées de la forêt et donna naissance à un grand feu de joie. Les flammes montèrent haut dans le ciel, mais le bateau ne changea pas de trajectoire, alors, dans la folle espérance de se faire remarquer, l’homme mit le feu à la forêt tout entière. Ce fut en vain, car le bateau s’éloigna et disparut à l’horizon le soir même.
La forêt, impuissante, lutta de toutes ses forces contre l’incendie, auquel survécurent seuls le saule pleureur et trois des plus vieux marronniers. Le sage, cette fois, n’eut le temps ni de prendre la défense de l’homme, ni de l’accuser. Il ne put l’interpeller pour lui demander pourquoi a-t-il choisi de mettre en danger la vie de ceux qui l’ont élevé pour rejoindre des inconnus; il ne put pas non plus s’adresser à ses frères et leur faire comprendre que les hommes, tout comme les arbres se regroupent en forêts pour fuir la solitude, chercheront toujours à vivre en société, parmi leurs pairs. Il n’en eut pas le temps car l’homme abattit les derniers arbres restants pour fabriquer un radeau.
Les vagues de la mer ne furent pas plus clémentes cette fois-ci que lors de son enfance. Il erra longtemps sur l’océan, s’accrochant au vieux saule pleureur qui était devenu le mât de son navire, dans l’espoir d’accoster une terre. Un îlot surgit au loin tel un sauveur inespéré, source d’eau, de nourriture et de repos. Néanmoins, contre toute attente, cette grève n’était faite que de roches et de morceaux de bois mort. La désolation était telle que l’homme se demanda un instant si ce n’était pas là la même île que celle qu’il venait de quitter. Un vieux cèdre planté au centre de ce qui devait avoir été jadis la forêt lui fournit la réponse.
« Que s’est-il passé? demanda-t-il à l’arbre.
–Un naufragé a échoué ici, il y a fort longtemps, raconta-t-il. Il a exploité une à une toutes les ressources de ma forêt, jusqu’à ce qu’il ne reste plus que moi. Alors, il a façonné une embarcation qui a certainement échoué sur un autre îlot, où il recommencera. Pauvre marin, tu es arrivé trop tard : je suis trop vieux et malade pour produire de nouvelles pousses. À ma mort, cette terre sera à jamais stérile de toute vie. »
Irrité, l’homme répliqua :
« Mon radeau n’a pas coulé et contrairement à toi, je ne suis pas contraint de rester ici, où il n’y a plus rien. Je reprendrai les flots et je trouverai d’autres îles tapissées de forêts!
–Pauvre petit homme, répliqua le vieux cèdre. N’as-tu donc pas compris? Partout où il y a des ressources, tes semblables les exploitent et finissent par les épuiser. Que ferez-vous lorsque toutes les îles seront marquées par votre passage et que toutes les forêts seront comme celle-ci?
–Nous survivrons autrement. Car nous sommes des hommes et c’est ce que les Hommes font. »
La haute couronne dénudée du vieux cèdre fut secouée de droite à gauche par la caresse du vent. À partir de cet instant, l’arbre se tut à jamais, abattu par l’aveuglement de cette race égoïste qui méprise tous les bienfaits que lui apporte sa race sylvestre. À quoi bon leur répondre, à quoi bon s’épuiser vainement à les persuader que la sagesse, parfois, vient de la nature et non pas de leur personne? Le temps lui donnera raison, il le sait. Les hommes détruisent pour survivre et ce qu’ils n’ont pas encore compris –ce que peut-être, ils ne comprendront jamais- c’est qu’en ne pensant qu’à leur propre survie au détriment de ce qui les entoure, ils finiront par se détruire eux-mêmes. La mort des forêts conduit à la mort du monde.

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