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l\'année du bac
prose [ ]

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par [BOKAY ]

2007-08-06  |     | 






Je m’appelle Alex, je passe mon bac en juin et j’accumule les catastrophes. Quelque fois, sans que tu en connaisses les raisons, la chance te quitte. T’es là, t’es peinard avec ta copine et tes potes, tu demandes rien à personne et subitement, tout fout le camp, tu te retrouves dans une galère que t’aurais même pas imaginée.
Je vous raconte…………………….




L’ANNEE DU BAC



Les bus ont déversé leurs lots quotidiens de lycéens et Comme tous les matins à cette heure, le bar est bondé. Certains sont déjà en pleine forme, ils rient, font des plaisanteries, parlent forts, d’autres semblent endormis et somnolent encore la tête baissée devant un café qui refroidit. Coincé dans l’angle, près de la baie vitrée, j’occupe ma place habituelle en attendant Elodie, elle ne va pas tarder.
A A côté de moi, Seb mon pote et sa copine Armande discutent à propos du dernier devoir de philo. Ils ne sont pas d’accord, comme d’habitude, Seb est plutôt écolo-gauchiste et Armande subit encore l’empreinte de sa famille bourgeoise. Moi, ça
m’amuse plutôt de les voir se chamailler, surtout que ça se termine toujours de la même façon, par de gros câlins.
--- Je me demande ce que fait Elodie ? Dis-je, en regardant Seb.
--- Elle a peut-être raté son bus répond Armande.
--- Possible, mais d’habitude, elle est là avant moi, elle regarde ses cours en m’attendant.
--- un problème ? Demande Seb.
--- Pas du tout, tout baigne.
Mais qu’est ce qu’elle fout ! Ca m’énerve, je me relève de ma chaise, tend le cou à gauche puis à droite, fais du slalom du regard. Rien.
--- Tu vas pas nous faire une crise ! Dit Seb, elle est pas perdue.
--- Ah ! fais pas chier Seb
J’avale ma tasse de café d’un coup et quitte le bar. Dehors, sur le trottoir, je regarde une dernière fois, personne. Merde, en plus il se met à pleuvoir ! Je m’abrite et compose son numéro de téléphone, ça sonne mais personne ne répond
Je me retrouve seul en cours, ça me fait tout bizarre, le prof de math me demande : « Elodie est absente ? ». Je réponds : « Oui ». Simplement.
A midi, Seb bouscule tout le monde et me rattrape dans les couloirs.
--- Tu viens avec nous, on va chez le «Turc », me dit-il, Armande a envie d’un Kebab ?
--- O.K. je viens avec vous.
Je suis plutôt content que Seb me demande de les accompagner, lui et Armande, car j’aurais pas arrêté de ruminer et j’aurais rien bouffé.
Chez le « Turc », le temps passe vite, Seb et Armande s’accrochent à nouveau. Après son bac, Seb, qui joue dans une petite troupe de théâtre amateur, veut se consacrer à la comédie. Ce n’est pas du tout du goût d’Armande qui voudrait le voir faire une école d’ingénieur.
--- Et si on se met ensemble et qu’on a des enfants, dit Armande c’est avec ton cachet de comédien que tu comptes les nourrir ?
--- Tu me parles d’enfants alors qu’on est ensemble depuis six mois, dit Seb.
--- Ah ! Parce que t’as l’intention de me laisser tomber et c’est toi qui …
La sonnerie de mon téléphone interrompt leur conversation. C’est la mère d’Elodie, elle me demande de passer chez elle ce soir, après les cours, elle va tout m’expliquer.
Ce coup de téléphone m’a complètement déstabilisé, j’ai assisté à tous les cours de l’après-midi, comme un automate, j’ai rien compris. Je me suis inventé une quantité de scenari, tous plus loufoques les uns que les autres. Quand je l’ai imaginé prisonnière des Martiens où des aliènes, je me suis dit : « Arrête tes conneries, tu vas te retrouver à l’asile ». En dernière heure, on avait ’’anglais’’, comme tous les mardis je me suis installé à côté de Judith, sa copine. Elle non plus ne s’explique pas l’absence d’Elodie.
L’appartement de la famille d’Elodie se situe dans une petite rue du quatorzième arrondissement, je m’y rends, cherche son nom au-dessus des boutons et sonne.
--- Montez ! Je vous attends, dit une voix à l’intonation triste.
Il n’y a pas d’ascenseur, alors j’avale les trois étages d’un coup et me retrouve face à la mère d’Elodie, un peu essoufflé.
--- Bonjour Alex, dit-elle, entrez.
Je n’ai jamais vu la mère d’Elodie et je me sens mal à l’aise, j’en suis sûr, elle a pleuré, ses yeux sont rouges et elle semble abattue. Elle me désigne un fauteuil en cuir et me prie de prendre place. Je m’écroule au fond, je me sens rapetissé et la regarde attendant une explication.
--- Ce n’est pas la première fois que ma fille disparaît dit-elle, mais habituellement, je sais où elle est, elle est chez son père. Par contre aujourd’hui, elle n’y est pas, et pour cause, vous voulez savoir avec qui elle est actuellement ?
--- Aucune idée, mais cela m’intéresse beaucoup, dis-je
Elle se dirige vers le bar, sort une bouteille et me verse un cognac,
--- Tenez, dit-elle, buvez ça vous en aurez besoin,
Elle laisse un temps mort et ajoute :
--- Elle est tout simplement partie avec mon ami !
Je me redresse d’un bond du fauteuil, je la regarde l’air ahuri, mes yeux sortent de leurs orbites et je lève la tête dans l’attente d’autres explications.
--- Non, non, dis-je, c’est pas possible, pas elle ! Ca me surprend
--- Et moi, vous croyez que ça ne me surprend pas ! Dit-elle.
Je dois donner quelques explications au sujet de la mère d’Elodie. Elle a eu sa fille alors qu’elle était encore lycéenne elle n’avait pas dix-huit ans. Un rapide calcul permet de déterminer son âge : trente six ans. C’est jeune, d’autant plus qu’elle ne les fait pas. Ca, Elodie ne me l’a pas dit, ni qu’elle est une ancienne mannequin. Depuis cinq ans, elle vit avec un photographe, celui justement qui est parti avec Elodie. Moi, je tombe des nues, je suis amoureux d’Elodie, et je me sens trahi, déconcerté, perdu.
La mère d’Elodie s’est assise sur le canapé, elle penche la tête et ses longs cheveux blonds cachent son visage. Je ne dis rien, je n’ose pas rompre le lourd silence qui s’est installé. Dehors, les voitures klaxonnent et des motos passent bruyamment. C’est drôle, d’habitude je n’entends rien de ce qui se passe dans la rue.
--- J’en ai rien à foutre de Benoît, (c’est le nom du photographe) c’est un coureur doublé d’un fainéant dit la mère d’Elodie, de toutes façons j’allais le plaquer, mais je me fais du souci pour Elodie. Ce salaud qui séduit ma fille ! J’aurais dû m’en douter, à voir comme il la regardait.
Moi, je suis toujours au fond de ce fauteuil douillet, je termine mon verre de cognac.
--- Je vous en verse un autre ? Demande la mère d’Elodie tenant déjà la bouteille de cognac à la main.
--- Je réponds, oui madame.
--- Appelez-moi Sylvie dit-elle, madame ça me vieilli.
Je réponds, oui, puis elle se dirige vers une commode et ouvre un tiroir. Elle sort un gros album photo, le pose sur le canapé et se verse un verre de cognac.
--- Venez dit-elle, je vais vous montrer des photos d’Elodie quand elle était
petite.
Je me lève de mon fauteuil et m’assied dans le canapé, à côté d’elle. Les premières photos montrent Elodie bébé, les suivantes, la montre dans un trotteur apprenant à marcher et plus loin elle joue au ballon sur la plage à Sainte Maxime. Ici, c’est son anniversaire, elle a douze ans.
--- Tu trouves pas qu’elle était belle ma fille ? Dit Sylvie, qui pour la première fois emploie le tutoiement.
--- Pourquoi elle était, dis-je, elle est toujours aussi belle !
J’allais dire : « c’est normal quand on voit la maman », mais je n’ai pas osé et nous avons continué à parcourir l’album, ainsi j’ai vu le père d’Elodie qui, à en juger par la photo, semblait à peine plus âgé que moi.
--- Ah ! Quel salaud ce Benoît ! Je le haïs, dit-elle.
Elle se relève, se ressert un grand cognac et, sans me demander mon avis m’en verse un aussi. C’est déjà mon troisième et j’ai pas l’habitude.
--- Quand on a de gros soucis dit-elle, rien de mieux qu’un petit verre, c’est pas dangereux et ça fait oublier !
--- Aller Alex, à ta santé ! Dit-elle en cognant son verre contre le mien.
On avale nos verres presque d’une traite. Sylvie se lève, elle titube légèrement, va dans une autre pièce et revient avec une pile de magasines qu’elle pose sur le canapé.
--- Regarde Alex ! Me dit-elle
Elle me montre des photos d’elle posant pour des vêtements divers, des pulls, des jupes, des chemisiers et même des sous-vêtements.
--- En ce temps-là, Elodie ne m’apportait que des satisfactions, dit-elle, on était comme deux vrais copines.
L’alcool commence à faire son effet, je ne suis pas ivre, mais la tête me tourne un peu, et quand Sylvie me reverse un autre verre, je lui dis que c’est suffisant, que je ne pourrai pas retourner chez moi.
--- C’est pas grave dit-elle, il y a de la place chez moi, tu dormiras ici.
Sylvie se relève du canapé, heurtent les magasines qui tombent à terre et se penche pour attraper son verre. Comme il est vide, elle s’en reverse un autre, penche sa tête en arrière et avale tout, cul sec ! Elle reste debout, puis tangue de tous côtés et s’affale sur le canapé. Tout en longueur, sa tête sur mes genoux. C’est la première fois que je vois son visage de si près, il est magnifique, elle tourne la tête vers moi et sourit.
--- Ca t’embête pas que je mette ma tête sur tes genoux ? Me dit-elle.
Je réponds que non, et c’est vrai, ça ne me gêne pas. Comme ses cheveux sont tout en désordre sur sa figure, je dégage son visage en replaçant les mèches sur le côté.
--- Comme tu as les mains douces ! Dit-elle.
Rien de méchant, c’est gentil de sa part.
--- Et moi, dit-elle j’ai la peau douce aussi ?
--- Je ne sais pas, lui dis-je surpris de sa question.
--- Regarde, tu le sauras, Dit-elle.
Elle prend ma main et la pose sur son cou puis la recouvre de son autre main. Etonné, je me demande ce qui m’arrive ! Quel jeu joue-t-elle ? Elle a quand même pas l’intention de passer la nuit avec le copain de sa fille ? Je ne comprends rien à ce qui m’arrive aujourd’hui, en plus j’ai pas les idées très claires. Elle se relève du canapé. Enfin, je me sens soulagé et me lève aussi pour lui dire que je dois y aller mais avec l’alcool je perds l’équilibre et retombe sur le canapé. C’est alors qu’elle se laisse tomber sur moi, me prend dans ses bras et m’embrasse avec fougue… Je passe un coup de fil à mes parents pour leur dire que je ne rentrerai pas, que je passe la nuit chez un copain.

Ca fait deux mois aujourd’hui qu’Elodie est partie et que sa mère l’a remplacée. J’ai rien dit à Seb et Armande, c’est pas leurs affaires et je crains leurs remarques. Ce qui est important, c’est que je sois heureux, et je le suis avec Sylvie, grâce à elle j’ai appris des choses en amour, une sorte de méthode accélérée. Le plus difficile, c’est pour cacher cette relation à mes parents, je suis toujours obligé de mentir et d’inventer des trucs, ça devient lassant.
Le prof de math est malade, c’est un peu con, on est à un mois du bac. Par contre, ça tombe à pic, je vais pouvoir aller chercher Sylvie à son boulot, elle s’occupe de la rubrique ’’ mode’’ d’un magasine.
J’arrive à l’accueil de l’immeuble où elle travaille et demande les bureaux de sa société. Ils sont situés au quatrième étage, je m’y rends. Dans le couloir, je rencontre une employée les bras encombrés de documents, je lui demande le bureau de madame klein, elle me montre une porte bleue, pointe son doigt et dit : « C’est là ». Croyant que cette porte ouvrait sur un couloir, je l’ouvre sans frapper et entre. Le spectacle que je découvre me pétrifie, Sylvie est là, assise à son bureau, enlacé par un homme dont je ne vois pas le visage. Ils s’embrassent et ne se sont même pas rendu compte de ma présence. Je sors discrètement, meurtri et blessé, je rentre chez moi, me lance sur mon lit et me mets à pleurer. Sylvie était une erreur.
Les épreuves du bac arrivent, je pense avoir des chances, je suis bon en philo, en langues et moyen en math. Mais, j’ai plus la tête aux études, je me sens indifférent à tout, j’ai même plus envie d’aller au club photo. Je passe les épreuves comme prévu, je doute….
Les résultats tombent, merde, je suis recalé, même pas le rattrapage. Quelle année ! Surtout que Seb et Armande sont reçus, moi j’ai l’air con.
J’ai pas beaucoup de tunes, mais je veux partir… seul. Ma destination : le sud de la France. J’ai besoin de changer d’air, de voir d’autres gens et envie de faire de la photo de paysages car ici, j’ai l’impression d’étouffer. J’ai un bon sac à dos, une petite tente deux places… A nous la liberté.
Je descends du train à Valence, le soleil baigne la gare de ses rayons brûlants, pas un nuage. Mon sac à dos est un peu lourd, mais je vais m’y faire, c’est le même problème à chaque fois et après quelques jours, je n’y pense plus. Avec ces paysages idylliques, le beau temps et tous ces gens heureux autour de moi, je me sens bien, je revis. Je sens que je vais m’éclater avec mon appareil photo, en rentrant à Paris, les gars du club vont être épatés.
Je longe une rivière d’importance moyenne dont j’ignore le nom, mais ce n’est pas important. Un pont composé de plusieurs arches l’enjambe et je veux me rendre sur la rive opposée pour tirer quelques clichés. L’endroit est désert, ce qui par cette chaleur épouvantable, est compréhensible. Sur la droite du pont, un couple de touristes d’un certain âge se reposent. La femme est debout et regarde une carte, l’homme est assis sur le muret, le dos face au vide. Quand j’arrive à leur hauteur, la femme m’interpelle.
--- Eh ! Je vous reconnais, dit-elle, c’est vous qui avez dérobé le portefeuille de mon mari hier sur le marché !
--- Vous faites erreur, madame, lui dis-je, hier j’étais encore à Paris.
--- Non ! Non ! C’est vous, je vous reconnais, j’en suis sûre, vous êtes un voleur !
--- Mais madame, puisque je vous dis qu’hier je n’étais pas ici.
--- Vous mentez ! Voleur ! Dit-elle.
--- Je vous reconnais aussi, dit l’homme d’un ton agressif ! C’est vous !
Je me rapproche pour m’expliquer mais l’homme commence à crier, il me désigne du doigt en me traitant de voleur, son visage devient rouge de rage, ses veines semblent sortir de son cou, il hurle.
--- Mais arrêtez ! Dis-je, vous êtes cinglés tous les deux, puisque je vous dis qu’hier j’étais à Paris, je suis arrivé ici ce matin, c’est pourtant simple !
--- Menteur ! Voleur ! Salaud ! Dit l’homme en hurlant de toutes ses forces.
L’homme redouble de rage, me somme de lui rendre son portefeuille, serre ses poings, ses veines gonflent, son cou devient violet. Il s’apprête à me jeter une nouvelle salve d’insultes quand subitement il perd l’équilibre, son corps part à l’arrière, dans le vide. Je me précipite sur lui pour le rattraper par les jambes, j’arrive à l’agripper par une chaussure mais l’homme est lourd et je ne parviens pas maintenir ma prise. L’homme tombe dans le vide.
--- Assassin ! Dit la femme, vous avez jeté mon mari par-dessus le pont. Elle s’approche du muret pour regarder en bas, mais ne voit rien. Je me penche à mon tour et aperçois l’homme, une vingtaine de mètres plus bas, immobile, allongé face contre terre.
--- Assassin ! Assassin ! Répète-t-elle, vous l’avez jeté dans le vide, je vais le dire à la police !
--- Mais arrêtez ! Dis-je, vous êtes complètement folle, il faut appeler des secours, au lieu de vous acharner sur moi.
N’écoutant que ma conscience, j’ôte mon sac à dos et cours à toutes jambes vers l’extrémité du pont pour porter secours à ce malheureux imbécile. La femme continue de crier «au secours, à l’assassin » ! J’arrive devant l’homme tout essoufflé, je me penche sur lui, il ne bouge pas. Je lui demande s’il m’entend mais n’obtiens aucune réponse. Je n’ai jamais été confronté à la mort, et
L’idée me traverse l’esprit que l’homme est peut-être mort. Mon corps se glace, je commence à trembler et à paniquer. Que faire en pareille situation ? Et s’il n’est pas vraiment mort ? Dois-je tenter le bouche à bouche ou le massage cardiaque ? Je ne sais que faire. Mais, attiré par les cris de la femme, d’autres personnes arrivent sur les lieux. Un homme arrive en courant, examine le malheureux, le retourne, lui prend le pouls, regarde ses yeux et tourne sa tête de gauche à droite.
--- On ne peut plus rien pour lui, dit l’homme, il s’est fracturé les cervicales.
Puis, se retournant vers moi, il demande :
--- Vous êtes de la famille ?
--- Non réponds dis-je, je passais sur le pont.
L’homme sort son portable, appelle la gendarmerie et demande aux autres personnes de ne pas bouger le corps. D’autres personnes arrivent ainsi que l’épouse du malheureux. Elle se jette sur son mari et se met à pleurer. Puis, subitement elle se relève en furie et, me désignant du doigt, elle dit :
--- C’est lui qui à jeté mon mari par-dessus le pont ! C’est un assassin, il faut l’arrêter !
--- Mais vous êtes folle dis-je, au contraire, j’ai tenté de le retenir.
--- Non c’est lui, dit la femme, il a même volé le portefeuille de mon mari !
Je sens que la vieille va me créer des ennuis… Dans l’immédiat, je dois récupérer mon sac à dos qui est resté sur le pont. Pendant ce temps, les gendarmes arrivent sur les lieux suivis d’une ambulance. La femme se précipite aussitôt sur eux, me désigne du doigt sur le pont. Deux gendarmes se précipitent à ma rencontre, je les laisse venir, je n’ai rien à me reprocher.
--- L’épouse de l’homme qui est tombé du pont vous accuse dit un gendarme.
--- Oui, je sais dis-je, elle est complètement folle, elle prétend aussi que j’ai volé le portefeuille de son mari.
--- Nous verrons ça à la gendarmerie dit-il.
L’ambulance a transporté l’homme et sa femme, les gendarmes sont encore restés, ont pris des mesures, effectués des recherches et m’ont demandé de les accompagner à la gendarmerie. Rapidement, ils passent à l’interrogatoire.
--- Madame Lebrun, prétend que vous avez volé le portefeuille de son mari et que vous refusiez de lui rendre. Il s’ensuivit une dispute qui dégénéra en affrontement au court duquel vous avez jeté monsieur Lebrun par-dessus le pont, confirmez-vous cette version ?
--- Absolument pas dis-je c’est faut, je ne connais pas ces personnes, dis-je.
--- Vous n’avez pas besoin de les connaître pour leur voler leur argent, dit-il. Et il ajoute :
--- Vous ne niez pas votre dispute sur le pont avec Monsieur Lebrun, des témoins ont entendu votre dispute ?
--- Je ne nie pas ma dispute, je marchais tranquillement sur le pont quand ce couple m’a agressé verbalement.
--- Vous voulez dire, quand le couple a reconnu la personne qui leur a volé leur argent. Vous étiez démasqué, vous vous êtes chamaillés, vous avez poussé monsieur Lebrun par-dessus le muret, mais vous ne l’avez pas fait avec intention de le tuer, c’est bien ça ? En vérité, vous n’aviez pas intention de tuer.
--- Non ! Dis-je, Monsieur Lebrun est tombé tout seul, il a fait un malaise et je me suis précipité sur lui pour le retenir, pas pour le pousser.
--- Ce n’est pas la version de son épouse, dit le gendarme.
L’interrogatoire se poursuit, ils ont la conviction que j’ai poussé monsieur Lebrun pour l’empêcher de parler. Madame Lebrun avait même ajouté qu’elle aussi je l’aurais jeté par-dessus le pont si elle ne s’était pas sauvée. Mais, j’ai un autre élément contre moi, le fait d’être retourné chercher mon sac à dos, constitue pour eux la preuve que je m’apprêtais à fuir. Ils me demandent si une personne peut témoigner de ma Présence à Paris hier. Je leur propose d’appeler mes parents. Là encore, le sort s’acharne contre moi, ils ne sont pas chez eux. Les gendarmes essaient sur leur portable mais là encore aucune réponse. Je deviens pour eux, le coupable idéal. Ils me retirent ceinture et lacets, mettent mes affaires de côté et me placent en cellule. Elle fait une quinzaine de mètres carrés fermée par une porte épaisse et ajourée dans sa partie haute. A l’intérieur, un banc en bois occupe les deux murs de chaque côté. Je ne suis pas seul, un homme est assis tout au bout les bras croisés, il semble dormir, mais en fait, il est complètement ivre. Une personne m’apporte à manger, c’est plus que dégueulasse et je n’y touche pas. Une heure plus tard, ils viennent me chercher pour un nouvel interrogatoire. Ils me posent toujours les mêmes questions et je leur donne les mêmes réponses. Ils deviennent de plus en plus agressifs et menacent de me faire parler par la force. Je dis que j’ai droit d’avoir un avocat, à quoi ils répondent qu’ils n’ont pas compris ma question. A minuit, ils me remettent en cellule, je n’arrive pas à dormir et l’homme qui est avec moi a vomi sur le banc, l’odeur est insupportable. A deux heures du matin, nouvel interrogatoire, ils ont la certitude que je suis coupable, pour eux aucun doute possible. Comme je continue à nier, ils me remettent en cellule mais l’odeur de vomi me donne des hauts le cœur et l’homme n’arrête pas de râler. Malgré le manque de sommeil et la fatigue, je cherche un moyen de prouver mon innocence. Au cours de l’interrogatoire de ce matin, un gendarme me dit que je risque vingt années de prison ! Je réalise que ma situation devient dramatique et avec la fatigue due aux interrogatoires, j’ai peur de céder et d’avouer n’importe quoi pour qu’on me fiche la paix. En matinée, enfin, un avocat vient me voir. Après lui avoir expliqué mon affaire, je découvre que lui non plus ne me crois pas ; la preuve, il me conseille d’avouer. Son épouse vous à vu le pousser dans le vide ! Dit-il, vous n’avez aucune chance si nous plaidons non-coupable. Le Procureur a demandé une prolongation de ma garde à vue, je vais encore passer une nuit dans cette cellule, et après ? Je suis révolté contre cette injustice. J’ignore ce qui se passe, mes parents sont toujours injoignables. Parfois, j’ai l’impression que je fais un cauchemar et que je vais me réveiller. A midi, on m’apporte un plateau de nourriture, Je refuse de manger car je suis innocent et n’ai aucune raison d’être ici. Je passe toute la journée en cellule. L’homme qui était ivre est parti, il est remplacé par deux jeunes voleurs de voitures. Ce sont des habitués, ils crient, chantent et font du bazar, moi je me sens mal à l’aise. En soirée, nouvel interrogatoire, c’est peut-être le dixième, dix fois que je leur répète la même chose. La nuit est calme, les deux jeunes sont partis et je réussis à dormir quelques heures. Le matin, petit déjeuné, je ne mange rien ! Vers dix heures, je suis convoqué au bureau de l’adjudant. Il me prit de m’asseoir, prend une feuille imprimée d’une main, me dit qu’un fax en provenance de l’hôpital vient d’arriver et il lit : « Les résultats d’autopsie pratiquée sur la personne de monsieur Lebrun font apparaître que celui-ci est décédé d’un arrêt cardiaque … ». Il ajoute qu’aucune charge ne pèse plus contre moi et que je suis libre dès maintenant. Je n’y crois pas, est-il sérieux ou est-ce une ruse pour tester ma réaction ? Il m’a simplement dit : « nous nous sommes trompés » puis, comme il voyait que j’attendais autre chose, comme des excuses, il ajouta : « Ca fait parti de notre métier.
J’ai récupéré mon sac à dos et, dégoûté, je suis rentré à Paris.

BOKAY
Mes écrits et dessins : http://bokay.over-blog.org/


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