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■ L'hiver
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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2015-11-16
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Parfois, les échecs peuvent être plus instructifs que les succès, parce qu’ils nous donnent une mesure, beaucoup plus vraie, plus précise, de nos aspirations, ce qui prouve que nous voulons plus que nous ne pourrions réaliser, que, sur le plan des désirs, nous sommes meilleurs que dans la réalité. Après tout, il est beaucoup plus grave d’avoir des illusions médiocres que de vivre dans la médiocrité. Pour une vie médiocre, il y a des explications qui ne tiennent pas de vous qu’en petite partie. En échange, quelles seraient les justifications pour la médiocrité des illusions ? Aucune. Rien ne t’empêche de désirer quelque chose qui, plus tard, s’avère au-delà de tes capacités.
Et moi ? Où est ma place ? Mon univers était gouverné d’un réalisme impitoyable, qui rendait impossible l’arrivée d’un Don Quichotte. Sinon, tout au plus, c'est un Sancho Panza qui aurait pu apparaître dans les rues de Lisa, mais qui aurait-il accompagné et à qui aurait-il laissé les tâches imposées par une terre froide et avare ? Vers la fin de l'adolescence, je rêvais, cependant, d'aller en Espagne. Je voulais revenir sur le chemin de Don Quichotte. Il était le seul voyage que je voulais faire. Je fis alors, du héros de Cervantès, un alter ego sentimental. Je pensais être préparé à lever de la même pâte ou veillé, à la naissance, par la même fée que la sienne. Je savais de moi être assez superficiel ou je me surestimais, raison pour laquelle la ressemblance avec Don Quichotte a été une des idées fausses, dont je me suis laissé tromper longtemps. J’ai aimé l’entêtement du chevalier de vivre l’illusion comme une réalité, mais je n’ai pas eu les qualités nécessaires pour mettre en œuvre cette folie, j’ai été fortement dominé par les préjugés sur la sagesse. Pour être plus précis, je dirais que, pour moi, illusion et leurre sont deux choses complètement différentes. Je pense qu’une illusion ne peut pas me leurrer. Et, si une vérité me laisse indifférent (comme s’il me laissait indifférent à ce moment qu’au Pôle Nord il fait moins quarante degrés au lieu de trente), une illusion (tant que je ne la rejette pas ou je ne la perds pas) a quelque chose de moi-même. Comment pourrais-je penser qu'elle me ment ? Puis, comment savoir, aujourd'hui, quels sont mes espoirs fondés ou... s’ils ne sont que de pures illusions ! Et, plus tard, ils me représenteront, probablement, encore mieux que maintenant. Si je me mettais à énumérer toutes les déceptions de ma vie, j’aurais l'image la plus précise des revendications que j’ai eues de moi et de ce que j’ai rêvé. Rien ne me représente avec plus de fidélité! Quelque part, cependant, le chemin s’arrête. Je n’ai plus eu la force de continuer, tout ce que j’ai réussi n’est qu’une morale négative, qui m’aide à apprendre - si ce n’est pas ce que je veux, ce que j’attends, ce que je cherche - au moins, à voir plus claire ce que je ne veux pas, ce que je ne peux pas accepter, à aucun prix. En outre, mon admiration pour Don Quichotte est restée intacte, malgré le fait que, tel que je comprends aujourd'hui, sa lutte avec les moulins à vent a été pour moi, longtemps, pas vraiment un modèle à suivre, mais plutôt un style, en quelque sorte, frauduleux, de rêver. Sans que je puisse me vanter de la folie de Don Quichotte, je ne fus pas tenté, même un seul instant, de la tourner en dérision. J’ai admiré chez les autres ce que manquait chez moi, ainsi, le donquichottisme est devenu, d’après ma logique – je le dis sans craindre le risque de tomber dans le ridicule – quelque chose entre philosophie et religion. Ainsi, je peux rester ici, parmi les mites, dans un état d’esprit ambigu. Je suis conscient de la perte de temps en coupant un cheveu en quatre, pauvre et rongé de toutes sortes de regrets, au lieu de prendre à tâche de ramasser l’argent pour m’acheter une maison où je puisse vivre sans crainte d’être jeté dehors. Les carotteurs, d'après André, sont plus efficaces, ils s’arrangent. Ils s’assurent une bonne position, ils s’enrichissent dans le grouillement d’après la révolution. Ils confirment le fait que les fous n’ont pas de chance dans un pays où les désastres créent plutôt de l’humour que de procès de conscience. Et pourtant, j’ai honte d’être resté un idéaliste inadaptable, quelqu'un de romantique retardé et besogneux. Parfois, j’arrive même à être fier que les nids de poule de Bucarest ne m’ont pas beaucoup aidé. Les carotteurs sont comme les commerçants qui ont roué de coups Don Quichotte. Infatués et dignes de pitié. Éventuellement, cousus d’or, mais incapables de mettre un idéal par-dessus un bordel accessible. *traduit du roumain – extrait du volume Don Quijote în Est – Octavian Paler |
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