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De la nostalgie de l'enfance
prose [ ]
extrait de Veilleurs de Dhuis

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par [Reumond ]

2011-12-15  |     | 



« Tu connais cette maladie fiévreuse qui s’empare de nous dans les froides misères, cette nostalgie du pays qu’on ignore, cette angoisse de la curiosité ? »

Charles Baudelaire, Petits Poèmes en prose (Le Spleen de Paris).




On envie trop facilement l’enfance, jusqu’à la période de l’adolescence, et on désire retrouver quelques morceaux de cette histoire perdue, de ce corps sans soucis et de cette jeunesse à jamais obsolète ; alors, on pleure même parfois l’enfant que nous étions, et nous regrettons amèrement ce temps, pour sa subtile fraicheur et ses possibilités multiples, ses ouvertures vers l’avenir.

Mais comme certaines mini-jupes, rawette de petite ficelle, notre mémoire est bien trop courte !


Oh nostalgie quand tu nous tiens !

À côté de la fraîcheur incontestable de tout commencement, l’aube de l’innocence et le matin des promesses que renferme la jeunesse, on oublie bien trop vite que ce temps de l’enfance, idéalisée par beaucoup, était aussi celui des grandes inquiétudes.

Heureusement qu’à livre ouvert, la mémoire se souvient.

De mémoire de langes et de réputation de culottes courtes, entre la petite enfance et l’adolescence, c’est un train fou qui passe trop vite, et en même temps, paradoxe du temps psychologique, un omnibus casse-gueule avec ses héritages, ses nombreux arrêts, ses dettes de jeux, droits de passage, titres de transport et tickets d’épreuves, qu'elles soient scolaires, familiales ou médicales.

De mémoire de cahier d’écolier, avec ses ratures, ses écrits à fleur de peau, sous son masque de cinéma et une croûte de féérie, nul Zorro n’épargne l’enfant des oraux et des zéros.

De la petite enfance à l’adolescence, c’est un train fou qui défile, avec ses images fixes, ses tribulations et grands bouleversements ; c’est un authentique chemin de croix plein de nombreuses stations plus ou moins marquées par les évènements.

Car les Grands se conduisent en Grand, pensent dorénavant en Grand grincheux et Grand stupide, noyés dans des problèmes de Grands, ne voyant pas plus loin que le seuil de leurs défauts. Et en grandissant, sans même nous en rendre compte, nous avons nous-mêmes oublié tout cela !

Regardez derrière la vitre du temps, ouvrez les fenêtres, car nous avons laissé ces images dehors !

Même si l’arbre est gravé de cœurs maladroits et d’initiales à recomposer l’alphabet, pour retourner aux racines, il nous faut repasser par la vitre brisée d’un miroir intérieur, brisure des branches, par les écorchures d’écorces ; refaire tout le cheminement à l’envers, retrousser nos pantalons, pour retrouver le haut niveau d’adaptation et toute l’inventivité qui était nôtre en ce temps-là.



« Se voyant seul contre cent, il avait sonné de son cor pour appeler l’empereur à son secours, et cela avec une telle force, que, quoiqu’il fût à plus d’une lieue et demie, l’empereur avait voulu retourner ; mais Ganelon l’en avait empêché, et le bruit du cor s’en était allé mourant, car c’était le dernier effort du héros. » (Extrait de Roland, après Roncevaux, d’Alexandre Dumas).


Sous ma grande capuche, je me sens un peu protégé. Et si le premier bouton de mon ample manteau de laine doublé, faisait aussi fonction de sifflet, il n’arrêtait pas le train, il ne stoppait pas le balancier du temps et ne réduisait nullement la distance entre le nid familial et ces lieux reculés de cure, où l’on m’envoyait pour me refaire une vraie santé.

Au temps des préventoriums, les Grands ne savaient pas encore que l’angine parle de l’enfance et qu’elle articule en maux pour l’enfant sans mot, qu’elle dit à gorge rougie ce qu’il ne peut exprimer encore ; et comme le roseau agité par le vent, l’enfant asthmatique raconte à chair ballotée, ses inquiétudes profondes et ses tourments d’enfant.

Je siffle dans mon Duffle-coat, mais nul vaillant chevalier ne vient me consoler !
Pas un seul héros vêtu en Mousquetaire ne vient à ma rescousse, pour épauler d’une main de velours mon chagrin, et d’une main ferme apaiser ma colère.

Dans les westerns américains, le train siffle toujours trois fois, mais Doudou halète, il siffle à bout de souffle, et ses appels restent vains ; seul le sifflet du maître des colles, entre le ciel et la terre, a le pouvoir d’arrêter le train des jeux et les petits diables dans leur cour de récréation, pour organiser d’impeccables rangs d’irrépréhensibles gamins en blouses grises.

Écoutez de toutes vos oreilles ! Je siffle dans mon duffle-coat, mais pas un Ange n’apporte la délivrance tant attendue ; le firmament ne s’ouvre pas comme la porte de la cuisine avec ses bonnes odeurs de crêpes ; l’armée céleste ne dévale pas les nuages pour venir à mon aide et me délivrer; rien n’a lieu ! Rien ne se passe alors que l’angoisse ne passe pas !

Comme si de rien n'était, comme si je n’étais rien, comme si rien ne se passait jamais, comme si les miracles étaient en définitive des décors de papier mâché ; que les pensées magiques de l'enfance ne marchaient plus, comme des allumettes mouillées par des larmes.

Le Roi des Aulnes l’oublie, le dirlo le sous-estime, le président Coty l’ignore carrément, le curé de Clichy et le Pape Jean XXIII le négligent, ses parents font ce qu’ils peuvent …

Personne ne semble entendre le sifflet du Duffle-coat !

L’enfant des bois et des îles, des jeux et des rêves, peut-être bien que les Anges l’ont abandonné à son triste sort ? Sont-ils tous définitivement sourds aux cris de l’enfant, trop occupés comme beaucoup de Grands, ou font-ils semblant tout simplement de ne pas entendre mon sifflet ?

Des manques, des rêves frustrés, des illusions sur soi, sur les autres et le monde. Dans un corps qui change de peau, dans une peau qui change de corps…

Oh douloureuse enfance, pénible adolescence ! Parce qu'elle représente le paradis perdu d’un ventre très accueillant, et qu’elle dit toujours des choix avec leurs pertes collatérales.

Il s'agit en fait d'une période de grande insécurité, avec toutes les difficultés d’accepter une image de soi et des autres qui change sans cesse, face à ses propres limites quand on est haut comme trois pommes ; l’impuissance, la maladresse, la gêne, la culpabilité et l’ennui, la fragilité et l’ignorance, les questions et les doutes inhérents à l’âge, le désir de plaire, d’être entendu et écouté, d’aimer et d’être aimé, rassuré, au présent de l’indicatif ou au plus-que-parfait.


Dans nostalgie il y a « Noce », et tout le plaisir des noces, c’est Cana et son miracle, son abondance de bon vin tiré de l’eau, du beau Cana nouveau comme on n’en fait plus ! Mais dans nostalgie, il y a aussi le mirage, l’algie qui crispe les nerfs, celle dont on parle à mi-voix pour ne pas réveiller la douleur, ce mal qui dort quelque part dans la cabane de nos méninges, tout comme cette méningite qui frappa mon grand frère Jacques, dans les années 50.

Au coin de l’allée Angel Testa et de l’avenue Jean Jaurès, il y a toujours le café-tabac des Sept-Îles, et en face, de l’autre côté de l’avenue, à l'angle de la Dhuis, il y avait dans ces années-là, le magasin de motos de Durant, l’amoureux de Madame Grare, ma voisine. Dans le brouhaha du café, une pièce de monnaie tombe, une main sélectionne une lettre et un chiffre toujours gagnant, quelques touches s’enfoncent, le bras articulé fait son ouvrage, saisit le disque 45 tours, les lumières clignotent…, et c’est toute la magie du juke-box qui s’affaire à jouer son premier couplet.

La mélodie monte les escaliers de l’hôtel, où quelques amoureux passent leur temps au filtre des draps.
Au bureau-tabac on commande des Gauloises bleues; les clients du café lèvent leurs verres, et moi tout penaud, « …j'entends siffler le train, mais j'entends siffler le train, et que c'est triste un train qui siffle dans le soir... »

On dirait aujourd’hui que c’était le premier tube de l’été 1962. Et sur cette nostalgique chanson, J'ai pensé moi aussi qu'il valait mieux nous quitter sans un adieu… »

Alors, j'ai crié vers toi, Nostalgie, et c'est à peine si j'ai pu me retenir d’aller plus loin, de courir vers toi, de me jeter dans tes bras d'enfant triste, de regarder dans tes grands yeux de chien battu, pour te consoler moi-même; car il est déjà trop tard et c'est bien trop loin où tu t'en vas, toujours plus loin, au fil d'un temps qui passe comme un Train à Grande Vitesse...

Aurez-vous, Nostalgie de mon âme, souvenirs de mon cœur, mémoire de tout mon corps, le temps de revenir un peu vers moi ?

Pour le moment, " J'ai pensé qu'il valait mieux nous quitter sans un adieu...", car je sens bien maintenant que tout est fini, et que rien se sera plus comme avant.

J'entends encore chanter ce refrain, siffler ce train triste qui s'en va au loin, et je crois bien que j'entendrai siffler ce sacré duffle-coat jusqu’à la fin de ma vie !

(...)

(extrait de Veilleurs de Dhuis)


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