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Act
prose [ ]

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par [D-na Gheo ]

2010-06-30  |     | 



C’est l’hiver, et la neige s’est posée doucement sur les toits des maisons, sur les branches des arbres, sur la boîte aux lettres et même sur les grilles pointues des palissades auxquelles les pantalons s’accrochent quand on veut les escalader. Bien des fois, Act s’est demandé comment la neige pouvait tenir sur ces pointes métalliques.
Maintenant, dans le lit, couvert jusqu’au bout du nez et attendant que sa mère le prenne dans ses bras et le porte dans la salle de bains devant le lavabo, Act se pose la même question, mais peu après l’autre question lui revient à l’esprit : Pourquoi maman ne… ? Mais il n’a pas le temps de terminer que, devant ses yeux, apparaît un grand disque muni de deux aiguilles d’argent, l’une longue et l’autre courte, et une troisième aiguille dorée qui tourne sans arrêt. Le disque blanc porte un cadre en or. Oui. Act le reconnaît. C’est
une montre, mais une montre plus grande que celles qu’il connaît, et plus belle.
- Qu’est ce qu’elle fait dans ma chambre, cette montre ? se demanda Act. C’est vrai, j’aimerais bien en avoir une pareille, mais….
- Moi, je suis la montre du roi, et j’habite au château, sur un guéridon tout en or et en cristal ; mon voisin est un danseur en porcelaine qui, depuis qu’il est venu, reste un pied sur le guéridon et l’autre en l’air. Il est ainsi comme suspendu… On est de bons amis.
- Tu es donc une montre parlante, s’étonna Act.
- Oui, je parle et je me balade comme mon maître, le roi. On s’entend très bien, tous les deux. Si le roi me dit qu’il a envie de dormir jusqu’à midi, je ne sonne plus, et à ma petite aiguille dorée, je lui dis de tourner sans bruit.
- Comment se fait-il que tu t’entendes si bien avec le roi et le roi avec toi ? demanda Act de plus en plus étonné.
- Il n’y a rien d’étonnant à cela. Toi aussi, tu as une montre ! Chaque homme a une montre, une montre-ami…
- Eh oui, en effet ! se fit entendre une petite voix, inconnue à Act.
Act regarde perplexe. Devant lui se tient une autre montre, installée celle-ci dans une petite caisse laquée noir ; ses aiguilles en bois sont particulièrement fines.
- Je suis la montre du professeur de physique qui habite en face de toi. Je te vois chaque matin partir à l’école. Ma place est sur le bureau près de la fenêtre, parmi les livres et les lunettes du professeur. De là, je vois directement dans la rue.
- Toi aussi, tu t’entends bien avec ton maître ? demanda Act de plus en plus curieux.
- Certainement. Mon maître et moi, nous avons le même âge : soixante-dix ans. Parfois, je ne dois même pas faire sonner cette clochette au dessus de ma tête. Le professeur me regarde et sait qu’il doit se réveiller et continuer d’écrire son livre.Un livre commencé il y a vingt ans.
- Tiens, tiens ! J’aime bien ça ! J’aimerais moi aussi une montre pareille!
- Mais tu en as une, là, sur la table de nuit ! Chaque homme a une montre-ami.
- Tout à fait ! retentit une autre voix.
Cette fois, Act ne comprenait plus rien. Comment ? Une poêle ? Quel rapport entre cette poêle et les montres qui viennent de lui parler ?
- Je ne suis pas une poêle. Je suis la montre de madame Priti, votre voisine. C’est vrai que mon visage est encadré par une poêle, mais j’ai des aiguilles qui annoncent à madame Priti qu’elle doit sortir la tarte du four, ou qu’il est temps qu’elle prenne ses médicaments. Ce que j’aime le plus c’est que ma maîtresse ne me tape jamais sur la tête pour m’arrêter de sonner comme font d’autres possesseurs de montres. Est-ce notre faute qu’ils nous programment à sonner ?
- Ça va ! J’aime bien vos histoires. Mais, dites-moi, les enfants, eux, peuvent avoir une montre-ami ?
- Évidemment. Je vois d’ailleurs que toi aussi tu en as une, se fit entendre la voix cristalline d’une montre qui venait de prendre la place de la montre-poêle.
- Toi, tu es vraiment belle ! Tu as le visage d’une poupée. Ta maîtresse doit être une fillette. Voyez-moi ça : chaque heure est marquée sur une perle et… tes aiguilles sont faites de colliers de petites perles. Que c’est beau ! Et ta clochette, on dirait un bonbon en gelée !
- C’est gentil de ta part de m’apprécier ainsi ! répondit la montre. Ma maîtresse aussi vante mes qualités devant ses amis. Pourtant, ce qu’elle aime le plus chez moi c’est que je la réveille à temps, avec mon tintement. Grâce à moi elle n’est jamais en retard en classe. Alors, en récompense, elle me nettoie tous les jours et m’installe sur la plus belle nappe brodée, à côté de son ourson en peluche et du lapin en velours. On s’entend tous très bien, on est une vraie famille.
Act n’en croyait pas ses oreilles. Il eut envie de regarder une fois de plus la montre-poupée mais elle n’y était plus.
Il faisait nuit et la neige scintillait sous les rayons de la lune.
- Pourquoi maman est-elle tellement en retard ? Il y a bien longtemps que le réveil a sonné, se dit Act en regardant longuement la fenêtre!....oh ! Il fait toujours noir dehors ! Comme si c’était la nuit! Et quelle nuit !
- Il ne faut pas s’étonner ; ta mère ne doit pas venir ; il n’est que minuit. Quand j’ai sonné tu n’as même pas daigné me regarder. Tu m’as tapé sur la tête, aïe ! J’ai encore mal ! Mais c’est encore bien ! Des fois tu me tapes si fort que je me retrouve sous le lit. Si tu t’étais donné la peine de me regarder, tu aurais vu que ce n’était pas le matin. Il te reste encore cinq heures de sommeil. Recouche-toi ! Dors bien !
Avec précipitation, Act allume la lampe de nuit et prend le réveil dans ses bras.
- Attends, attends, pardonne-moi ! Je n’ai pas voulu te faire de la peine. Veux-tu être mon ami ? Comme le racontaient les autres tout à l’heure.. ? Mon Dieu, mais quelle poussière sur ta tête…. et que de bosses et d’égratinures ! Je me demande comment tu fais pour sonner encore. Viens, je vais te soigner. C’est moi qui t’ai fait tout ça ? Pardon, je te supplie, pardonne-moi !
-
Le matin, en arrivant pour tirer Act de son lit, maman trouve stupéfaite le lit vide. Où pouvait donc bien être son trésor ? Et si quelqu’un l’avait enlevé ? Non, impossible, les voleurs ne rangent pas draps et couvertures, ils ne nettoient pas tout dans les pièces dévastées. Pendant que maman fait ces suppositions, Act est déjà en train de faire sa toilette, de bien se brosser les dents.

L’après-midi, je rencontrai Act portant son réveil chez l’horloger de notre rue.
- Vous savez, madame Gheo, j’ai un nouvel ami ! me dit-il en arrivant devant moi.
- Je suis contente pour toi! Et qui est-il, cet ami ?
- Le voilà ! C’est lui, le réveil. J’ai été le faire réparer chez notre horloger. Il n’est pas comme les montres de mes rêves mais c’est le mien, c’est mon réveil-ami.

Et en m’accompagnant jusqu’à ma porte, Act me raconta toute l’histoire des montres.



Traduction faite par Dolcu Emilia

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