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Au-delà du vent (2)
prose [ ]

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par [ameliamo ]

2010-06-14  |     | 



Au bout de presque trois mois, Titi le Chef revint. Il prit Eva, lui promettant qu’elle deviendrait, un jour, top model et gagnerait beaucoup d’argent. Eva ne comprenait pas ce que signifiait être un top model, mais elle était joyeuse de gagner d’argent.
Dans la maison entourée d’un haut mur, situé en périphérie de la ville, vint le médecin amené par Titi le Chef. C’était un vieillard avec une face de sac à vin.
La fumée des cigarettes s’enroulait autour des parois d’une petite chambre, comme un bras de pieuvre, étouffant Eva. Le docteur accroupi, fouillait de son doigt osseux entre les cuisses de la fille. Elle était immobilisée par Titi. Son visage était rouge feu ; elle se sentait honteuse et humiliée. La face de docteur était rouge aussi, mais pour d’autres raisons et il haletait.
- De quoi s’agit il ? demanda Titi nerveux.
- Elle est enceinte, mais il est encore possible d’avorter.
Titi le Chef commença à proférer des insultes et prenant la tête d’Eva la frappa contre le mur.
- Qui ? Qui a fait ça ? Qui est-ce ?
Les yeux verts d’Eva foudroyèrent du regard Titi :
- Ton beau-frère ! dit-elle entre ses dents serrées.
Titi commença de nouveau à dire des gros mots, en menaçant :
- Je vais tuer ce misérable qui a volé mon argent !
On accrocha une couverture à la fenêtre et une lampe éclairait une table de cuisine ; tout se fit en silence. La table était en bois, Eva cramponna fort ses ongles dans celle-ci; ses doigts devinrent les feuilles pâles d’une plante en train d’être dévorée. Elle sentit comme on arrachait un morceau de sa chair qui fut jeté à la poubelle.
Au bout d’un mois, une voiture l’emporta vers une destination très éloignée.

Madame Claude était sévère, elle se préoccupait que les filles aient du travail et que leurs clients soient satisfaits. Toutes avaient des papiers, sauf Eva. Elle ne connaissait pas la plupart des mots ; ses paroles étaient restées dans son village, collées à des images de la forêt d’acacia et de Jean. Ici, on n’avait pas besoin de ses vocables, rien que de son corps.
Eva se lia d’amitié avec une jeune femme étrange qui s’appelait Lélia. Sa peau irisait des nuances violettes, ses yeux scintillaient comme le sable lorsque la lumière de la lune tombe dessus. Son sourire fleurissait rarement sur ses lèvres, comme une immortelle des neiges. Quand elle racontait de son pays natal à Eva, ses yeux s’illuminaient. Là-bas, se trouvaient le vent et les étoiles et le désert. Le vent apporte la fraîcheur, la tempête, il amène le bien et le mal aussi. Sous le voile de la bourka on peut cacher tant de choses : un sourire et une larme, la résignation et l’espoir pareillement. Si l’espérance n’existait pas, que transporterait-il le vent, sauf des contes de fée? Elle aimait les contes de fée et bien sûr, en connaissait de nombreux. Lélia lui racontait plusieurs histoires et Eva les écoutait, fascinée. Elle se souvenait de son pays natal et des contes de la Vieille.
Lélia se comportait comme une plante du Sahara; sous l’écorce protectrice il y avait tant de vie à l’état pur, de force et de tranquillité. Elle était une sorte d’oasis dans une autre forme de désert, où les gens sont semblables au sable mouvant et aux orages destructeurs.
Lélia aimait bien l’écharpe d’Eva et avec un peu de poussière colorante traditionnelle de son pays, elle lui donnait des vibrations de couleurs en lumière. Le sable scintillant sur les rayons de soleil, la grandeur du ciel sans nuages, le couchant rouge violacé au dessus d’une forêt d’acacia de son enfance, transparaissait en lui. Lélia, contente, souriait.
Trois ans s’écoulèrent. Eva se faufilait souvent dehors, un peu avant le tomber de la nuit, pour se balader. Pour elle tout était inversé ici ; au dessus il faisait noir, au dessous des astres s’allumaient. La ville devenait un ciel de nuit étoilé. Dans le village entouré de champs où elle était née, la nuit, il n’y avait plus de lumière sur la terre, mais le ciel vibrait d’étoiles. Presque tous les soirs elle aimait aller au vieux parc où se trouvaient des arbres étranges, comme ce ginkgo biloba, et le regard bleu de l’homme qu’elle rencontrait là, mais qui ne lui parlait jamais. Là, elle jouait elle-même ses contes de fée. Ceux-ci chantent parmi les pensées, et quand on les écoute, ils bercent le cœur. C’était un fort mal de pays, de son enfance, qui la liaient aux buissons de chardons, à la forêt d’acacias fleuris et au souvenir de Jean. Elle désirait entendre des mots dans sa langue, et dans sa tête, elle parlait en roumain avec Jean. La nostalgie lui provoquait de profondes souffrances. Elle aimait Jean, ce Jean de ses rêves, même s’il n’était qu’une construction imaginaire. Mais qui fait la différence entre l’image espérée et la réalité ? Seul l’esprit, s’il le veut.
Pour Eva, ce qui s’était passé tout le temps qu’elle était restée là-bas, n’était pas très clair. L’important, c’est qu’elle croyait avoir échappé à la faim. On ne peut pas comprendre ce que signifie la faim, seul celui qui en a souffert le peut. La faim a la forme de la pupille de l’œil, et est contenu en elle. Elle se serre et se dilate jusqu'à tout absorber dans son trou noir.
Eva, pour stimuler son état de rêverie et pour engourdir son corps et sa raison, avait commencé à boire. Et de jour en jour elle buvait plus. Tout devenait confus, la réalité et le rêve se confondaient tout en s’unissant : la vie devenait supportable et l’illusion pouvait être comprise comme réalité.
Ce soir-là, elle resta plus de temps dans le jardin ; comme il se faisait déjà tard, Eva s’enfuit comme d’habitude. Son châle glissa de ses épaules et s’accrocha à une branche d’arbre. Elle ne s’arrêta pas pour le reprendre. L’homme au regard bleu le ramassa sans rien dire. Sa gorge serrée ne laissait passer aucun son. C’était un médecin résident roumain. Il venait chaque soir pour rencontrer la belle fille qui exerçait une profonde fascination sur lui. C’était comme s’il assistait à l’apparition d’une incroyable fée. L’émotion était si forte qu’il en était presque paralysé. On dit que cet arbre, le ginkgo, a un pouvoir magique pour provoquer l’amour. Un amour si fort qu’il ne s’oublie jamais. Le jeune homme espérait que cette magnifique fille reviendrait chercher son fichu et qu’à cette occasion, il lui parlerait. Il revint jour après jour, mais Eva jamais.
Quand Eva se présenta chez madame Claude, il régnait une grande perturbation. Tout le monde s’agitait. Madame Claude triturait sa chevelure de ses mains pleines de bagues en or et se lamentait :
- Quel malheur! La police va venir tout de suite. J’avais la prémonition que cette fille apporterait des problèmes avec elle, de graves ennuis pour moi.
Lélia a été trouvée, un coup de couteau dans la poitrine. Eva pensait avec tristesse à son amie : la pauvre Lélia, si bonne, si douce, elle est rentrée chez elle dans son désert silencieux, où le vent dissipe les mots pour les réunir en contes de fée.
La police arriva rapidement et commença l’interrogatoire.
Quand la police constata qu’Eva n’avait pas de papiers, elle fut expulsée au milieu de nombreuses gitanes. En Roumanie, à l’aéroport, l’attendait Titi le Chef.

Tout ce qui se passa ensuite lui donna l’impression d’être au milieu d’un nuage noir de tempête sur une montagne. Elle n’existait plus, il n’y avait plus que le noir et l’eau. L’eau de pluie qui coulait dans la vallée charriant des pierres et de la terre. Eva était devenue comme cette eau pleine de boue qui descendait encore jusqu'à n’être plus qu’une grosse bourbe, et qui en séchant se transformait en poussière. Avec chaque ride apparue sur son visage, elle glissait vers la poubelle remplie des ordures de la vie, chaque verre d’alcool qu’elle buvait, la déversait dans le canal des eaux résiduelles de la société.

Eva dormait sur la terre nue; elle avait froid et se blottissait. La lune se préparait à se coucher. Le lever du soleil s’annonçait. Dans son sommeil elle songeait à Jean. Ils se tenaient serrés dans les bras l’un de l’autre dans la forêt d’acacias fleuris. Elle était heureuse. Eva ouvrit les yeux ; le dernier rayon de lune se colla un instant sur sa figure. Elle sentit une respiration chaude tout près : une louve grande et blanche la fixait. Eva se mit à pleurer. Toute sa vie se déroula sous ses yeux ; des choses qu’elle aurait voulues oublier, y compris celles qu’elle avait déjà oubliées. Dans une brume argentée, apparut le vieux jardin qui se trouvait au loin, l’arbre, ce ginkgo biloba qui apportait l’amour, le regard bleu de ce jeune homme qui l’avait ignorée. Elle se moquait de lui, riant en elle-même, pensant comme il s’était amouraché d’elle et n’avait pas été capable d’articuler un seul mot, l’idiot. Pour la première fois elle comprit que cet autre homme apparu dans sa vie, aurait pu changer son destin. Toute sa vie elle avait rêvé de ce Jean qui n’avait jamais pensé à elle.
La louve partit. Eva se releva et attirée comme une somnambule, suivit cette vision. Le train passa à grande vitesse, dans un vacarme. Une écharpe couleur de sang serpentait parmi les pierres de remblai du chemin de fer. Dans le champ deux formes blanches couraient vers l’horizon où les nuages ressemblaient à une forêt d’acacias.
Quelque part, dans un vieux jardin, sous un Ginkgo, un homme grisonnant au regard bleu, attendait. C’était l’autre…rêveur.



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