agonia
francais

v3
 

Agonia.Net | Règles | Mission Contact | Inscris-toi
poezii poezii poezii poezii poezii
poezii
armana Poezii, Poezie deutsch Poezii, Poezie english Poezii, Poezie espanol Poezii, Poezie francais Poezii, Poezie italiano Poezii, Poezie japanese Poezii, Poezie portugues Poezii, Poezie romana Poezii, Poezie russkaia Poezii, Poezie

Article Communautés Concours Essai Multimédia Personnelles Poèmes Presse Prose _QUOTE Scénario Spécial

Poezii Rom�nesti - Romanian Poetry

poezii


 
Textes du même auteur


Traductions de ce texte
0

 Les commentaires des membres


print e-mail
Visualisations: 4976 .



La peau de chagrin
prose [ ]

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
par [Honoré_de_Balzac ]

2010-05-27  |     |  Inscrit à la bibliotèque par Dolcu Emilia



VII

- Monsieur désire voir le portrait de Jésus-Christ peint par Raphaël ?.... lui dit courtoisement le vieillard d’une voix dont la sonorité claire et brève avait quelque chose de métallique.
Et il posa la lampe sur le fût d’une colonne brisée, de manière à ce que la boîte brune en recût toute la clarté.
Aux noms puissants de Jésus Christ et de Raphaël, un geste de curiosité, sans doute attendu par le vieillard, échappa au jeune homme. Le marchand d’antiquités fit jouer un ressort ; et, tout à coup, le panneau d’acajou, glissant dans une rainure, tomba sans bruit et livra la peinture à l’admiration de l’inconnu.
A l’aspect de cette immortelle création, il oublia tout, même les fantaisies du magasin et les caprices de son sommeil. Il redevint homme, reconnut dans le vieillard une créature de chair, bien vivante, point fantasmagorique, et revécut dans le monde réel.
La tendre sollicitude, la sérénité du visage divin influèrent aussitôt sur lui. Un parfum épanché des cieux dissipa les tortures infernales qui lui brûlaient la moelle des os. La tête du Sauveur des hommes paraissait sortir des ténèbres que figurait un fond noir… Une auréole de rayons étincelait vivement autour de sa chevelure d’où cette lumière voulait sortir. Sous le front, sous les chairs, il y avait une éloquente conviction qui s’échappait de chaque trait par de douces et pénétrantes effluves…Les lèvres vermeilles venaient de faire entendre la parole de vie, et le spectateur en cherchait le retentissement sacré dans les airs, il en demandait les ravissantes paraboles au silence, il l’écoutait dans l’avenir, la retrouvait dans les enseignements du passé… Enfin l’Ėvangile était tout entier traduit par la simplicité calme de ces adorables yeux où l’âme troublée se réfugiait, où toute la religion se lisait en une seule expression magnifique et suave qui semblait répéter :
-Aimez-vous les uns les autres !
Cette peinture inspirait une prière, commandait le pardon, tuait l’égoïsme, réveillait la charité… Le triomphe de Raphaël était complet, car on oubliait le peintre ; et partageant le privilège des enchantements de la musique, son œuvre vous jetait sous le charme puissant des souvenirs… Le prestige de la lumière agissait encore sur cette merveille ; et par moments, il semblait que la tête s’élevait dans un lointain magique, au sein de quelque nuage.
- J’ai ouvert cette toile de pièces d’or à un pied de hauteur !... dit froidement le marchand.
- Eh bien ! il va falloir mourir !.... s’écria le jeune homme qui sortait d’une rêverie dont la dernière penseé l’avait ramené vers sa fatale destinée, en le faisant descendre, par d’insensibles déductions d’une dernière espérance à laquelle il s’était attaché…
- Ah ! ah ! j’avais donc raison de me méfier de toi !... répondit le vieillard en saisissant les deux mains du jeune homme et les serrant par les poignets dans l’une des siennes comme dans un étau de fer.
- L’inconnu sourit tristement de cette méprise, et dit d’une voix douce :
- Hé, Monsieur, ne craignez rien ! Il s’agit de ma vie et non de la vôtre…
- Pourquoi n’avouerai-je pas une innocente supercherie ? reprit-il après avoir regardé le vieillard inquiet… En attendant la nuit afin de pouvoir me noyer sans esclandre, je suis venu voir vos richesses. Qui ne pardonnerait ce dernier plaisir à un homme de science et de poésie ?...
- Le soupçonneux vieillard examinait d’un œil sagace le visage morne de son faux chaland pendant qu’il parlait ; et, rassuré par l’accent de cette voix douloureuse, ou lisant peut-être, dans ses traits décolorés, les sinistres destinées, dont avaient naguère frémi les joueurs, il lâcha les mains qu’il tenait si vigoureusement. Mais, par un reste de suspicion qui révélait une expérience au moins centenaire, il étendit nonchalamment le bras vers un buffet comme pour s’y appuyer, et dit en y prenant un stylet :
- Etes-vous depuis trois ans surnuméraire au trésor, sans y avoir touché de gratifications ?...
L’inconnu ne put s’empêcher de sourire en faisant un geste négatif.
- Votre père vous a-t-il trop vivement reproché d’être venu au monde ?… ou bien êtes-vous deshonoré ?
- Si vous voulez vous déshonorer… je vivrais.
- Avez-vous été sifflé aux Funambules ?... ou vous trouvez-vous obligé de composer des flons flons pour payer le convoi de votre maîtresse ?... n’auriez-vous pas plutôt la maladie de l’or ? … voulez-vous détrôner l’ennui ?... enfin quelle erreur vous engage à mourir ?...
- Ne cherchez pas le principe de ma mort dans les raisons vulgaires qui commandent la plupart des suicides… Pour vous dispenser de vous dévoiler les souffrances inouïes et dont il est difficile de parler en langage humain, je vous dirai que je suis dans la plus profonde et la plus ignoble, la plus perçante de toutes les misères…
- Et, ajouta-t-il d’un ton de voix dont la fierté sauvage démentait ses paroles précédentes, je ne veux mendier ni secours ni consolation…
- Eh ! eh ! … répondit le vieillard.
Ces deux syllabes ressemblèrent au cri d’une crecelle.
Sans que je vous console, sans que vous m’imploriez, sans avoir à rougir, reprit le marchand, et sans que je vous donne :
Un centime de France,
Un maravédis d’Espagne,
Une gazetta de Venise,
Un farthing d’Angleterre,
Un cauris d’Afrique,
Une roupie de l »Inde,
Un rez de Portugal,
Une gourde d’Amérique,
Un rouble de Russie,
Un denier hollandais,
Un parat du Levant,
Un tarain de Sicile,
Un croizat de Gênes,
Un gros de Genève
Un heller d’Allemagne,
Une bajoque d’Italie,
Un batz de Suisse,
Une seule des sersterces ou des oboles de l’ancien monde ni une piastre du nouveau ;
Sans vous donner quoi que ce soit, en
Or
Argent,
Billon,
Papier,
Billet,
Hypothèque,
Annuité,
Rente,
Délégation,
Ou emphythéose,

Je vous fais plus riche, puissant et considéré qu’un roi constitutionnel… Eh ! eh !...
Le jeune homme resta comme engourdi, croyant le vieillard en enfance.
- Retournez-vous… dit le vieillard en saisissant tout à coup la lampe pour en diriger la lumière sur le mur qui faisait face au portrait.
- Regardez cette petite Peau de Chagrin !...





.  | index








 
shim La maison de la litérature shim
shim
poezii  Recherche  Agonia.Net  

La reproduction de tout text appartenant au portal sans notre permission est strictement interdite.
Copyright 1999-2003. Agonia.Net

E-mail | Politique de publication et confidetialité

Top Site-uri Cultura - Join the Cultural Topsites! .