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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2005-06-21 | | Sauvé par l’amour. Yannick visitait les distributeurs automatiques comme d’autres se rendent au bureau. Une affaire bien au point, minutieusement huilée et des proies sélectionnées : de vielles personnes ou des femmes peu alertes. Il en « visitait » un à deux par semaine, juste assez pour se payer cette saleté de drogue dont il était devenu dépendant. La réussite de sa petite affaire crapuleuse reposait sur une organisation stricte où rien n’était laissé au hasard, le temps, la fréquentation des lieux ou l’itinéraire à prendre avec le butin. Tout cela fonctionnait si bien qu’il était entré dans une sorte de routine, certain de l’infaillibilité de sa technique. Ce mardi matin, le temps est idéal, une pluie fine pousse les gens à s’activer, à faire juste le nécessaire. Agacés par les gouttes qui ruissellent sur leurs visages, ils sont peu attentifs au monde extérieur et deviennent alors des proies vulnérables. Posté quelque peu en retrait d’une porte cochère, Yannick fixe le distributeur de billets distant d’une vingtaine de mètres. Pour banaliser sa présence il a ouvert son parapluie. La rue est calme, une vielle dame marche, un énorme Berger allemand à ses côtés. Devant elle, un homme d’un certain âge, vêtu correctement s’approche du distributeur, sort sa carte et compose son code. Yannick attend qu’il prenne le premier billet et compte dans sa tête, il sait que sur cette machine, un billet tombe toutes les quatre secondes. L’homme a retiré six billets. C’est pas terrible se dit Yannick, mais il a un besoin urgent d’argent et il s’en contentera. D’un air naturel, Il referme son parapluie, regarde de chaque côté de la rue, colle la semelle de sa chaussure gauche sur l’angle de la marche et pose une main en appui sur le mur. L’homme tient encore son portefeuille à la main quand Yannick se détend comme un ressort en direction du distributeur. Il l’atteint en quelques secondes et bouscule l’homme qui, sous l’effet de surprise, tombe à terre. Yannick lui arrache violemment son portefeuille et s’enfuit aussi vite qu’il le peut. L’homme reste à terre et se met à crier de toutes ses forces : ---Samiiiik ». Fidèle à son habitude, Yannick ne se retourne pas et ne cherche pas à savoir qui est ce «Samik ». Chaque seconde compte. Il accélère et s’engage dans une ruelle. Il se sent poursuivi, accélère encore et se faufile entre les passants, les bousculants au passage. Mais son poursuivant gagne du terrain et fini par le rattraper, il ouvre alors toute grande son énorme gueule et plante ses crocs pointus dans le mollet de Yannick. La douleur est intense, Yannick a envie de hurler, il tombe, se relève aussitôt et poursuit sa fuite. Mais le molosse ne lui laisse aucun répit et se jette à nouveau sur sa jambe. Le pantalon de Yannick est déchiré et le sang commence à couler. Il tente un violent coup de pied en direction de l’animal, mais la bête le saisit par la cheville et refuse de lâcher prise. Alors Yannick, utilisant toute la force de son bras gauche lui administre un coup de point en pleine gueule. L’animal lâche prise, Yannick en profite pour s’élancer en direction du boulevard où La circulation est fluide. Sentant les crocs de l’animal frôler sa peau, il s’élance pour traverser le boulevard au milieu de des véhicules. Une voiture réussit à l’éviter mais une camionnette de livraison le percute de plein fouet. La puissance du choc projette Yannick à quelques mètre et il retombe le dos sur le rebord d’une plaque d’égouts. Quand il se réveille à l’hôpital, Yannick ne sent plus ses jambes. Paraplégique à vingt-deux ans ! Toute une vie dans un fauteuil roulant ! Pour Yannick, Le monde s’est éteint, ce lundi ! --- J’aurais mieux fait d’y rester ! Plutôt crever que de vivre comme un légume dit-il, un sexe qui ne me sert plus qu’a pisser et deux morceaux de bois en guise de guibolles ! Yannick n’avait rien qui le prédestinait à la délinquance et à la drogue. Elevé dans une famille bourgeoise, l’argent ne fut jamais un problème pour lui. Son père est concessionnaire du garage BMW de la ville. Une entreprise réputée pour engranger de confortables bénéfices. Le parcours de Yannick et sa lente décadence n’est pas un mystère pour son père qui a assisté impuissant et maladroit à l’emprise de la drogue sur son fils. Cette lente descente aux enfers a commencé il y a deux ans quand Yannick demanda à son père de le prendre au garage pendant les vacances. Ca tombait bien, il manquait un représentant. De plus, ça faisait bien pour le garage. Un fils à Papa qui demande à bosser ! C’est pas courant. Le job plaisait à Yannick, aucun problème jusqu’au jour où il pris rendez-vous avec un certain monsieur Jérôme. L’homme était jeune, très élégant, dynamique et désirait remplacer sa BMW pourtant récente par le tout dernier modèle de la série. Pas de souci pour le payement avait dit Jérôme, moi je paye cash et en liquide. Yannick lui avait obtenu exactement ce qu’il désirait et pour le remercier, Jérôme l’invita au restaurant. La soirée se prolongea dans un établissement privé où pour la première fois Yannick se vit offrir un peu de « rêve » gratuitement. Yannick revit Jérôme plusieurs fois, il repris de la drogue et l’accoutumance s’installa, toujours un peu plus, toujours un peu plus loin. Ensuite, Yannick ne revit plus Jérôme que rarement, c’est un petit revendeur qui l’approvisionnait. Trois mois que Yannick est hospitalisé, ses jambes restent désespérément inertes et le sevrage est un calvaire. Il reste cependant, un léger espoir, ce sont les paroles du professeur qui le suit, mais quelle fiabilité accorder à de tels propos quand les faits ne montrent aucune amélioration ? Plusieurs méthodes de stimulations ont été tentées sans le moindre résultat. Ce lundi, Yannick est dans sa chambre, il s’évade dans un livre de Cizia Zike lorsque la porte s’ouvre. Une jeune infirmière qu’il ne connaît pas entre. --- Bonjour ! Vous êtes… Yannick ? --- Bonjour ! Oui c’est moi, vous venez me chercher pour me faire des misères au moins ? --- Non, rassurez-vous, dit-elle, le professeur Leroy désire vous parler, je vous conduis à lui. La nouvelle infirmière dit s’appeler Elsa, elle conduit Yannick dans le bureau du professeur. --- J’ai bien examiné votre cas, dit le professeur, votre paralysie n’est peut-être pas définitive. J’ai un collègue chirurgien qui serait d’accord pour tenter une opération, je voulais vous en informer car la décision incombe à vous seul. --- J’ai perdu tout espoir de remarcher un jour, Docteur. Tout ce que vous avez essayé sur moi n’a donné aucun résultat, alors vous savez, maintenant j’en ai marre ! Crever ou finir ma vie dans ce fauteuil, quelle différence ? --- Je ne vous demande pas une réponse tout de suite, dit le professeur, réfléchissez à cela calmement, parlez-en à vos parents. Elsa reconduit Yannick à sa chambre. Ca l’agace qu’on le conduise comme un gosse, il est près à exploser. --- Je suis capable de retourner à ma chambre tout seul ! Lance-t-il à l’infirmière sur un air de reproche ! --- Je vous accompagne, ce sont les ordres, dit Elsa. --- Vous l’avez entendu ? Ils me prennent pour qui, pour un cobaye ? Une nouvelle intervention, pour quoi faire ? Ils ont déjà tout essayé sur moi. Yannick arrive à sa chambre, Elsa le suit. --- Ils font tous chier ! Dit-il, j’en ai marre de cette vie, vous pouvez pas me laisser crever dans ce putain de fauteuil ! --- Dites pas ça, dit Elsa, vous êtes jeune, vous pouvez vous épanouir dans une vie différente, mais une vie agréable quand même. Et puis cette opération, que vous a proposé le professeur ? Il faut garder espoir ! Assise sur une chaise, Elsa se met à parler d’elle. Elle aussi a eu son lot de malheur, un père qui se tue dans un accident de la route quand elle avait quinze ans, une mère absente à cause de son travail. Elle a obtenu son diplôme d’infirmière il y a deux ans, cet établissement est son deuxième poste. Elsa parle calmement, un léger sourire en coin de lèvre agrémente ses paroles. Le lendemain, quand elle pénètre dans la chambre de Yannick, elle a changé de coiffure. Yannick le remarque. --- Oh ! Vous êtes observateur, dit Elsa, ici personne ne l’a vu, vous êtes le seul à me le dire. --- Cette nouvelle coiffure vous va très bien et je suis sincère, dans mon état, on ne peut être que sincère, j’ai abandonné toute idée de séduction. --- dommage ! --- Qu’est-ce que vous voulez dire ? --- Je veux dire que c’est dommage car vous êtes séduisant. --- Séduisant en fauteuil ! Vous ne m’avez seulement jamais vu debout ! Je ne pourrai plus jamais faire l’amour à une femme et vous dite que je suis séduisant ! --- Ca n’empêche pas d’être séduisant ! Dit Elsa. Et qui vous dit que vous ne retrouverez pas l’usage de vos jambes si l’opération réussit ? --- Ne me parlez plus d’opération, dit Yannick ça me donne des idées, je me fais un cinéma et je me retrouve à chaque fois cloué sur ce fauteuil. C’est encore pire. --- Réfléchissez-y quand même, dit Elsa en quittant la chambre Elsa avait pris l’habitude de venir une dizaine de minutes chaque jour avec Yannick, ils parlaient de tout, il était devenu peu à peu son confident. Des liens invisibles s’étaient tissés jour après jour. Elsa avait pris une place si importante dans la vie de Yannick qu’il en était arrivé à redouter le jeudi, le jour de repos d’Elsa. Cette journée lui semblait interminable, heureusement qu’il y avait la piscine, comme il adore l’eau, ça compensait un peu. Adolescent, Yannick aimait écrire, sur ses vacances ou ses voyages ou encore ses aventures amoureuses. Un jour, l’idée lui vint d’écrire un poème à Elsa. Il lui donna et il remarqua que ses yeux se brouillaient en le lisant. --- Tu ne peux savoir comme cela me fait plaisir, dit Elsa. Elle se pencha pour l’embrasser en guise de remerciement, mais, pour la première fois, leurs lèvres se touchèrent et un long baisé s’en suivit. Yannick regarda Elsa, oui il la regarda, car auparavant il ne faisait que la voir. Conscient de la barrière qui les séparait, il s’interdisait de la regarder. Tout allait trop vite, Elsa avait pris trop de place dans sa vie, sa pauvre vie d’infirme. Alors, il se plaisait à rêver d’amour, avec Elsa bien sûr. Il s’imaginait quantités de scenari mais toujours ce maudit fauteuil en travers ! La vie de l’établissement était calme et Elsa, son travail terminé, restait souvent avec Yannick. Ils parlaient d’un peu de tout, se tenant la main et abordant mille sujets. Mais un sujet revenait constamment, l’opération qu’avait proposée le professeur. --- Tu te rends compte, si ça réussissait, dit Elsa, --- Et si, comme les autres fois, c’était un échec ! Tu imagines les conséquences ? Elsa ne répondit pas, laissa passer un long silence, pris les mains de Yannick et le regarda dans les yeux. --- Je vais te dire quelque chose dit-elle, mais promets-moi de ne pas te fâcher. --- Promis, --- J’ai pris rendez-vous avec le chirurgien demain matin pour ton opération. --- Tu as fais ça ? Sans m’en parler. --- Si je t’en avais parlé, tu aurais refusé, alors j’ai pris l’initiative. La perspective de vivre sur ses jambes et d’avoir une vie sexuelle normale rendit Yannick quelque peu euphorique ! Quel que soit le résultat de l’opération, je ne te laisserai pas, avait dit Elsa, mais Yannick se refusait à offrir à son amie une vie qu’il qualifiais de « vie au rabais ». Jeudi dix-huit heures, Yannick regagne sa chambre, il dort encore. Elsa est à ses côtés, elle pense sans cesse à ce qu’a dit le chirurgien : l’opération s’est bien passée, enfin j’espère. C’est ce « j’espère » qui la tourmente. L’attente est longue, un papillon bat des ailes contre la fenêtre de la chambre, lui aussi est prisonnier. Elsa fixe le goutte à goutte, puis le visage de Yannick, mais instinctivement, c’est sur les jambes de Yannick que se posent ses yeux. Vingt heures, Yannick se réveille. Il regarde autour de lui, Elsa est là , elle lui sourit. --- J’ai mal dit-il, tu peux demander un calmant ? --- Ne bouge pas dit Elsa, je dois prévenir le médecin dès ton réveil. Le médecin soulève le drap, laissant apparaître les jambes atrophiées de Yannick. Il sort un objet pointu de sa poche et tapote la jambe de Yannick à différents endroits. --- Aïe ! Crie Yannick, mais vous me faite mal ! Yannick n’a même pas réalisé que c’est sa jambe qui lui fait mal. Le visage d’Elsa s’illumine suivi d’un large sourire du Médecin. --- Ca a marché dit Elsa ! Tu te rends compte, tes jambes réagissent à la douleur ! C’est formidable ! Extraordinaire ! Elsa se pencha sur Yannick, colla sa tête contre la sienne, leur joie était inomable. Après deux semaines de rééducation, Yannick quitta l’établissement. Il passa sa première nuit avec Elsa. Il découvrit, que marcher tout simplement dans la rue et avoir des relations avec son amie avait pour lui un goût de paradis. Mais de vrai paradis, pas celui de poudre qui l’entraînait dans les profondeurs de la misère humaine. La vie avait une toute autre couleur ! BOKAY |
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