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■ L'hiver
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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2005-01-18 | |
LA GOUPILLE OU LE PÉPIN
Que faire avec mes noms de fleurs embaumant l’espérance et mes miettes de pain sur la table affamée ? On a remplacé les tapis volants par des tapis de prière, les dards des abeilles par d’affreux étendards, l’écriture des nuages par une pluie de sang. Il pousse des couteaux dans les jardins de roses, des micros hantés dans le chant des sirènes et de mauvais pépins dans les pommes d’Adam. Les oiseaux brûlent dans des buissons ardents. Il y a comme un mur entre chaque parole. Ouvrez-moi votre cœur que j’y cache mes larmes. Donnez-moi vos sanglots que j’en fasse un sourire. J’arrive nu comme la misère mais j’ai l’or des rêves au bout de chaque doigt. J’ai au fond de mes mains une immense tendresse. Je m’assoie dans les mots comme un enfant perdu. J’attends la mer sur le seuil des portes. Que faire avec mes brins de paille parmi les bruits de botte et mon tire-pois d’espoir face aux kalachnikovs ? On a coupé les arbres pour en faire des matraques, des cercueils et des portes. On a placé des mines sur le ciel des marelles. Les vieux livres jaunissent sous la poussière des mots. Toutes les menottes du monde ne forment qu’une chaîne. Prêtez-moi votre épaule que j’y pose ma main. Nous ferons de l’accolade un arc-en-ciel vivant. J’arrive les mains vides pour en faire des caresses. Je vole tous les mots arrachés au bonheur pour en faire un poème. Je m’assoie dans les mots comme sur un tas de feuilles. J’entends le bruit du cœur dans la poitrine du temps, l’affolement des luzernes avant le froid d’hiver et le chant des cigales au milieu des fourmis. Que faire de mon quignon de bonheur dans la main du malheur et ma tendresse de pauvre sur le comptoir des banques ? Que faire de nos cris dans l’oreille des sourds et toutes nos couleurs dans les yeux des aveugles ? L’histoire trébuche sur ses propres lacets. À force d’attacher nos souliers au fil barbelé, on en fait des boulets. Les mains n’ont plus besoin de gants. À force de se ronger les ongles, on a fait des moignons. Les verres fumés cachent des regards vides et les attaché-case un mauvais cœur en kit ne battant qu’au salaire. Les champs de trèfle sont envahis de pique et les valets de fric ont posé des barreaux sur les carreaux défaits. Au fil des heures dévoyées on a monnayé l’espérance à bas prix et cousu d’étoiles jaunes l’insouciance des enfants. On a soldé les mots pour des slogans et les idées pour des affiches. Les vivants d’aujourd’hui sont déjà morts d’hier depuis le temps qu’ils crèvent d’un cancer à l’amour. Entre la prime et la déprime chaque heure mercenaire claque comme un coup de fusil et les bêtes à bon Dieu s’entretuent pour un os. Sur les champs de bataille les soldats morts de peur redeviennent vivants. Ils échangeraient leurs balles pour un ballon de plage, leur fusil pour une pipe, le linceul d’un drapeau pour une nappe à carreaux, leur treillis de combat pour la peau nue d’un cancre, la parole de Dieu pour le rire d’un singe, les écrous des mines pour la mine d’un crayon et la goupille des grenades pour les pépins du fruit. C’est armé d’un tire-pois, d’un stylo ou de l’arc d’Éros que je pars à la guerre, les yeux en face des trous, les deux mains dans les poches, tout en sifflant mon chien. Je tire un cerf-volant avec mon vieux solex et lance à la ronde une poignée de rêves. J’aime mieux passer pour fou que de passer ma vie dans une salle d’attente, un doigt dans le cul et l’autre sur la gâchette. J’aime mieux sucer mon pouce que les bottes d’un patron. Je ne tire pas du gun mais je tire la chasse sur les derniers Dow Jones. 1 novembre 2004
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