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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2005-11-29 | |
Ion Stratan est parti aux cieux
La mort d’un grand poète roumain Mercredi 19 octobre, s’est éteint à Ploiesti, le poète Ion Stratan. Il avait eu 50 ans le 1er octobre. En sa mémoire, je reproduis l’une des dernières interview qu’il a accordée, un dialogue entre nous deux et qui ne date que de deux ans. NE CONFONDONS PAS LE MOBILIER DE STYLE LOUIS XIV AVEC LE SOLEIL (Les douze questions à un Poète dans une journée qui s’attardait sur elle-même, suscitant le ré-enchantement du monde par la Poésie) Angela Furtună s’entretient avec Ion Stratan Qui peut croire que la littérature roumaine soit le cirque Kludsky ou « le chant dédié à la Roumanie », où un quelconque ivrogne dans la salle crie « jetons-la aux fauves ! » ? Cher Ion Stratan, vous êtes l’un des poètes les plus importants de la génération des années 80 dans la littérature roumaine, un de ceux qui vit encore intensément ce rêve/projet littéraire des années 80 en tant que genre particulier de voir et de faire de l’art, et pas seulement en tant que génération. Comment cela se passe t-il aujourd’hui pour un membre des années 80 têtu comme vous ou comme Traian T. Coşovei ? Vous invite t-on à quitter la scène comme le murmurent certaines voix ? J’ai plaisir à répondre à vos questions, chère Angela Furtuna, d’autant plus que vous venez des plans éminesciens de l’esprit et des lettres. Le projet littéraire des années 80 dont vous parlez a été celui de construire une liberté intérieure et de faire une sélection du réel selon un «corrélatif objectif» (T. S. Eliott), en le pigmentant d’ironie, d’humour, d’intertextualité et de «jeu». Puisque vous évoquez Traian T. Coşovei je voudrais souligner que la lutte des écrivains non compromis politiquement sous le régime de Ceausescu ne doit pas être minimalisée. A la fin de nos études de philologie, Traian et moi avons été professeurs (et…chercheurs) dans des villages écartés, personnellement, j’ai été travailleur non qualifié pendant SEPT ANS, parce que j’ai refusé d’être membre du parti communiste. Je n’ai publié aucun volume et je n’ai pas voyagé, malgré des invitations aux festivals internationaux de poésie et des manuscrits déposés, entre 1983 (année de la parution du livre « cinq chants pour les héros civilisateurs » et 1990. Rien après 1990, alors que j’ai voyagé dans UN SEUL PAYS, je n’ai pas touché un sou d’indemnité de la part de l’Union des Ecrivains pour mes déplacements, je n’ai pas touché un sou à la publication d’un seul de mes volumes imprimés (pour certains, j’ai payé sur mon propre salaire des éditions particulières ou subventionnées par l’état, comme par exemple « Air aux diamants »). La rémunération de « Contrepoint » a été suspendue lors des bonnes années, l’Association d’alors (l'Union des Ecrivains) ne soutenant pas la revue dont je suis membre fondateur et d’où je ne voulais pas partir, croyant qu’en fin de compte ce symbole post-totalitaire qu’est « Contrepoint », avec toute son histoire, lui reviendrait. Pour le groupement « Café salé », composé de paraphrases humoristiques, je recevais ….. 100 lei, alors que, au même moment, par exemple, Dinescu recevait pour un article dans la revue « Academia CaÈ›avencu » … 18 000 lei par semaine. Je dis tout ceci, car «les suggestions » dont vous parlez sont probablement celles d’imbéciles stériles, d’ignares. En 1997, lorsque je critiquais (sur mes propres fonds) dans « Air aux diamants » la poésie ceausiste asservie, «l’homme nouveau» et la Securitate, ces jeunes n’avaient pas encore appris l’alphabet. Dans une recommandation pour la Fondation Soros, le professeur Nicolae Manolescu écrivait en 1990 : « Ion Stratan a été, après « le Cénacle des Lundis » non seulement un poète admirable, mais aussi une personne courageuse, qui n’a pas fait la moindre petite concession au pouvoir communiste.» Si quelqu’un croit que j’ai fait un bataillon disciplinaire, effectué la faculté sur mes fonds propres (parce que je dépassais de peu le plafond, mais pas assez pour avoir un logement en ville et nous étions huit dans une chambre au foyer), un travail épuisant de sauvetage lors de tremblements de terre, une besogne agricole, comme stagiaire et que j’ai accepté le statut d’ouvrier non qualifié pendant sept ans pour ne pas être membre du parti communiste, que j’ai refusé le poste de membre du FSN pour ne pas être accusé d’opportunisme, et que j’ai ensuite été radical envers le dogmatisme, le nationalisme xénophobe et les manipulations ( qui ont même été jusqu’à réclamer mon arrestation en 1992) pour que l’on me demande de « quitter la scène » à 45 ans, eh bien, celui-là est un idiot inculte, un crétin immoral. Moi, je n’habite pas Bucarest, mais je ne m’installe à la table de personne, je ne vide le verre de personne (pas seulement parce que je ne bois pas), je ne fais pas partie du Conseil et je ne participe pas aux cénacles, cercles, chaires, bourses, lectures ou déplacements chez personne. Il y a là une confusion ; un livre ce n’est pas comme une chaîne de télévision qui entre chez toi, « parce que tu la payes ». Il peut tout aussi bien rester sur l’étagère. Même en ce moment, alors que je réponds à cet entretien, il y a à la télévision Păunescu-Făzănescu à l'esprit déformé par la démagogie, dont je critiquais le détournement et son asservissement dans la nature de sa poésie en 1977. Croyez-vous que cette lutte ne soit rien ou presque ? Je ne sollicite aucune rémunération pour les vers publiés, j’ai essayé de ne pas me répéter, et la génération des années 80 dont je fais partie comprend des noms prestigieux comme Liviu Ioan Stoiciu, George Vulturescu, Ioan Moldovan, Traian Stef, Romulus Bucur, Bogdan Ghiu, Ion Bogdan Lefter (qui est aussi poète), Călin Vlasie, Gabriel Chifu, Adrian Alui Gheorghe, Horia Gârbea, Ioan Vieru, Liviu Antonesei, Lucian Vasiliu, Nichita Danilov, Eugen Suciu, Gheorghe Isbăşescu, Octavian Soviany, Marian Drăghici, Denisa Comănescu, Daniel Pişcu, Alexandru Muşina, Dan Stanciu, Elena Ştefoi, Daniel Corbu, Aurel Pantea, Ion Mureşan, Magdalena Ghica, Gellu Dorian, Marta Petreu, Mircea Petean, et beaucoup d’autres que j’ai peut-être omis, par inadvertance, car le terme de l’entretien est … le 15 août. Qui peut croire que la littérature roumaine soit le cirque Kludsky ou «le chant dédié à la Roumanie », où un quelconque ivrogne dans la salle crie « jetons-la aux fauves ! ». Opinions d’écervelés. D’un autre point de vue, je sais que c’est également difficile aujourd’hui pour les jeunes poètes. Je lis tous les poètes apolitiques et ce serait le comble , après tout ce qui est arrivé, qu’ils ne supportent pas une critique malicieuse de ma part. Dès son apparition j’ai salué le mouvement des années 80 comme le rêve américain dans notre littérature, à savoir l’expression de nouvelles matrices représentant une chance de délivrance pour un certain type de culture. Ce fut, vraiment, l’institution de la liberté dans un monde de camps, ce fut aussi la ressource d’une poétique qui avait proposé un « nouvel anthropocentrisme ». Croyez-vous que ce véritable mode de vie existentiel soit toujours possible ? Il subsistera ? Le problème avec l’américanisme est nuancé. Moi, j’ai appartenu, si l’on considère votre paradigme, à la branche conceptuelle et syntaxique Poe-Wallace Stevens – Cummings – W.S.Merwin. D’autres ont été plus dans la lignée de Walt Whitman ainsi que dans la continuité de la « beat generation ». « Le nouvel anthropocentrisme » fait partie des théories de Muşina, recommandé chaudement par le critique Al Cistelecan dans ses « lettres de Olanesti » dans la revue « Vatra ». Chère madame Angela Furtună, nous sommes en pleine force physique et créatrice, certains font aussi de la prose et s’essayent à la critique, et comme vous pouvez le constater, parmi les noms cités à la première question, nous sommes surtout dispersés, chacun, selon son gré, avec son style, sa culture et ses opinions. Je crois que l’une des définitions de l’intellectuel est comprise dans le syntagme « souffrance pour la forme ». Je me rapproche personnellement maintenant d’une métaphore d’associations imprévisibles (selon moi), combinées avec ma vieille syntaxe en quête de nouveaux symboles, et avec une « nuance » de néosupraréalisme. Ion Bogdan Lefter pense que la génération des années 80 ne représente que le premier moment d’un courant (plus tardif) postmoderne de chez nous. Mircea Cărtărescu désigne la génération des années 80 comme étant profondément créative, uniquement post moderne. Plus encore, Alexandru Muşina recommande (impérativement) de ne pas identifier la génération des années 80 avec le post-modernisme, sous peine d'annuler son caractère novateur. Quelle est votre version ? Il n’est pas étonnant que le postmodernisme ait été en relation dès le début avec l’architecture. De même qu’il ait été inclus dans l’espace d’expression américain, il provient (et je ne suis pas adepte d’un mécanisme socio-artistique) d’un monde où le psychologisme et l’intériorisation de l’auteur dans le modernisme ne « prend » plus. Muşina (qui est souvent étourdi, comme tous les grands poètes ou bien « il met les pieds dans le plat » de manière inattendue avec de vilaines allusions) a tout à fait raison. La génération des années 80 (au-delà de ma réserve en ce qui concerne « l’esthétique » empesée de Cărtărescu comprenant aussi une « éthique » sur mesure, avec des commérages, de l’opportunisme et de la mégalomanie, sans avoir l’air de rien) fut également une mosaïque, un puzzle, un « mixtum compositum » de formes (discours, citations, citadinisme, dialogues, etc…). Chacun son choix. En revisitant la poésie stratanienne, en retrouvant la musicalité, le pictural, la réflexivité et « le ludisme dans le jardin du métaphysique » qui vous caractérise, il me semble deviner un fil existentiel quasi continu qui avertit du « retour du tragique comme étant la marque de l’existence vécue sous le signe de l’éphémère ». Vu sous cet angle, vous pouvez vous livrer, en accord –éventuellement- avec un théoricien comme Michel Maffesoli, à une poétique qui projette avec nonchalance un monde d’idées postmodernes dans une «synergie entre archaïsme et développement technologique» ? Votre question est intelligente tout comme la poésie que vous écrivez, et vous découvrez avec raison ce parallélisme. J’ai éprouvé dans le cycle « Le cimetière de voitures » qui réapparaît dans certains de mes volumes le double impact dont vous parlez – « La dégradation du tragique / l’époque technique » Une fois, vous avez critiqué âprement (et à juste raison) ceux (ô combien nombreux !)qui font des allergies au sublime, ceux faits uniquement pour que cela fonctionne, un point c’est tout. Vous ne cessez pas d’être (alchimiquement) intéressé par ce « glutinum mundi », ce levain ajouté à la pâte du monde qui fait que quelque chose de cohérent, et donc, bien supérieur à « rien », ressuscite les flux vitaux des forces d’attraction. Croyez-vous que la poésie ainsi poussée à l’extrême (tout comme Mircea Eliade la pousse également, n’est-ce pas ? « Restons poètes jusqu’à la mort, quoi qu’il nous arrive »)peut contribuer au ré-enchantement du monde ? Chère poétesse, le paradoxe essentiel dans la poésie est, à mon avis, que l’on « parle » en termes « spéciaux » – rhétorique, rythme, rimes, métaphores – de quelque chose d’extrêmement profond dans l’être, quelque chose d’irremplaçable en tant qu’expérience dans le sacré et dans l’être humain. Ce que je ressens dans chacun de vos livres, à partir de «La sortie hors de l’eau»(1981), jusqu’à «La bibliothèque de dynamite» ou encore «La croix du verbe», c’est le rythme, de plus en plus fougueux, et par endroits faussement immobile. Chez les Grecs, ce rythme pouvait être considéré comme un mouvement partant d’un point fixe, ainsi que nous l’assure W. Jaeger. Est-ce pour ce motif que le compositeur, pianiste et chef d’orchestre George Balint a écrit, sur vos vers, de superbes lieder pour soprane, violon et piano Turle I,II, III ? En quoi cette expérience vous a t-elle enrichi ? Je n'étais pas au courant de cette entreprise artistique. Je vous prie de me mettre en relation avec ce sympathique artiste pour le remercier et écouter son Å“uvre. J’ai écouté avec beaucoup d’attention ce que vous avez dit lors de l’interview en juin, diffusée par Radio România Cultural. Vous y avez affirmé, à juste titre, que certains des oppresseurs les plus acharnés (sans faire de critiques) de la génération des années 80 sont des poètes de générations antérieures, générations qui ont joui de quelques privilèges sous la dictature, puisque je me souviens au moins du fait que la parution de ces volumes leur apportait quelques revenus et que la distribution de ces livres, qui allaient jusque dans les librairies et bibliothèques d’état, se déroulait de manière à peu près impeccable. Emplie de ces considérations, je me suis rendue dans quelques bibliothèques municipales et départementales. Je n’ai trouvé que de rares volumes de Ion Stratan, de Mariana Marin, de Traian T. Coşovei ou bien de Liviu Ioan Stoiciu. Tout au moins, dans votre cas, après 1990 (lorsque vous êtes entré aussi dans l’Union des Ecrivains) il n’existe nulle part de volume dans les bibliothèques que j’ai visitées en province. Le fait est grave. Par comparaison, les poètes des années 60, par exemple, même ceux qui sont minoritaires, s’étalent avec opulence sur les étagères. Que faudrait-il faire ? Allons, ne soyons pas naïfs. Le problème est que, en plus des poètes des années 60 (parmi eux, je ne déteste que Păunescu – Făzănescu ainsi que Ion Gheorghe, au côté d’autres « chantres » du dictateur et du parti) , les trois poètes des années 80 que vous citez ont pu publier entre 1980 et 1990. C’est pourquoi on trouve leurs livres dans les bibliothèques, qui firent alors l’acquisition de ce qui se publiait, c’était sous un autre mandat, avec d’autres servitudes, d’autres avantages. Il aurait fallu faire la loi pour les sponsors, il aurait fallu faire une loi sur les livres, il aurait fallu acquérir des livres non compromis, cotés par la critique…il aurait fallu décerner des prix en numéraire aux poètes pour qu’ils achètent également des livres (la littérature vient aussi par la littérature), pour qu’ils voyagent selon leur inspiration, qu’ils puissent payer un éditeur, qu’ils puissent organiser des lancements de livres… Vous avez été ami avec Nichita Stanescu, dont vous avez fait la connaissance grâce à Traian T. Coşovei qui vous a présenté comme un « querelleur ». Plus tard, en 1989, au festival « Nichita Stanescu »,il n’empêche que vous, Sorin Dumitrescu et Eugen Simion avez déployé de grands efforts pour maintenir vivant l’intérêt face à l’œuvre de Stanescu, et l’on ne vous a même pas permis de prendre la parole. Que s’est-il passé, qu’est-ce qui a dérangé dans votre manière de faire de la culture différemment ? Nous étions en 88-89. Il régnait une grande tension. Par exemple, à la bibliothèque où je travaillais, je pouvais faire une « sélection » orientée vers les créations des jeunes qui fréquentaient le cénacle de la bibliothèque, mais on ajournait leur impression « sine die », car on soutenait que « Stratan se fourre le doigt dans l’œil » (excusez l’expression). En 1989, j’ai lu dans la salle de lecture de la bibliothèque des poèmes ouvertement orientés contre les patrouilles de rue et ce, dans une atmosphère totalement ceausiste. Après 1989 j’ai été nommé au FSN, mais je ne m’y suis jamais rendu, pour ne pas être considéré comme un opportuniste. Je voulais écrire, voyager… Mes communications traitaient de Maître Eckhardt ou Husserl, cela n’a pas plu… Je veux vous surprendre avec une question des plus difficiles, même si je sais que rien ne peut surprendre un ludique. Qu’est-ce que la poésie pour vous, Ion Stratan ? La seule chose que nous sachions sur la poésie, c’est qu’on ne peut pas la définir. Cela, c’est la définition de la poésie. Je pressens que de la période avec Nichita Stanescu, il vous est resté pour le moins ce superbe « avoir un ami, c’est comme si tu avais un ange ». Vous avez des amis ? Je ne veux pas paraître indélicate, mais je veux savoir pourquoi meurt sous nos yeux l’institution de l’amitié, pourquoi nous sommes aliénés dans un monde qui semble déterminé à tous nous absorber dans ses presses civilisatrices, d’où ne ressortent finalement que des clones au sourire métallique de créatures hybrides de consommation ? J’ai des amis. Mon meilleur ami est mon épouse, la poétesse LetiÈ›ia Ilea. Sa manière de penser, d’écrire, et son charme, suppléent le nombre restreint des compagnons d’idées, la rareté des rencontres avec eux due au rythme trépidant de la vie actuelle (l’essayiste Bogdan Stoicescu, le critique Nicolae Boaru, le romancier Ştefan Tomşa). Tous les artistes que j’admire, sur lesquels j’ai écrit, que j’ai cités, ou auxquels j’ai dédicacé des vers, je les considère en mon for intérieur comme des amis. Même si je ne les rencontre pas, je peux moi aussi dire comme cet étrange type allemand (C’est ainsi que le considérait Noica) – il est question de Nietzsche (même si je ne suis pas tout à fait d’accord avec lui) – AIME-LES DE LOIN. Et pour vous paraphraser, ces « presses » uniquement « civilisatrices » n’existent pas. L’amour, l’attraction spirituelle et physique dans le monde (également du fait du SIDA) la créativité, la compréhension, la paix, la tolérance, le bien-être matériel, disparaissent dans l’effort et le sacrifice. Le totalitarisme existe, ainsi que l’envie démesurée de pouvoir, la haine, le manque de liberté. Malgré de nombreuses attaques contre la poésie, (et vous voyez les positions de ce cher Ion SimuÈ›, qui a débordé en touche les polémiques élégantes, sans être sifflé par l’arbitre)je continue à croire en la superbe poésie que font les poètes roumains. Pouvez-cous me donner votre point de vue sur cet extraordinaire phénomène (qui au bout du compte, devrait fournir un produit roumain d’élite à l’export, si nous ne nous heurtions pas à l’étroitesse obtue des autorités et des apparatchiks de la culture qui gouvernent, de fait, des politiques qui freinent, voire même qui assassinent les hommes de culture et d’art en les marginalisant, en ignorant leurs produits -véritables richesses du patrimoine national- et en se moquant des valeurs. La poésie est un risque ontologique et une aventure de l’expression. Les grands poètes roumains (les « classiques » que j’aime Mihai Ursachi, Cezar Ivănescu, Serban FoarÈ›ă ou Petre Stoica) ont également assumé cette condition. Je sais que Ion Stratan a davantage mis l’accent sur l’innovation de sa propre poétique. Sur quoi travaillez-vous, quels sont vos projets futurs, et finalement, sur quoi concentrez-vous votre esprit poétique pour continuer, avec charme, sur cette voie de l’excellence dans la poésie roumaine ? Le changement d’ «artifices » de la rhétorique fait partie non pas d’une inconscience stylistique (le paradigme est le même), mais d’une morale régénératrice. L’acceptation d’un nouveau livre est un effort de la part de l’éditeur, et je propose à chaque fois une alternance apollonienne/dyonisiaque sur mes réflexions sur le monde. Les sujets ont été le symbolisme aquatique ( « Sortie hors de l’eau », « L’eau molle », « Le lavage de l’eau »), le mystère thanatique (« Un bon jour pour mourir », « Mieux que la mort »- volume auquel je tiens beaucoup, paru aux éditions Axxa de Botosani qui prépare une deuxième édition, également « Ceux qui sont morts ». Enfin, la transfiguration de la lumière dans les volumes « Lux » et « Lumière du feu ». J’ai remis le volume « La vitesse de la vie » aux éditions Dacia il y a maintenant un an, et récemment le manuscrit « Pays disparu » aux éditions « Noul Orfeu » de monsieur MunÈ›iu, dont le rédacteur littéraire est le dramaturge et poète Horia Gârbea. Le « charme » est une notion relative (il existe un « jésuitisme » dans cette notion) cependant la gravité du fait d’écrire actuellement n’exclue pas l’aspect ludique en tant que catégorie esthétique, mais en l’intégrant, en le dépassant, je crois, avec maturité… (Traduction : Nicole Pottier) *** Notes : Ion Stratan était né le 01 octobre 1955 à Izbiceni. Il avait passé toute son enfance à Ploiesti, puis s’était rendu à Bucarest pour effectuer des études de lettres. Il était revenu vivre à Ploiesti. Ces dernières années, gravement malade, souffrant de difficultés respiratoires (on lui avait pratiqué une trachéotomie) il vivait seul, entouré de ses livres. Il était divorcé depuis un an de sa deuxième femme, la poétesse LetiÈ›ia Ilea. Il fut membre du « Cénacle des lundis », professeur de 1982 à 1985, ensuite bibliothécaire jusqu’en 1990. Cette même année, il était nommé directeur adjoint de la revue « Contrepoint », éditée par l’Union des Ecrivains de Roumanie. Il a publié de la poésie, des essais, des critiques littéraires, des traductions et bien –sûr, des articles politiques. Il a obtenu le Prix de l’union des Ecrivains en 1993, ainsi que le Prix Mihai Eminescu de l’Académie Roumaine en 1995. Ion Stratan s’est poignardé dans son appartement de Ploiesti le 19 octobre 2005, deux semaines après le décès de sa mère. Il était l’une des personnalités les plus marquantes et les plus attachantes de sa génération, et à l’annonce de sa mort, tous lui ont rendu un hommage unanime. Paru en français : La roulette russe, éditions Créaphis, 2002. |
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