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Je suis de cette nuit des trains ensommeillés
poèmes [ ]

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par [felipe ]

2004-11-24  |     | 







Je suis de cette nuit des trains ensommeillés qui passent des frontières, où des hommes ayant enfoui très loin en eux le mot « désir » et cessé de croire qu'embarquer fut possible, n'écoutent qu'à peine les rumeurs des gens pressés qui remontent vers Zurich avec les tentacules des pétrodollars putréfiés dans leurs mallettes serrées et l'illusion de posséder le monde.

Je suis de cette nuit des autoroutes en panne et personne ne s'arrête sauf le temps lui-même sous les arches des sonorités effondrées dans les lourdes tentures des théâtres d'ombres et les avions à Genève déchirant le ciel au-dessus des ponts dans la stridence des réacteurs, vers des lieux qui n'existent que dans les coupures des journaux, puisque tu ne les verras jamais

Et jamais ne seras l'archet du vent sur l'âme de la voile.

Certains soirs tu refermes lentement le livre des tempêtes. Le poème, l'ennemi fraternel se refuse, revoilà le désert, ses mirages, ses cavales pétrifiées dans les statues de sable et de poussière qui roulent sur la dune leurs serpents déracinés de Nils et de papyrus et l'unique rêve de Pharaon d'ouvrir le fleuve, sur le peuple englouti des nefs et des morts dérivant pour connaître à l'instant les mystères et les sortilèges d'au-delà.

S'il se trouve un chemin à travers les ossements, les crânes fracturés, les hommes rompus, engloutis dans l'asphyxie des lises, les membres brisés dans l'écho des tables sacrificielles, le coeur arraché par la griffe du condor dans cette Mésopotamie luxuriante, vers les hauteurs vertigineuses et chancelantes de l'Altiplano, où tremble la splendeur dénudée du Seul Inca, défait par les centaures et l'arquebuse, à Caxamarca.

Puis, nous, empêtrés dans le vol gluant des pétrels, pillards de charniers énucléant les yeux morts des poissons pourrissants sur les déchetteries, leurs lambeaux d'émeraudes mazoutées secoués par les vents branlants des mers domestiquées par les vagues de transats échoués sur la plage avec le dérisoire, papiers gras et baleines des parasols. Tu voudrais faire pousser la pluie dans des herbes torrides, décliner l'avalanche et ses noms d’incendies


Mais, Atlas est un bousier musculeux qui pousse lentement la rondeur de son butin d'excréments vers le gouffre, vautre dans la liesse, sa cène. Je suis de cette nuit attentive, aux paupières tuméfiées, à la lumière atrophiée. L'effraie scrute l'air, contemple le silence et traverse ses eaux, comme le navire écarte les ronces de l'océan, ses ergots, ses gouffres acérés.





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